Le 26 octobre, après près 500 jours de siège, les Forces de soutien rapide (FSR) composées majoritairement de miliciens arabes originaires du Darfour et soutenues discrètement par les Émirats arabes unis (EAU) se sont emparées de la ville d’El-Fasher et particulièrement des installations tenues par la 6ème division gouvernementale et des milices locales.

La garnison n’était plus ravitaillée depuis des semaines en raison de la présence d’armes anti-aériennes et de drones dont une partie aurait été fournie clandestinement par les EAU. La chute semblait inexorable à terme.

Le général Abdel Fattah al-Burhan commandant les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) (à gauche sur le photo en en-tête) et président du Conseil de souveraineté de transition l’a confirmé le 27 octobre.

Des milliers de civils, principalement des Zaghawas (noirs) réfugiés dans la ville ont fui vers le désert, poursuivis par les FSR.

El-Fasher, capitale du Darfour à l’ouest du pays était la dernière ville à résister aux FSR.

Les milices Janjawid dont sont héritières les FSR dirigées aujourd’hui par le général Mohamad Hamdan Dagalo alias « Hemedti » (à droite sur la photo en en-tête) luttent depuis la fin des années 1990 contre les peuples africains du Darfour, dont les Zaghawas, les Fours et les Masalits.

En 2023, les FSR ont tenté de prendre le pouvoir dans le pays en se battant contre leurs anciens alliés des SAF et en s’emparant d’une partie de la capitale, Khartoum.

Les SAF sont aussi composée majoritairement de populations arabes mais issues de la région du Nil.

Elles avaient fondé les FSR en 2003 à partir des « Janjawid », des « hordes » héritières des premières milices tribales arabisées du Darfour primitivement constitués d’Abbalas, des chameliers (renforcées d’éleveurs de vaches baggâras depuis 2004) pour combattre les rebelles africains.

Mais la guerre civile qui fait rage depuis 2023 fait que les SAF se sont allées aux peuples africains pour lutter contre les FSR.

En mars 2025, les SAF ont repris Khartoum et les affrontements se sont déplacés à l’ouest, dans le Kordofan. Dans cette région centrale, des combats violents ont surtout lieu autour d’El Obeid et des monts Nouba.

L’ONU et plusieurs ONG craignent que des massacres aient lieu comme ce fut le cas en juin 2023 lors de la prise de la ville d’El Geneina à la frontière tchadienne. Les FSR avaient alors massacré en deux jours 15.000 civils de la communauté Masalit.

À El-Fasher, la situation des civils est encore plus catastrophique. La famine avait été déclarée l’année dernière dans le camp de déplacés de Zamzam et l’offensive d’avril 2025 des FSR avait déjà forcé environ 600.000 malheureux à fuir alors de 260.000 restaient sur place (source : ONU).

À côté du drame humanitaire qui est en train de se jouer, la chute d’El-Fasher est une défaite historique pour le général Abdel Fattah al-Burhan commandant les SAF et président du Conseil de souveraineté de transition (le gouvernement central officiellement reconnu internationalement) qui perd son dernier bastion de l’ouest du pays. Les FSR contrôlent désormais six régions de l’ouest du Soudan et pourraient bien faire sécession.

Le général Mohamad Hamdan Dagalo alias « Hemedti » s’est déjà autoproclamé « président ».

Les FSR ont déclaré qu’elles s’engageaient à fournir « des corridors sûrs à tous ceux qui souhaitent déménager dans d’autres endroits, ainsi que la protection nécessaire pour tous ceux qui se trouvent dans la ville.»

Cependant, selon des personnes qui avaient réussi à quitter la ville qui ont pu parler à la presse, certaines personnes qui ont tenté de fuir ont été tuées par les FSR sans compter les exécutions sommaires sur place.

Au Soudan, depuis avril 2023, plus de 13 millions de personnes ont été déplacées et la moitié des 47,5 millions d’habitants (avec un âge moyen de vingt ans) ont besoin d’aide alimentaire.

Les interventions extérieures

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a déclaré le 27 octobre qu’il y avait « de plus en plus d’ingérences extérieures » qui sapaient la voie vers un cessez-le-feu et une solution politique à la guerre civile au Soudan. Il a poursuivi : « il est grand temps que la communauté internationale parle clairement, à tous les pays qui s’ingèrent dans cette guerre, et qui fournissent des armes aux parties à la guerre, pour arrêter de faire cela. »

Pour mémoire, les SAF sont soutenues officiellement par la Turquie et l’Égypte. Moscou aurait un pied dans les deux camps mais donnerait depuis 2024 la préférence au camp gouvernemental(1)… Ce sont les SAF qui tiennent Port Soudan qui intéresse la Russie pour y installer une base navale. Téhéran est aussi intéressé par cette escale dans la mer Rouge. Officiellement, Washington soutient les SAF ayant annoncé en janvier que les FSR avaient commis un génocide.

Les FSR par les Émirats arabes unis – qui se sont faits plus discrets ces dernières semaines mais qui sont toujours présents. Ils poursuivent là la lutte d’influence qu’ils conduisent en Libye contre l’influence turque et du Qatar (qui, comme la Russie et l’Égypte, soutiennent le maréchal Haftar contre le pouvoir internationalement reconnu de Tripoli.)

Et pourquoi tant de pays étrangers sont intéressés par le Soudan – en dehors de l’accès à Port Soudan évoqué plus avant – ? Ce pays regorge de ressources dont une grande partie est encore inexploitées : des immenses réserves d’or, de minerai de fer, de chromite, de manganèse, de cuivre, de gypse, d’autres de minéraux et de terres rares… Et les données d’exploration restent encore aujourd’hui limitées.

Jusqu’à maintenant, les guerres civiles qui se sont succédé ont rendu les investissements étrangers impossibles.

(1) Voir : « Moscou change de camp au Soudan ? » du 7 juin 2024.

(2) Voir : « Soudan : la guerre oubliée » du 23 janvier 2025.