Il semble désormais évident que l’objectif poursuivi par l’État hébreu - et cela ne date pas d’hier - est la chute du régime iranien en place depuis la révolution de 1979.

La raison en est simple : le régime théocratique iranien a rompu ses relations diplomatiques et commerciales avec Israël bien que des contacts secrets aient encore eu lieu durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), l’État hébreu considérant que Bagdad était son adversaire prioritaire. Des munitions israéliennes avaient alors été discrètement livrées à l’Iran.
Mais depuis 1985, les dirigeants iraniens appellent à la destruction de l’État d’Israël. À cette fin, Téhéran a développé depuis les années 2000 ce qui est appelé l’« arc chiite » qui couvrait l’Irak, la Syrie, le Liban et les rebelles houthis au Yémen. Cela était conçu comme un véritable nœud d’étranglement pour l’État d’Israël.

Face à cette menace existentielle pour Israël, la première phase a consisté à desserrer ce « nœud coulant » en diminuant l’influence des proxies utilisés par Téhéran.
Même si la neutralisation le 3 janvier 2020 du major-général Qassem Soleimani à Bagdad a été effectuée par un drone américain, elle a constitué le coup d’envoi de la campagne, d’abord secrète, de démantèlement des capacités d’influence de Téhéran.
Pour mémoire, cet officier général des pasdarans dépendant directement du Guide suprême de la Révolution islamique, l’Ayatollah Khamenei, était à la tête de la force Al-Qods chargée de l’installation puis du renforcement de l’« arc chiite ». Il se déplaçait en permanence entre le siège du Hezbollah à Beyrouth et les palais présidentiels de Damas et de Bagdad (c’est au cours de l’un de ces déplacements qu’il a été tué à la sortie de l’aéroport de la capitale irakienne). Il n’hésitait pas à se rendre sur le terrain à la rencontre des combattants. Sa simplicité et ses contacts à tous les niveaux l’avaient rendu populaire même auprès d’une partie de la population iranienne.
Son second qui a pris sa succession, le brigadier-général Ismael Qaani, ne bénéficiait pas de la même confiance de la part de Khamenei ni de la même aura auprès des combattants et des populations.

Il n’est plus parvenu à coordonner les différentes unités engagées au Liban, en Syrie et en Irak : les milices dépendant du Hachd al-Chaabi en Irak et en Syrie, la Division des Fatimides afghane, la Liwa Zainebiyoun pakistanaise et surtout les importantes forces du Hezbollah libanais déployées en soutien au régime de Bachar el-Assad.

Depuis des années, un travail de renseignement en profondeur a été lancé par les services secrets israéliens. Il a permis d’obtenir des informations extrêmement précises qui ont été utilisées pour saper la puissance iranienne.
Cela s’est traduit par des opérations « homo » (assassinats ciblés) et « arma » (destructions matérielles) en Iran dirigées contre le complexe militaro-nucléaire, par des bombardements réguliers des transferts d’armements de Syrie vers le Liban pour armer le Hezbollah, etc.

L’action terroriste lancée le 7 octobre 2023 depuis la bande de Gaza par le Hamas et des mouvements associés dont le Jihad islamique palestinien a donné le prétexte à l’armée israélienne pour lancer des opérations de destruction des mouvements palestiniens soutenus par Téhéran.
Puisqu’une véritable « guerre » était lancée et que le Hezbollah a eu l’imprudence de s’y associer en effectuant des tirs depuis le Sud-Liban, Israël a déclenché une série d’action homo pour décapiter le mouvement chiite libanais. Les renseignements acquis les années précédentes ont permis à Israël de neutraliser les cibles même cachées dans des abris souterrains situés en pleine ville.

Les premiers affrontements directs

Le 1er avril 2024, Tsahal bombardait le consulat d’Iran à Damas tuant huit membres du Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI) notamment deux officiers généraux.
Cette action dirigée directement contre des Iraniens dans une enclave diplomatique a entrainé une réponse le 14 avril(1). L’Iran et ses proxies ont tiré des missiles balistiques, de croisière et des drones contre l’État hébreu. Cette opération « vraie promesse » a été suivie par une réponse relativement modérée d’Israël.
Le 1er octobre 2024, Téhéran a lancé l’opération « vraie promesse II » mettant en œuvre quelques 200 missiles balistiques ciblant le territoire hébreu(2).
Pour l’Iran, cette constituait un acte de « légitime défense » en réponse aux assassinats par Israël du chef du Hamas Ismail Haniyeh dans un bâtiment gouvernemental à Téhéran(3) et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah à Beyrouth. Israël a encore répondu de manière limitée.

Il semble que ces deux épisodes ont surtout permis à Israël de compléter ses renseignements sur les capacités militaires iraniennes, que ce soit dans l’attaque et la défense de son territoire. Cela a aussi permis de tester en grandeur nature de sa propre protection aérienne et en particulier le « Dôme de fer » contre une attaque massive.

Forts de tous ces renseignements recueillis dans la durée, les Israéliens ont pu monter une attaque de grande ampleur qui est venue le 12 juin baptisée « Rising Lion » (« Le lion qui se lève ») en référence du lion solaire, l’emblème de la Perse royale et le motif central du drapeau de l’Iran de 1576 à 1979, date à laquelle le shah d’Iran, grand allié d’Israël, fut renversé par la république islamique.

Le déroulement de la guerre actuelle

La guerre se poursuit l’aviation israélienne neutralisant les objectifs désignés les uns après les autres. En dehors des installations liées au complexe militaro-nucléaire, les grands états-majors ont été ciblés dont ceux des services de renseignement, des pasdarans et du ministère de l’industrie…

Bien qu’aucune confirmation ne soit encore venue, des commandos israéliens et des groupes d’opposition iraniens soutenus par le Mossad seraient actuellement à l’action sur le terrain.
Les bases de départ des services israéliens se trouveraient en Azerbaïdjan et au Kurdistan irakien.

Des centaines de drones quadricoptères en pièces détachées auraient été importés clandestinement en Iran depuis des mois. Ils auraient été installés sur des véhicules et auraient été mis en œuvre par des équipes au sol – ce qui rappelle étrangement ce qui s’est passé lors de l’opération « toile d’araignée » menée par les services ukrainiens en Russie le 1er juin 2025 (4) -.

Des ciblages directs auraient eu lieu pour mener des opérations homo.
Le 15 juin, cinq véhicules piégés ont explosé à Téhéran sans que l’on sache quelles personnes étaient visées.

Les scientifiques

Les Israéliens visent en particulier des membres éminents du réseau de recherche nucléaire iranien. Les 12 et 13 juin, Israël a tué cinq scientifiques nucléaires iraniens de haut rang de l’université Shahid Beheshti.
Cette dernière située à Téhéran, joue un rôle important dans la recherche nucléaire iranienne. Dans le passé, les États-Unis et l’Union européenne l’ont sanctionné pour cette raison.
Les médias iraniens ont confirmé que le décès des personnes suivantes :
Fereydoon Abbasi : scientifique iranien, ancien directeur de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) ;
Mohammad Mehdi Tehranchi : professeur de physique et ancien superviseur du projet Amad, le programme d’armement nucléaire de l’Iran avant 2003 ;
Ahmad Reza Zolfaghari : professeur de génie nucléaire à l’université Shahid Beheshti ;
Abdol Hamid Minouchehr : doyen de la faculté nucléaire de l’université Shahid Beheshti.
Amir Hossein Feghhi : Directeur du Centre de recherche sur les sciences et technologies nucléaires.

Les pasdarans

Par ailleurs le commandant de la force Qods du CGRI cité plus avant, le brigadier-général de brigade Ismael Qaani, aurait été tué.

Le brigadier général Amir Ali Haji Zadeh, commandant de la composante aérienne du CGRI qui dirigeait le programme de missiles du pays a aussi été neutralisé.
L’Iran a officiellement annoncé la mort de sept autres dirigeants de la même composante : Mohammad Bagheri (département des missiles sol-sol), Davoud Sheikhian (défense aérienne), Muhammad Baqir Tahirpur (département des drones), Mansour Safarpour, Masoud Tayeb, Khosrow Hosni et Javad Jarsara.

Enfin, le chef du renseignement du CGRI, le brigadier-général Mohammad Kazemi et deux de ses adjoints, les généraux Mohaqeq et Bagheri, ont été tués lors d’une frappe aérienne de leur QG à Téhéran le 15 juin.

Israël a tenté de neutraliser le chef d’état-major militaire houthi, Muhammad Al-Ghamari mais il n’aurait été que blessé. Il faut dire que le recueil de renseignements d’origine humaine (Humint) en zone tenue par les Houthis n’est pas chose aisée. Israël n’y aurait pas développé de réseau et devrait s’appuyer que sur le renseignement technique…

La guerre a franchi un pas lorsqu’Israël s’est attaqué aux installations pétrochimiques iraniennes le 15 juin en réponse du bombardement de zones civiles de l’État hébreu.
Les questions qui se posent aujourd’hui sont :
. Israël va-t’il frapper le pouvoir politique, voire l’Ayatollah Khamenei lui-même (ce que Washington ne souhaite pas) ?
. L’Iran va-t-il tenter de bloquer le Détroit d’Ormuz ?
. Quelles vont être les réactions de la population iranienne : une révolte ou un resserrement autour de ses dirigeants ?
. Quid de la très secrète usine enterrée d’enrichissement d’uranium de Fordo située à 32 kilomètres au nord-est de Qom?
. L’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran est-elle désormais possible (techniquement, des experts pensent que l’Iran avait atteint le « seuil » nucléaire que que sa réalisation ne prendrait que quelques mois) ?

1. Voir : « Affrontement direct entre l’Iran et Israël » du 15 avril 2024.

2. Voir : « Missiles iraniens sur Israël et action terroriste à Tel-Aviv » du 2 octobre 2024.

3. Voir : « Israël frappe le Hezbollah et le Hamas » du 1er août 2024.

4. Voir : « Vaste opération spéciale ukrainienne à la veille de négociations de paix » du 2 juin 2025.