Le Mossad dont le nom complet en hébreu signifie : « Institut pour les renseignements et affaires spéciales », est chargé du renseignement et des opérations spéciales extérieures hors d’Israël.
Il est l’un des trois grands services de renseignement israéliens aux côtés du Shin Beth (agence civile de renseignement et contre-espionnage intérieur) et de l’Aman (la direction du renseignement militaire dépendant de Tsahal.)
Le Mossad est – seul – exempté de respecter les lois israéliennes (et bien sûr, toutes celles des autres États.)
Son directeur, appelé « Ramsad » (abréviation de Rosh HaMossad,« chef du Mossad ») est depuis le 1er juin 2021 David Barnea. Il a rejoint le Mossad en 1996 et au cours de sa carrière dirigé la division « Tsomet » (Jonction) rebaptisée depuis « Meluckah » (royaume) chargée du recrutement d’agents étrangers. Depuis sa nomination en tant que Ramsad, il a considérablement renforcé cette division redonnant au renseignement humain (humint) toute son importance. Comme dans beaucoup d’autres grands services, l’humint avait été grandement délaissé au profit du renseignement technique (singit et géoint) dont la pratique était jugée sans risques. Cependant, les renseignements ainsi recueillis étaient comme des millions de pièces de puzzle. Seul le renseignement humain bien orienté parvenait à les mettre en place.

Il est souvent demandé quel est le meilleur service de renseignement au monde. La réponse est simple : à forces équivalentes, tous se valent car ils utilisent les mêmes méthodes ; ce qui fait la différence, ce sont les ordres d’opérations donnés par les autorités politiques dont ils dépendent (très souvent directement les chefs d’État.) Si ces autorités politiques sont offensives et prêtes à assumer la responsabilité des opérations clandestines (ce qui n’empêche pas de nier lorsqu’elles sont découvertes), le service peut être classé parmi les meilleurs ; c’est le cas du Mossad.
Objectif : Iran
Le Mossad est actif en Iran depuis la Révolution islamique de 1979, le régime ayant d’entrée milité pour la disparition de l’État hébreu. Surtout, mais c’est surtout après avoir découvert au début des années 2000 le programme militaire nucléaire iranien, que le Mossad est passé à une phase plus « active » : les opérations homo (assassinats) et arma (sabotages).
Pour ce faire, il lui a fallu développer des bases arrière clandestines dans les pays voisins qui permettaient d’accéder directement au territoire iranien.

Bien sûr, ces bases sont secrètes et beaucoup de pays voisins de l’Iran sont hostiles à Israël rendant délicate la présence clandestine de ces structures (ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas.)
Les endroits qui semblent plus ouverts sont le Kurdistan irakien, l’Azerbaïdjan et dans une moindre mesure l’Arménie puis les Pays du Golfe persique.
Dans la région les passages de frontières sont aisés car la contrebande y est traditionnelle ( les principales marchandises acheminées à dos d’âne, de chameau, en voiture ou en camion sont de la drogue, du carburant et des appareils électroniques.) Le Mossad aurait noué des contacts avec des trafiquants – et souvent avec les services de renseignement de plusieurs pays de la zone -.
Même si dans les premières années de l’effort de pénétration de l’Iran, le Mossad a surtout utilisé des Israéliens connus sous le nom de « bleu et blanc » – une référence aux couleurs du drapeau israélien – par mesure de sécurité la préférence a été rapidement accordée au recrutement d’Iraniens et plus rarement des natifs d’autres nations de la région pouvant circuler dans le pays sans attirer l’attention.
La composition ethnique de l’Iran lui a facilité la tâche. En effet environ 40 % de la population du pays, qui compte 90 millions d’habitants est composée de minorités ethniques : Arabes, Azéris, Baloutche, Kurdes et autres (c/f carte ci-après.).

Nombre d’entre elles se sentent délaissées par le régime d’où une certaine rancœur de leurs membres, les plus extrémistes se livrant déjà à des actions de type terroriste, particulièrement dans la communauté baloutche.
Le Mossad pêche donc dans ces viviers pour recruter des agents qui, à la base, sont hostiles au régime des mollahs.
Les agents recrutés se répartissent en deux catégories.
Les premiers font du recueil de renseignements sous la houlette de leurs Officier traitants (OT) « Katsa » (Case officer.)
Les seconds sont destinés à mener des actions violentes allant jusqu’à des opérations homo ou arma.
Le processus de recrutement d’agents

Comme pour les autres services de renseignement, le processus classique du Mossad pour recruter un agent consiste avant toute chose à repérer une personne présentant un intérêt pour Israël (que ce soit pour recueillir du renseignement ou pour mener des opérations.)
Le Mossad utilise aussi Internet pour attirer des candidats tout en créant des sites web et publiant des messages de médias sociaux destinés aux Iraniens. Ces messages comprennent des numéros de téléphone ou des options de contact cryptées.
La deuxième phase consiste à mener une enquête approfondie sur la cible et son environnement (famille, amis, collègues, etc.).
La troisième est la prise de contact. C’est un moment délicat car l’Officier traitant (OT) peut très bien se heurter à un refus de l’objectif. En ce qui concerne les Iraniens, ils savent que s’ils sont pris pour espionnage, c’est systématiquement la corde après une série d’interrogatoires musclés puis un jugement expéditif. Cela en refroidit plus d’un.
Les motivations pour accepter d’être recruté et travailler pour un service de renseignement répondent au principe fondamental résumé dans le mot « MICE » (Monnaie, Idéologie, Compromission, Ego.)
Si dans le cas des Iraniens, c’est d’abord l’idéologie (anti-mollahs) qui fonctionne, l’argent est toujours présent – parfois pas en numéraire – car c’est un bon moyen de s’attacher l’agent -, l’ego également et très rarement la compromission. Cette dernière sert surtout d’assurance contre tout coup fourré de la source lors de sa manipulation.
Plus pratiquement sur le plan financier indirect, les services israéliens sont aptes à apporter une aide à leurs recrues dans les domaines médicaux et universitaires. Ils ont des liens avec le corps médical dans plusieurs pays et peuvent organiser des actions de chirurgie et de diverses thérapies (souvent pour des proches de la recrue.)
Même chose pour l’enseignement supérieur dans un pays étranger où des places sont disponibles au sein d’universités occidentales ou dans des internats pour adolescents.
Si la recrue accepte de collaborer, elle est d’abord évaluée dans un pays étranger – souvent en Turquie, en Azerbaïdjan ou en Arménie qui sont d’accès relativement faciles pour les Iraniens. D’autres options incluent des destinations en Asie du Sud-Est comme la Thaïlande et l’Inde qui permettent aux citoyens iraniens de faire une demande en ligne de visas d’affaires, médicaux ou touristiques.
La recrue est soumise à une série de réunions d’évaluation psychologiques devant remplir des questionnaires détaillés sur son histoire personnelle y compris des détails intimes sur sa vie de famille. Elle passe aussi au détecteur de mensonges.
Parallèlement, elle reçoit des premières bribes de formation sur la vie clandestine.
Dans ce cadre, une première demande de recueil d’une information mineure ou la conduite d’une tâche « opérationnelle » insignifiante est demandée. Cette phase de test permet d’évaluer le potentiel réel du futur agent. À l’issue, bien que devenu « agent » (il n’y a pas de diplôme), le promu est de nouveau passé au détecteur de mensonges.
Les missions confiées sont progressivement de plus en plus pointues… mais toujours avec un contrôle permanent.
S’ils refusent d’aller plus loin en cours de route, la compromission peut être employée. C’est chose facile dans un pays autoritaire où la paranoïa est la règle et l’espionnage puni de mort.
Mais en général le Mossad tente de ne pas en arriver là car un agent tenu que par la compromission essaye toujours de s’échapper et, de toute façons, obtient de bien moins bons résultats que celui qui pense agir volontairement.
Lors de leur formation, il leur est expliqué comment s’habiller, où s’acheter des vêtements, quelles voitures conduire, et même comment, quand et où déposer l’argent qu’ils reçoivent.
Chaque agent se voit affecter un OT qui sera son unique contact.
L’objectif est de créer un lien fort pour que l’agent se sente en sécurité et soutenu, suffisamment à l’aise pour partager ses secrets les plus intimes et surtout effectuer la mission qui lui est demandée.
Les agents action chargés de conduire des opérations offensives, notamment homo contre des scientifiques iraniens, recevraient une formation approfondie : conduite « sportive » de véhicules divers dont des motos, tir et manipulation d’explosifs. Une des spécialité employée à plusieurs reprises consiste à ce que le passager arrière d’une moto place en mouvement une mine ventouse sur le véhicule de la cible au niveau du conducteur. La moto disparait ensuite dans les embouteillages…

L’objectif était à la fois de priver le programme iranien de son expertise et de décourager les scientifiques prometteurs de travailler dans le domaine nucléaire.
Les opérations étaient gérées par des Israéliens, jusque dans les moindres détails, souvent depuis les bases implantées dans les pays voisins ou directement depuis le siège du Mossad au nord de Tel-Aviv. Parfois par des superviseurs israéliens du Mossad se sont rendus brièvement en Iran pour diriger l’action.
Ainsi, au fil des ans, des responsables iraniens – particulièrement des scientifiques – ont été assassinés et des installations sensibles sabotées sans qu’aucun officier de renseignement israélien ne soit capturé.
Opération « Rising Lion » du 13 au 24 juin 2025

Depuis des années, le Mossad et Tsahal élaboraient des plans pour arrêter le programme nucléaire iranien en bombardant ses installations clés mais les dirigeants politiques israéliens ont toujours reculé sous la pression des présidents américains qui craignaient qu’une attaque ne déstabilise le Moyen-Orient.
La dernière planification datait de la mi-2024 espérant que l’ordre serait donné dans l’année qui suivait. Avec la victoire de Donald Trump aux élections américaines de novembre et la neutralisation du Hezbollah au Liban suite à une série d’opérations ciblées(1) frappant jusqu’au cœur de Beyrouth(2), les responsables israéliens ont saisi l’opportunité offerte.
Pour préparer l’opération « Rising Lion » (Lion Ascendant), le Mossad et l’agence de renseignement militaire Aman avaient intensifié leur traque des chefs militaires et des scientifiques nucléaires iraniens.
En particulier, le Mossad avait compilé des informations détaillées sur les habitudes et les déplacements de onze scientifiques nucléaires iraniens. Il a même cartographié l’emplacement des chambres à coucher au domicile de ces personnes. Lors du déclenchement de l’opération le 13 juin, des avions de combat de l’armée de l’air israélienne ont tiré des missiles air-sol à ces coordonnées, tuant les onze scientifiques.
De son côté, l’état-major des pasdarans a été décapité ayant eu le tort de se rendre à une réunion sur convocation du … Mossad qui avait piraté leur messagerie pourtant protégée. La salle désignée était bien sûr ciblée à l’avance par l’aviation israélienne.
Parallèlement, le Mossad avait formé ces agents action chargés pour neutraliser des cibles iraniennes pendant environ cinq mois.
Certains étaient amenés en Israël, où des maquettes avaient été construites pour permettre des exercices pratiques.
D’autres répétaient leurs missions dans des pays tiers où ils rencontraient des instructeurs israéliens.
Ces agents ont été répartis en deux groupes de commandos, chacun composé de 14 équipes de quatre à six membres.
Certains agents vivaient déjà en Iran. D’autres qui étaient des opposants exilés se sont infiltrés dans le pays la veille de l’attaque.
Chacun avait ses instructions, mais ils étaient également en contact avec des planificateurs israéliens qui pouvaient modifier ou actualiser les plans d’attaques.
La plupart des équipes étaient chargées de frapper les défenses aériennes iraniennes à partir d’une liste de cibles fournie par l’armée de l’air israélienne.
Le Mossad avait donné des noms de code à chaque équipe et leurs missions, basés sur des combinaisons de notes de musique.
Les armements et moyens de transmissions nécessaires ainsi que des drones avaient été acheminés en Iran, certains depuis des années, en empruntant les voies de contrebande évoquée en début d’article.
De plus, le Mossad aurait utilisé des sociétés écrans qui ont expédié des matériels par voie maritime et par camions franchissant légalement les frontières.
Des « agents d’infrastructure » (qui ne font ni du renseignement ni de l’action directe pour ne pas se faire repérer) avaient récupéré et caché ces chargements dans des lieux sûrs. Les commandos n’ont eu qu’à aller se servir suivant les consignes reçues.
Dans la nuit du 12 juin, les équipes sont arrivées à leurs positions comme prévu.
Selon Israël, 100 % des batteries antiaériennes désignées au Mossad par l’armée de l’air ont été détruites.
En même temps, l’un des commandos a détruit un lanceur de missiles balistiques iranien. Les analystes israéliens estiment que cette mission a eu un impact non prévu obligeant l’Iran à retarder sa riposte contre Israël, craignant que d’autres lanceurs de missiles ne soient vulnérables à des attaques venant de l’intérieur.
Après l’action, le président Donald Trump a insisté sur le fait que les frappes aériennes américaines sur Fordo, Natanz et Ispahan dans la nuit du 21 au 22 juin 2025 (« opération Midnignt Hammer » avaient « anéanti » le programme nucléaire iranien(3).

Les analystes des services de renseignement israéliens et américains se sont montrés plus modérés dans leurs estimations.
Le Mossad avait préparé un raid commando sur le site de Fordo jugé trop enterré pour être complètement détruit par les bombes pénétrantes américaines mais il n’a pas été lancé car les risques étaient beaucoup trop grands. Les installations de Fordo n’auraient donc pas été totalement détruites…
Pour conclure, l’ancien chef du Aman, le général Tamir Hayman, a déclaré : « cette guerre les a considérablement pénalisés. L’Iran n’est plus un État nucléaire […] comme il l’était à la veille de la guerre. Il pourrait y revenir d’ici un ou deux ans au plus tôt, si le Guide suprême décide de se lancer dans la fabrication de la bombe.»
(1) Voir : « Mort d’Hassan Nasrallah et conséquences » du 30 septembre 2024.
(2) Voir : « Les affrontement se poursuivent au Proche-Orient » du 9 octobre 2024.