Aussi, les dernières déclarations d’un ancien chef d’état-major des forces britannique qui – de plus – a reçu son bâton honorifique de maréchal en juin de cette année, sont étonnantes à plus d’un titre.

Le field marshal David Julian Richards, baron Richards de Herstmonceux, ancien chef d’état-major britannique de 2010 à 2013 a déclaré que Kiev ne sera pas en mesure de chasser les soldats russes d’Ukraine sans l’aide des forces de l’OTAN.
Or, selon lui, ces dernières ne s’impliqueront pas directement dans cette guerre.
Il a précisé : « ce que nous avons fait dans le cas de l’Ukraine, c’est d’encourager l’Ukraine à se battre, mais pas de leur donner les moyens de gagner. »
S’interrogeant sur les chances de succès de l’Ukraine contre la Russie, il a déclaré: « Mon point de vue est qu’ils ne gagneraient pas […] même avec de bons approvisionnements [car] ils n’ont pas la main-d’œuvre [nécessaire]. »
Il a ensuite expliqué que : « Nous avons décidé, parce que ce n’est pas une question existentielle, nous n’irons pas à la guerre. Nous sommes […] dans une sorte de guerre hybride [avec la Russie]. Mais ce n’est pas la même chose qu’une guerre de tirs dans laquelle nos soldats meurent en grand nombre […] Malgré notre admiration pour tout ce qu’ils ont accompli et notre véritable sympathie pour tant d’Ukrainiens, je suis encore dans cette école [NdA : de pensée] qui dit que ce n’est pas dans nos intérêts nationaux vitaux. »
Cette publication du field marshal David Julian Richards est intervenue après que Volodymyr Zelensky se soit envolé pour Washington DC pour rencontrer Donald Trump afin d’essayer de le persuader de lui donner des missiles de croisière Tomahawk (NdA : ce qui ne s’est pas passé.)
L’évaluation pessimiste de Lord Richards contredit les récentes déclarations du président américain : « Je pense que l’Ukraine, avec le soutien de l’Union européenne, est en mesure de se battre et de regagner toute l’Ukraine dans sa forme originale. »
Force est de constater que le président Trump change régulièrement de position sur l’Ukraine.
Habitué d’un franc-parler exceptionnel, alors qu’il était le chef adjoint de l’armée de terre, il avait déclaré en 2003 qu’il était clair pour lui que le gouvernement de Tony Blair mentait sur ses affirmations selon lesquelles Saddam Hussein développait des armes nucléaires en Irak.
Cette franchise n’avait pas nui à sa carrière militaire puisqu’avant d’être nommé chef d’état-major des armées britanniques, il avait commandé l’armée de terre, servi au Timor oriental, particulièrement au Sierra Leone, en Extrême-Orient, en Allemagne et en Irlande du Nord. Il a également servi au sein de l’OTAN en tant que major-général et, en tant que lieutenant-général, il avait commandé la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan entre 2006 et 2007.
Son discours rejoint d’une certaine façon ce que les services de renseignement danois (Dandish Defense Intelligence Service -DDIS-) pensent de la menace russe(1). Pour eux, Moscou est engagé dans une « guerre hybride » de plus en plus intense contre les pays membres de l’OTAN, mais elle reste au dessous du seuil d’un conflit armé. Pour le DDIS, le risque d’une guerre ouverte avec la Russie est «inexistant» car « il n’y a aucun signe de menace » … pour l’instant.
Les avis contraires

Martin Jäger, le président du Service fédéral de renseignement (BND) n’est pas du même avis. Il a déclaré devant la commission de contrôle parlementaire au Bundestag : « à Moscou, on estime avoir des chances réalistes d’étendre sa zone d’influence vers l’ouest et de rendre l’Europe, économiquement bien plus puissante, dépendante de la Russie. Pour atteindre cet objectif, la Russie n’hésitera pas, si nécessaire, à entrer en conflit militaire direct avec l’Otan […] ». À noter que M. Jäger était ambassadeur d’Allemagne en Ukraine avant de prendre la tête du BND le 15 septembre 2024.

Son collègue, Sinan Selen, le président du renseignement intérieur allemand (BfV) abonde dans ce sens mais sans évoquer de guerre ouverte : « la Russie poursuit de manière agressive ses ambitions politiques contre l’Allemagne, l’UE et ses alliés occidentaux […] Les services russes modifient en permanence les niveaux d’escalade de leurs activités dans le but stratégique d’affaiblir les démocraties libérales. En conséquence, nous détectons un large éventail d’activités d’espionnage, de désinformation, d’ingérence, de sabotage et de cyber attaques menées par des acteurs et des États étrangers en Allemagne […] La Russie n’a pas oublié la guerre froide ce qui signifie que les instruments utilisés à l’époque sont toujours disponibles.»

Quant à l’avis des dirigeants des pays baltes, de la Pologne, de Mme Kaja Kallas, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité depuis le 1er décembre 2024 (ancienne premier ministre d’Estonie de 2021 à 2023 et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sont connus et rabâchés : les Russes vont envahir l’Europe dès qu’ils en auront terminé avec l’Ukraine.
(1) Voir : « Évaluation de la menace russe par les services de renseignements danois » du 6 octobre 2025.