Le 14 juin à l’aube, les forces de sécurité des Philippines ont donné l’assaut à deux appartements à Marawi, sur l'île méridionale de Mindanao. Les combats ont duré cinq heures les opposants étant lourdement armés.

Plus de 100 hommes de cinq bataillons de l’armée et de la police philippines ont pris été engagés dans cette opération qui a mis un terme à la carrière terroriste de deux responsables du groupe Dawlah Islamiya-Maute Group (DI-Maute Group) qui avait fait allégeance à Daech dès sa création en 2014.

Abou Zacharia, alias Jer Mimbantas et Faharudin Hadji Satar, l’« émir » de DI-Maute G (et accessoirement « émir » de l’État Islamique en Asie du Sud-Est même si cette wilaya n’a jamais été officiellement reconnue par la direction de Daech) et Abou Morsid, le responsable logistique du mouvement ont été neutralisés.

Cela a été confirmé par le directeur du bureau régional de la police de la région autonome de Bangsamoro, Allan Cruz Nobleza. Ce dernier a affirmé que les suspects avaient opposé une importante résistance armée refusant de se rendre.

Le «  Dawlah Islamiya – Maute Group » a été créé en 2012/13 par d’anciens activistes du Front Moro islamique de libération (FMIL). Il était emmené par Abdoullah Maute et sa famille qui refusaient les négociations de paix entamées entre le FMIL et le gouvernement philippin. Le groupe était alors installé dans la province de Lanao du Sud sur l’île de Mindanao.

Le groupe a prêté allégeance dès 2014 à Daech. Il a alors reçu l’appui de combattants issus de divers groupes islamistes philippins dont le plus important était le groupe Abou Sayyaf. Des activistes malaisiens et indonésiens l’ont rejoint.

En juin 2017, le groupe a pris le contrôle de la localité de Marawi. À cette occasion, en plein « internationalisme » du jihad islamique, des volontaires tchéchènes et yéménites ont été repérés. L’armée philippine n’est parvenue à rependre  la ville qu’en octobre 2017 après cinq mois de combats au prix d’au moins 165 morts chez les militaires et 920 tués du côté des jihadistes. Plus d’un millier de civils auraient également été tués. Au cours des combats, la famille Maute a été pratiquement décimée ou arrêtée.

Le groupe a ensuite versé dans la criminalité teintée d’idéologie salafiste mais il a été traqué par les forces de sécurité philippines qui ont lancé des opérations de ratissage régulières dans ses lieux d’implantation. C’est lors d’une de ces dernières déclenchée en mai 2023 que les autorités ont identifié Abou Zacharia comme le nouvel « émir ». Il aurait succédé en 2022 à Owayda Benito Marohomsar (Abou Dar) en tant que chef de DI-Maute affirmant qu’il avait été désigné nouvel émir de l’État Islamique pour l’Asie du Sud-Est.

Toutefois, Georgi Engelbrecht, un analyste de renom basé aux Philippines pour le Crisis Group, affirme les liens du mouvement avec Daech sont « quelque peu troubles » la quasi-totalité des financements et des recrues provenant désormais de sources locales (racket), c’est-à-dire criminelles.

Abou Zacharia est un neveu d’Alim Abdul Aziz Mimbantas, vice-président chargé des affaires militaires du Front Moro islamique de libération. Il s’est séparé de sa famille en 2012 lorsque le FMIL qui luttait depuis les années 1970 pour l’établissement d’un État musulman indépendant a signé un accord de paix et a commencé à rechercher l’autonomie par des moyens politiques plutôt que par la force. C’est là qu’il aurait rejoint le DI-Maute Group.

Avant de passer à la phase de consolidation de la paix, Mindanao a accueilli pendant des décennies de nombreux groupes armés allant des islamistes aux séparatistes en passant par les communistes mais le soutien populaire a diminué progressivement.

À Marawi, le commandant militaire a décrit les anciens complices d’Abou Zacharia comme « en fuite et dans un état de démoralisation » créant ainsi une opportunité de les vaincre. Mais, il est plus important à ses yeux : « il est temps de donner une chance à la paix. » Après des années de conflit, les activistes semblent tout simplement fatigués de la guerre.

Pourtant, il est peu probable que la mort des deux hommes marque la fin de Daech à Marawi, d’autant plus qu’une des personnes qui serait parvenue à échapper au bouclage militaire serait  une sœur des frères Maute. Cela dit, la mouvance islamiste radicale aux Philippines semble nettement marquer le pas depuis des années faute de soutien populaire. Il convient de rester prudent, le feu repart parfois de ses braises…