Une véritable tempête politico-économique a agité l’Europe, et spécialement la France, après l’annonce en septembre de l’accord tripartite américano-anglo-australien appelé AUKUS.

Il est vrai que, pour Paris, c’est à la fois un revers géopolitique, mais aussi la perte d’un gros contrat de vente de 12 sous-marins à l’Australie. Cette alliance, si elle marque un renforcement de la coopération industrielle de défense entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis – avec, pour Canberra et Londres, un asservissement à Washington encore plus important –, n’est pas une révolution diplomatique. Les États-Unis et l’Australie sont déjà liés par une clause de défense collective au sein d’un accord tripartite avec la Nouvelle-Zélande (ANZUS), et les États-Unis et le Royaume-Uni sont, bien sûr, alliés au sein de l’OTAN avec un engagement de défense collective plus fort (article 5). Pour Washington, cette nouvelle alliance permet de créer une « ligne de défense » face la Chine.

Et l’Australie, même si elle perd de son autonomie militaire, a tout intérêt à bénéficier du « parapluie » américain, car elle se sent bien plus menacée par la Chine que ce n’était le cas auparavant.

En revanche, cette alliance tripartite porte un coup à la stratégie française en Indo-Pacifique mise en place depuis plusieurs années à partir de différents partenariats industriels de défense avec des pays de cette région, Inde et Australie en particulier. La vente de Rafale à l’Inde et de sous-marins à l’Australie devait permettre, selon Paris, d’établir sur le long terme une coopération politique d’État à État.

Outre ce revers économique avec le contrat rompu des sous-marins – sachant que les entreprises françaises n’auraient touché, en réalité, qu’une petite partie des 56 milliards d’euros –, cet échec politique est la conséquence de la réduction depuis des décennies de la présence militaire française dans le bassin Indo-Pacifique. Face aux forces armées américaines présentes dans cette immense zone, quelques milliers de soldats d’infanterie légère, une dizaine de bateaux très vieux et peu armés, et seulement cinq vieux avions de surveillance Gardian ne font pas le poids. Surtout pour défendre une partie du « deuxième domaine maritime au monde ».

D’autre part, l’alliance AUKUS révèle toute l’impuissance des pays européens : si Washington informe les Vingt-Sept après avoir pris ses décisions (1), il ne les consulte plus au préalable.

(1). Apparemment, lors du sommet du G7 en Cornouailles en juin 2021, les États-Unis et la Grande-Bretagne n’ont pas cru utile d’informer les dirigeants français de la préparation de l’alliance AUKUS. Mieux encore, deux semaines avant l’annonce de cette alliance, les ministres de la Défense et des Affaires étrangères français et australiens signaient un communiqué de presse conjoint soulignant « l’importance du programme des futurs sous-marins ».

Bonne lecture
Eric Micheletti

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