Si l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 a été un séisme politique et économique en Europe, l’onde de choc a particulièrement ébranlé l’Allemagne, laquelle s’est retrouvée dans une situation délicate car elle était très impliquée en Europe orientale. Après moult atermoiements et tentatives de gagner du temps, elle dut réagir, tout en essayant de limiter la casse pour maintenir son rang économique tant national que mondial.
Durant des décennies, malgré des changements politiques à la tête du pays, Berlin continua la même politique, nous dirons presque bienveillante, vis-à-vis de la Russie. Celle-ci lui procurant une énergie à bon marché favorisant une économie nationale florissante et une forte compétitivité.
L’attaque russe a tout changé. Les voisins, en particulier la Pologne, désignèrent l’Allemagne comme une nation égoïste – traînant avec elle, il est vrai, une histoire pesante – et en coulisse le grand frère américain lui tordit le bras – certains « tordirent » aussi le gazoduc Nord Stream… Le gouvernement allemand fut contraint de réagir. Cette réaction se traduisit par des positions politiques condamnant la Russie, mais surtout par le vote sans précédent du Bundestag et du Bundesrat d’un budget de la défense à hauteur de 2 % du PIB (1) associé à un fonds spécial de 100 milliards d’euros.
Une manne pour l’armée allemande qui compte sur l’accélération des projets (bouclier antimissile, par exemple), la recréation des grandes unités, la réparation des nombreux matériels à l’arrêt, le comblement des déficits en équipements et en munitions.
La guerre à l’est de l’Europe va permettre à l’Allemagne de renforcer ses capacités militaires au sein de l’OTAN, donc de reprendre son rang parmi les nations majeures dans cette organisation militaire. Berlin s’est engagé à fournir à l’OTAN une division blindée-mécanisée (15 000 hommes), plus 60 avions de combat et 20 navires, et à prépositionner une brigade dans les pays baltes d’ici à 2025.
D’autre part, même si l’Allemagne a envoyé à l’Ukraine des véhicules blindés et des canons automoteurs, elle a préféré livrer des matériels à des pays voisins qui se chargent de donner leurs vieux engins à Kiev. Une façon pour Berlin de ne pas paraître va-t-en-guerre, mais aussi de gagner de nouveaux clients au profit de l’industrie allemande. Car les Tchèques et les Slovaques sont maintenant équipés de chars Leopard 2.
La Bundeswehr est aussi gagnante, car elle voit son budget notablement augmenter, ses effectifs grossir, et à terme elle va recevoir de nouveaux matériels et prendre du poids au sein l’OTAN.
(1) Une norme de l’OTAN jamais atteinte par Berlin. Ainsi, pendant trente ans, l’Allemagne ne fit qu’un effort minimal en matière de défense pour l’Europe, s’estimant protégée à moindre coût par l’OTAN.
Bonne lecture
Eric Micheletti
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