Les deux militaires ont été ciblés par un tireur semblant avoir agi seul. Ce dernier a été maîtrisé grâce à des tirs de riposte effectués par d’autres membres de la Garde nationale présents sur place.
Le suspect, Rahmanullah Lakanwal, lui aussi gravement atteint, est un ressortissant afghan «entré légalement aux États-Unis en 2021 sous le régime de l’asile humanitaire dans le cadre de l’opération ‘Bienvenue aux alliés’ de l’administration Biden, suite au retrait américain d’Afghanistan» selon Fox News.
Il avait collaboré avec les forces américaines – dont la CIA – en Afghanistan dans la région de Kandahar.
Plus que les attentats menés par Al-Qaida le 11 septembre 2001 sur instruction d’Oussama Ben Laden, cette dernière affaire rappelle la fusillade de la base militaire de Fort Hood (Texas) perpétrée le 5 novembre 2009 par le Major Nidal Malik Hasan, Américain d’origine palestinienne, psychiatre de l’US Army, qui avait fait treize morts et trente-trois blessés.
Il avait été en contact avec son compatriote Anwar bin Nasser bin Abdullah al-Awlaqi (mais d’origine yéménite), idéologue d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) neutralisé au Yémen le 30 septembre 2011 par un drone américain.
Il y a eu également le 6 décembre 2019 l’attentat à l’arme à feu mené par un stagiaire pilote saoudien nommé Mohammed Saeed Alshamrani sur la base de Pensacola en Floride qui a fait quatre morts dont l’assaillant et huit blessés.
Le 2 février 2020, AQPA a revendiqué l’action dans un enregistrement audio. L’émir du groupe basé Au Yémen, Qasim al-Raymy (tué par un drone US le 29 janvier 2020) ayant déclaré qu’ils avaient ordonné à Alshamrani de mener l’attaque, affirmations confirmée le 18 mai 2020 par le FBI.
Les responsable d’Al-Qaida ont toujours considéré que les Américains étaient leurs cible prioritaire et appelé leurs adeptes à passer à l’action aux États-Unis même. Le 19 septembre 2025, le Centre national de lutte contre le terrorisme américain avait déclaré que les appels répétés d’Al-Qaida à attaquer les États-Unis montraient la menace durable du groupe pour le pays.
Au moment où son écrites ces lignes, aucune revendication n’a encore été faite. Cela peut prendre un certain temps.
Al-Qaida et l’Afghanistan
Deux jours plus tôt, le département d’État américain avait offert une prime de dix millions de dollars pour la capture d’Oussama Mehmood, émir d’Al-Qaida dans le sous-continent indien (AQIS) et de cinq millions de dollars pour celle de son adjoint, Atif Yahya Ghouri.
Ces deux hauts responsables d’AQIS occupent des postes à responsabilité au sein de la nébuleuse depuis près de dix ans qui serait dirigée depuis 2023 par l’Égyptien Saif al-Adel.
Il est curieusement localisé par les services de renseignement américains en Iran…
Oussama Mehmood a pris la tête d’AQIS dont il était le porte-parole, à la suite d’Asim Umar, le premier émir du groupe, avant 2019.
Ce dernier avait vraisemblablement été promu au sein du commandement général d’Al-Qaida. Il a été tué lors d’un raid conjoint américano-afghan mené contre un QG d’Al-Qaida dans la province d’Helmand en septembre 2019.
De nationalité pakistanaise mais réfugié en Afghanistan, il est aussi connu sous les noms d’Abou Zar, Atta Ullah et Zar Wali.
Les États-Unis ont inscrit Mehmood sur la liste des terroristes internationaux spécialement désignés en décembre 2022.
Atif Yahya Ghouri est un Pakistanais qui a étudié à l’Université islamique internationale, la même madrasa que l’ancien émir adjoint d’AQIS, Ustad Ahmad Farooq dont il avait pris la succession après sa mort en janvier 2015 lors d’une frappe de drone américain au Pakistan.
Les États-Unis ont inscrit Ghouri sur la liste des terroristes internationaux spécialement désignés en décembre 2022, le même jour que Mehmood.
Al-Qaïda dans le sous-continent indien (Al-Qaeda in the Indian Subcontinent AQIS)
La branche AQIS basée en Afghanistan avec l’accord et le soutien des talibans, est une structure importante d’Al-Qaida qui facilite les opérations de la direction centrale du groupe jihadiste et coordonne ses activités en Asie du Sud et en Asie centrale, notamment en Afghanistan, au Bangladesh, en Birmanie, en Inde et au Pakistan.
La création d’AQIS a été annoncée en septembre 2014 par Ayman al-Zawahiri, alors émir d’Al-Qaida : « une nouvelle branche d’Al-Qaida a été créée : Qaida al-Jihad (Al-Qaida, Base du jihad) dans le sous-continent indien. Son objectif est de hisser l’étendard du jihad, de rétablir l’islam et d’imposer la charia d’Allah sur l’ensemble du sous-continent indien.
Zawahiri a précisé qu’AQIS « n’a pas été fondée aujourd’hui, mais qu’elle est le fruit d’un effort concerté de plus de deux ans visant à rassembler les moudjahidines du sous-continent indien au sein d’une seule entité rattachée au groupe principal, Qaida al-Jihad. »
Zawahiri a également indiqué que « les soldats de l’Émirat islamique (les talibans afghans) et leur émir victorieux, si Dieu le veut, l’Émir des Croyants, le mollah Muhammad Omar Mujahid », font partie d’AQIS.
Pour Zawahiri, AQIS est subordonné aux talibans afghans.
Le gouvernement américain avait inscrit AQIS à sa liste des organisations terroristes étrangères en juin 2016.
Pour mémoire, Zawahiri a été tué en juillet 2022 par une frappe d’un drone Hellfire R9X américain après s’être réfugié dans une maison sûre des talibans à Kaboul, environ un an après leur prise de contrôle de l’Afghanistan.
Depuis sa création, AQIS a été impliquée dans de nombreux attentats terroristes dans la région, notamment une tentative de détournement de navires de la marine pakistanaise et un complot visant à attaquer des bateaux de guerre américains et indiens.
AQIS a également combattu aux côtés des talibans afghans pour les aider à prendre le contrôle de l’Afghanistan en août 2021.
Ensuite, certains activistes d’AQIS ont été intégrés aux rangs de l’appareil militaire et sécuritaire des talibans tandis que d’autres servent au sein de l’administration gouvernementale afghane.
En tant que hauts responsables d’AQIS, Mehmood et Ghouri auraient joué un rôle clé dans le soutien aux talibans et le développement de l’infrastructure d’Al-Qaida en Afghanistan.
Al-Qaida aurait établi des camps d’entraînement dans 13 des 34 provinces afghanes ainsi que d’autres infrastructures essentielles, telles que des planques, des écoles religieuses, un centre de presse et des centres logistiques.
Contexte
Il convient d’intégrer cette annonce à la crise à bas bruit qui secoue actuellement l’Afghanistan et l’Inde d’un côté et le Pakistan de l’autre.
Le 10 novembre, une explosion est survenue dans les environs du parlement indien à New-Dehli tuant au moins huit personnes.
Quelques heures plus tard, un attentat suicide à la voiture piégée a eu lieu à côté d’un tribunal pakistanais à Islamabad.
En seulement 48 heures, près de 30 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dans les assauts terroristes les plus meurtriers sur les capitales indienne et pakistanaise depuis plus de dix ans.
Bien que ces attaques aient été un peu similaires, les réponses des deux pays ont été différentes.
Quelques heures après l’attentat d’Islamabad, le gouvernement pakistanais a désigné l’Afghanistan et l’Inde voisins comme coupables, les accusant de soutenir ou de fournir un refuge sûr aux activistes qui font des ravages sur son territoire, affirmation rejetée par les deux pays.
Mais de son côté, le Premier ministre indien Narendra Modi a attendu 48 heures avant de confirmer que l’explosion en Inde était un « incident terroriste » et il n’a fait allusion qu’à de mystérieuses « forces antinationales. »
Il s’agissait d’un écart spectaculaire par rapport à la réponse indienne il y a à peine sept mois au massacre de Pahalgam(1), lorsque des militants ont tué 26 touristes indiens lors d’un coup de main au Cachemire administré par les Indiens. En quelques jours, l’Inde avait désigné le Pakistan et lancé des frappes aériennes sur des cibles militaires à l’intérieur du pays malgré les dénégations d’Islamabad.
La guerre a pris fin en quatre jours, mais M. Modi a clairement indiqué que « tout futur acte de terreur sera traité comme un acte de guerre » par son gouvernement.
Il y avait un lien très clair avec le massacre de Pahalgam et les frappes de représailles indiennes de mai car les activistes qui avaient effectué le raid meurtrier au Cachemire étaient des ressortissants pakistanais.
Mais les attaques de novembre sont différentes.
Quelques heures seulement avant l’explosion de Delhi, la police a saisi des armes et 2.900 kilos d’explosifs après avoir perquisitionné une propriété à la périphérie de la capitale. Sept hommes de la région rétive du nord du Cachemire ont été arrêtés.
L’autre problème est que, contrairement à Pahalgam, ceux qui ont été arrêtés dans l’affaire des armes et des explosifs sont des citoyens indiens.
Les autorités ont fait allusion à quelques acteurs pakistanais mais Islamabad serait étranger à cette action. Les autorités affirment que les hommes qu’ils ont arrêtés avaient des liens avec les militants interdits de Jaish-e-Mohammed (JeM), connus pour être basés au Pakistan.
Et pourtant en mai pendant sa guerre de quatre jours avec le Pakistan, Delhi avait bombardé les bases de JeM dans le pays.
Le problème d’Al-Qaida est plus que complexe et à multiples entrées. La question qui se pose est : la nébuleuse se sert-elle de nouveau de l’Afghanistan comme base arrière pour mener un jihad mondial tout en jouant les supplétifs pour les talibans (plus ou moins appuyés par l’Inde) dans leur combat contre le Pakistan ?
(1) Voir : « Inde – Pakistan : au bord de la catastrophe ? » du 28 avril 2025.