Washington a déclaré le 24 août avoir mené des frappes aériennes dans l’Est de la Syrie contre le camp Ayach (Province de Deir ez-Zor) utilisé par la Division Fatimiyoun (Division des Fatimides, précédemment une brigade) composée de combattants chiites afghans (des Hazâras) encadrés par la force Al-Qods (le « Service Action » des pasdaran iraniens.
Les Américains affirment ne pas avoir causé de pertes humaines mais les Syriens parlent de sept à dix tués et de plusieurs blessés. Treize abris logistiques auraient été repérés précédemment par les Américains.
L’opération devait en cibler onze (deux des objectifs n’étant pas définis avec suffisamment de certitude ont été abandonnés) mais la mission a été modifiée en cours de vol et seuls neuf abris ont été atteints.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Nasser Kanaani, a condamné le bombardement américain dirigé « contre le peuple et des infrastructures syriens ». Il a nié que l’Iran avait des liens avec les objectifs visés.
Le Commandement central des forces américaines, l’US CENTCOM a affirmé que les frappes avaient été « proportionnées, et volontairement limitées pour éviter le risque d’escalade et de pertes humaines ».
Ce bombardement constitue la réponse à l’attaque du 15 août visant à l’aide de drones la garnison d’Al-Tanf (à la frontière syro-irako-jordanienne) où sont stationnées quelques centaines de militaires américains. Elle est régulièrement la cible d’attaques, une ayant eu lieu de 15 juin par l’aviation russe(1) qui avait alors ciblé des « terroristes » de l’« Armée des commandos de la révolution » ( Maghaweir Al-Thawrah) formés par les Américains à l’origine pour lutter contre Daech et aujourd’hui contre le régime en place à Damas.
Les forces américaines entretiennent toujours au moins deux bases en Syrie, l’une dans la province de Deir ez-Zor dite « Green Village » pour interdire l’accès des puits de pétrole aux forces légalistes syriennes, et l’autre à Al-Tanf sur l’axe Damas-Bagdad. C’est là que des instructeurs américains forment et entraînent des membres du groupe rebelle syrien Maghaweir Al-Thawrah. Ce sont toujours ces derniers qui avaient été visés le 15 août. Il n’y avait pas eu de victimes.
La base de Green Village qui accueille des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS, majoritairement des Kurdes) est sujette à des harcèlements du même type.
La guerre est parfois curieuse. Les Américains s’en prennent à la « Division Fatimiyoun » qui combat les salafistes-jihadistes (ses deux principaux chefs ont été tués en Syrie en 2015 et 2016), certes encadrée par la force Al-Qods. Or, les Hazâras qui la constituent sont une population qui a toujours été marginalisée en Afghanistan et même massacrée par les taliban. Pour bien signifier leur occupation du Hazâradjat, ces derniers avaient dynamité en 2001 les Bouddhas géants de Bâmiyân inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO (ce qui semble avoir plus ému la communauté internationale que les tueries d’Hazâras).
Beaucoup d’entre eux se sont réfugiés en Iran et c’est comme cela que les pasdarans ont pu former une brigade (puis division) forte de plusieurs milliers de combattants en échange de la promesse de légaliser de la situation de ses membres et de leurs familles en Iran.
D’autre part, cette frappe intervient au moment où les États-Unis, après que Téhéran ait renoncé certaines de ses exigences, notamment le retrait des pasdarans de la liste des organisations terroristes et la fermeture de certaines enquêtes menée par l’AIEA sur son arsenal, ont répondu à un plan européen pour raviver l’accord JCPOA sur le programme nucléaire iranien de 2015 dont l’ex-président Donald Trump s’était retiré en 2017.
1. Voir : « SYRIE : la garnison d’Al-Tanf, le ‘fort Alamo’ américain ? » du 5 juillet 2022
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