Le 17 août, l’Ukraine a publié des photos de l’Associated Press (Efrem Lukatsky) d’une chaine d’assemblage de missiles Flamingo la veille de la rencontre entre le président Volodymyr Zelensky et son homologue américain Donald Trump à la Maison Blanche. Cette coïncidence est tout sauf accidentelle.

Cette publication porte le message suivant : « même sans l’appui direct des États-Unis, l’Ukraine est capable d’infliger des coups violents et douloureux à la Russie. »

Cela participe à la propagande de guerre que se livrent les deux parties.
Elle vise à démontrer au président Trump et à son entourage que l’Ukraine n’a pas l’intention de céder et développe ses propres capacités militaires dont certaines peuvent cibler des objectifs jusqu’à l’Oural et même la Sibérie.

Le missile Flamingo a une aile droite fixe et un moteur monté au-dessus du fuselage. Bien que cela lui donne une ressemblance superficielle avec la bombe volante V-1 allemande ou le drone de reconnaissance Tupolev Tu-143 de construction ukrainienne, il s’agit en fait d’un tout autre engin.

Selon Kiev, le missile Flamingo est fabriqué par la société ukrainienne Fire Point qui aurait été créé au début de l’invasion russe dans le but de produire en masse des drones comme le fait Téhéran avec le Shahed.
La même société a déjà développé le drone suicide FP-1 qui a prouvé une grande efficacité atteignant des objectifs dans la profondeur russe.

Le Flamingo serait le fruit d’une coopération de Fire Point avec la société du groupe Milanion des Émirats arabes unis qui entretient des liens de longue date avec l’Ukraine.
La Milanion Technologies DMCC a son siège au centre « Jewellery & Gemplex 3 » Unit No 3258, Level No 1, DMCC Business Centre Dubai, Dubai. United Arab Emirates.
En fait le Milanion Group LTD est une société britannique enregistrée sous le numéro : 12951650 et a son siège au 65 Delamere Road, Hayes à Londres. Ce groupe coopère avec de nombreuses autres sociétés étrangères pour développer différents systèmes d’armes (Brésil, Inde, Arabie saoudite, Ukraine, etc.).

En 2021, Milanion a signé un accord de coopération avec une grande entreprise d’armements ukrainienne, la société Ukrainian Armor qui est devenue un concessionnaire de la plate-forme robotisée AGEMA UGV 8×8 qui a ensuite été déployée sur le champ de bataille par le régiment Kraken, une unité de forces spéciales de la Direction générale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien.

Le groupe Milanion fournit déjà directement à l’Ukraine des mortiers autopropulsés d’Alakran.

Caractéristiques du missile Flamingo

Le Flamingo ukrainien est pour le moins très « proche » du missile FP-5, qui a été présenté par le Milanion Group à l’exposition IDEX 2025 de défense à Abu Dhabi aux Émirats arabes unis, au début de février 2025.

En fait, la similitude extérieure et l’identité des paramètres d’exploitation indiqués ne laissent aucun doute: le Flamingo et le FP-5 de Fire Point ont un seul et même produit. D’ailleurs, les brochures parlent bien du « FP-5 Flamingo.»

Les spécifications du missile Flamingo sont semblables au FP-5 :
portée : 3.000 kilomètres;
poids de la tête militaire : 1.150 kg (1.000 kg pour le FP-5);
masse maximale du décollage: 6.000 kg;
vitesse maximale: 950 km/h ;
vitesse de croisière : 850-900 km/h ;
envergure: 6 mètres ;
durée de vol maximale : 4 heures et plus ;
système de guidage: système de navigation inertiel avec les mises à jour périodiques de la position et de la vitesse d’un récepteur du système de positionnement universel (GPS), probablement sans l’utilisation d’un système de corrélation de terrain sophistiqué un système de guidage terminal qui assure la précision à l’arrivée ;
erreur circulaire probable : 14 mètres.

Plus grossièrement, le FP-5 (comme son hybride Flamingo) semble être l’assemblage d’une bombe classique convertie en missile de croisière par l’ajout d’un moteur à réaction, d’un fuselage et d’ailes (le principe de la « bombe volante » V1). L’ogive peut correspondre à une bombe BLU-109/B (910 kilos).

Comparée aux missiles de croisière occidentaux Tomahawk, Storm Shadow et SCALP-EG, ce missile offre plusieurs avantages importants :
avec sa portée de 3.000 kilomètres, il peut voler deux fois plus loin que le dernier Tomahawk V (plus de 1.600 kilomètres) et beaucoup plus loin que le Storm Shadow et le SCALP (250 à 560 km).
La tête militaire de plus d’une tonne du Flamingo est deux fois plus puissante que les homologues dans les missiles Tomahawk, Storm Shadow et SCALP qui ont tous trois un poids d’environ 450 kg.
Par contre, la vitesse de Flamingo (jusqu’à 950 km/h) est comparable à celle de ses homologues occidentaux.
En termes de longueur, il est similaire au Tomahawk, mais a une masse au décollage significativement plus élevée : 6.000 kg contre 1.300 kg pour ses rivaux.

La simplification délibérée de sa conception semble destinée à mettre en œuvre une production de masse.
Ainsi, le missile comporte des ailes fixes non rétractables et est lancé à partir d’une plate-forme terrestre plutôt que d’un conteneur de lancement.
Ces choix réduisent la complexité mais signifient également que le missile nécessite des préparatifs plus longs avant le tir. En effet, il faut de 20 à 40 minutes pour que le missile soit en configuration prête au tir. Ce temps est nettement plus long que de nombreux homologues de la génération actuelle, ce qui augmente le risque d’être repéré et détruit par l’adversaire.

Pour Kiev, ce missile est présenté comme une arme d’influence stratégique capable de changer fondamentalement la situation sur le champ de bataille ukrainien en frappant profondément derrière les lignes ennemies. Sa portée couvre la partie européenne de la Russie et s’étend jusqu’à l’Oural et même à la Sibérie.

Les principaux objectifs en Russie pourraient être les installations du complexe militaro-industriel ainsi que les lieux de stockage et de raffinage du pétrole.
Pour Kiev, une asymétrie stratégique pourrait ainsi être créée. À savoir que les zones arrières ukrainiennes sont aujourd’hui quasi inattaquables par les Russes car elles sont de facto protégées par l’Europe. Par contre, ce missile permet à l’Ukraine de détruire pratiquement n’importe quelle installation dans la profondeur du territoire russe… Cela implique un changement fondamental dans l’équilibre des influences.
Cela dit, il convient de ne pas tomber dans un optimisme excessif. Les missiles de croisière subsoniques comme le Flamingo sont des cibles plus faciles à atteindre pour les défenses aériennes que les missiles balistiques. La Russie dispose de capacités importantes pour les contrer.
Selon certaines estimations, il est possible que les Russes seront en mesure d’intercepter quatre missiles sur cinq tirés. Mais même si seulement dix missiles sur cinquante atteignent leur cible, cela suffira pour détruire plusieurs sites industriels russes ce qui sera dévastateur pour Moscou.
La clef du succès sera la tactique du déploiement des lanceurs. Les attaques combinées ou différents drones sont utilisés (et l’Ukraine en possède de nombreux modèles) simultanément avec des missiles de croisière, peuvent considérablement submerger une défense aérienne même dense.

Selon le président Zelinsky, la production industrielle pouvant aller jusqu’à 200 exemplaires par mois devrait débuter au début 2026 mais les premiers exemplaires seraient déjà usinés à la chaîne à raison de un par jour… Peut-être 50 par mois à l’automne…

Rôle du Royaume-Uni

Il semble évident que le Royaume Uni est partie prenante dans cette affaire car le Milanion Group LTD, même s’il a de nombreuses ramifications internationales, est avant tout britannique.
Sur des contrats de cette importance, il ne peut agir sans l’aval de Downing Street. Mais cela permet à Londres de faire mine de contourner le problème de l’interdiction des missiles de portée intermédiaire (c’est-à-dire allant de 500 à 5.500 kilomètres) même si le Traité INF (Intermediate nuclear forces) a été dénoncé en 2019 par Washington puis par Moscou. Il est même fort probable qu’une partie de la production des pièces détachées du missile Flamingo a lieu en Grande-Bretagne ou dans un des pays amis (EAU), l’Ukraine n’étant plus chargée que de les assembler car il est peu probable que Kiev ait la capacité industrielle de tout faire localement au rythme annoncé.
D’ailleurs la start-up Fire Point est loin d’avoir les références d’autres firmes ukrainiennes beaucoup plus importantes que sont Luch et Vizar…
Ainsi, Londres participe directement à la prolifération des armes de destruction massive mettant en cause les grands équilibres stratégiques bâtis sur les traités internationaux, il est vrai caduques pour certains aujourd’hui…

Cela dit, il faut se rappeler que l’arme miracle (en dehors de l’arme nucléaire) n’existe pas. Il y a peu de chances que le missile Flamingo change le cours de la guerre surtout s’il n’a pas les performances annoncées ; aucun essai probant sur une grande distance ne semble avoir eu lieu à ce jour. Il convient d’attendre ses premiers engagements opérationnels sur le terrain pour voir quelle est son efficacité réelle.