Une réunion technique entre des représentants russes et ukrainiens doit se tenir à Istanbul le 2 juin pour envisager la suite des négociations portant sur un éventuel futur traité de paix.

Le président Vladimir Poutine a déclaré le 19 mai à son homologue américain Donald Trump lors d’une conversation téléphonique de deux heures qu’il acceptait de travailler avec l’Ukraine sur un « mémorandum » qui établirait les contours d’un accord de paix, y compris le moment d’un cessez-le-feu.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré à ce sujet dans un communiqué : « Notre délégation, dirigée par [Vladimir] Medinski, est prête à présenter ce mémorandum à la délégation ukrainienne et à fournir les explications nécessaires lors d’un deuxième cycle de négociations directes reprenant à Istanbul lundi prochain, le 2 juin.»

Kiev demandait à ce que ce document lui soit transmis avant la rencontre.

Bien que non encore officialisé, la presse avance quelques informations intéressantes mais parcellaires et surtout pouvant être l’objet de désinformation.

Quelles sont les exigences de Poutine ?

Précaution liminaire : il est très délicat de tenter de décrypter la pensée de Poutine qui – il l’a prouvé à plusieurs reprises – ne répond pas aux critères classiques des Occidentaux. Globalement, la logique cartésienne de « pertes et profits » lui semble étrangère.
L’exemple le plus frappant a été l’invasion de l’Ukraine en 2022. De nombreux analystes pensaient qu’il ne déclencherait pas ce qu’il a appelé l’« opération spéciale » car, logiquement, ce n’était pas dans l’intérêt même de la Russie. Elle avait beaucoup plus à perdre qu’à gagner. Et ce qui devait arriver arriva : l’armée russe s’est embourbée dans une guerre longue et coûteuse tout en se coupant progressivement la Russie de l’Occident au dépens de son économie.

Aujourd’hui, le président Vladimir Poutine penserait que si aucun accord de paix n’est signé À SES CONDITIONS, la Russie montrera militairement aux Ukrainiens et aux Européens que « la paix demain sera encore plus douloureuse. »
En effet, pour lui, même si la situation économique russe rencontre de nombreuses difficultés dans le contexte des pénuries de main-d’œuvre et des taux d’intérêt élevés imposés pour freiner l’inflation. Cerise sur le gâteau, le prix du pétrole, fondement de l’économie russe, n’a cessé de baisser en 2025.
Malgré cela, il reste persuadé que la Russie pourra continuer la guerre pendant des années, quelles que soient les sanctions et les souffrances imposées par l’Occident.

Ses conditions seraient les suivantes :

  • Les dirigeants occidentaux doivent s’engager par écrit à cesser d’étendre l’OTAN vers l’est, ce qui exclurait officiellement l’adhésion de l’Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie, voire d’autres anciennes républiques soviétiques ;
  • l’Ukraine doit devenir un pays neutre ;
  • les sanctions occidentales doivent être levées et le règlement de la question des avoirs souverains russes gelés en Occident doit être réglé ;
  • les populations russophones d’Ukraine doivent être protégés ;
  • la totalité des quatre régions de l’est de l’Ukraine revendiquées par Moscou doivent être intégrées à la Russie.

À noter qu’en plus de la Crimée annexée en 2014, la Russie contrôle actuellement la quasi-totalité des régions de Louhansk, plus de 70 % des régions de Donetsk, Zaporijjia et Kherson. Elle occupe également une partie des régions de Kharkiv et de Soumy et menace Dnipropetrovsk.

Pourquoi des revendications aussi radicales ?

En dehors du fait qu’avant toute négociation, il faut présenter des exigences maximalistes pour ensuite accepter de les réduire, Vladimir Poutine n’a plus aucune considération pour les dirigeants occidentaux passés ou présents (il est au pouvoir depuis 1999.)
Pour lui, la Russie a été « humiliée » historiquement après la chute de l’Union soviétique en 1991 en élargissant l’OTAN et en empiétant sur ce qu’il considère comme étant les marches de la Russie.

Il pense que Moscou a été induit en erreur par les États-Unis après la chute du mur de Berlin en 1989. À savoir qu’en 1990, le secrétaire d’État de l’époque, James Baker, aurait assuré le dirigeant soviétique Mikhail Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’est. Mais cette promesse avait été proférée verbalement.
L’ancien directeur de la Central Intelligence Agency, William J. Burns, a écrit dans ses mémoires, mais que cette discussion n’avait jamais été formalisée et que le contexte était différent car l’Union soviétique ne s’était pas encore écroulée.

Lors du sommet de Bucarest de 2008, les dirigeants de l’OTAN ont convenu que l’Ukraine et la Géorgie en seraient un jour membres.
En 2019, l’Ukraine a modifié sa constitution en s’engageant sur la voie de l’adhésion à part entière à l’OTAN et à l’Union européenne.
Le président Trump a publiquement reconnu que le soutien précédent des États-Unis à la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN avait été une des causes du déclenchement de la guerre par la Russie.

Il assure que cela n’aura pas lieu (sous sa présidence.)

En 2021, deux mois seulement avant l’invasion russe, Moscou a proposé un projet d’accord avec les membres de l’Alliance qui imposerait à l’OTAN à « s’abstenir de tout nouvel élargissement de l’OTAN, y compris l’adhésion de l’Ukraine ainsi que d’autres États. » Les diplomates américains et de l’OTAN ont déclaré à l’époque que la Russie ne pouvait pas avoir de veto sur l’expansion de l’Alliance.
Un des résultats de l’agression russe contre l’Ukraine a poussé la Finlande à rejoindre l’OTAN en 2023 suivie par la Suède en 2024. En effet, ces deux pays craignent désormais pour leur sécurité.

De son côté, l’OTAN, fondée en 1949 pour assurer la sécurité du monde occidental contre la volonté expansionniste de l’Union soviétique, affirme qu’elle ne pose aucun défi à la Russie – bien que son évaluation de la paix et de la sécurité dans la zone euro-atlantique ait identifié la Russie comme la « menace la plus significative et la plus directe. »

Les dirigeants d’Europe occidentale ont déclaré à maintes reprises que si la Russie remportait la guerre en Ukraine, elle pourrait un jour attaquer l’OTAN elle-même – un pas qui déclencherait une guerre mondiale. La Russie rejette ces affirmations comme infondée mais elle a aussi averti que la guerre en Ukraine pourrait dégénérer en un conflit plus large.

Et la suite ?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré fin mai que la Russie avait déployé environ 50.000 soldats près de la région de Soumy, dans le nord-est de l’Ukraine.
Ce renforcement intervient alors que Moscou semble se préparer à une offensive d’été.
De plus, Poutine a déclaré vouloir créer une « zone tampon » le long de la frontière entre la Russie et l’Ukraine. Zelensky a précisé : une « zone tampon » d’environ dix kilomètres de profondeur en territoire ukrainien.

Le président ukrainien a déclaré que son gouvernement était prêt à de nouveaux pourparlers de paix, quelle que soit leur forme. Il a ajouté qu’il était prêt à une réunion tripartite avec les présidents américain et russe.
Accessoirement, il a appelé les alliés occidentaux à fournir environ 30 milliards de dollars d’ici la fin de l’année pour stimuler la production nationale d’armes et freiner l’avancée de la Russie.
Le président américain Trump aurait affirmé le 27 mai qu’il est « impossible de dire » si Poutine veut mettre fin à la guerre et qu’il faudra environ deux semaines pour le savoir. Il s’est dit « déçu par ce qui s’est passé en Ukraine » et qu’il réagira différemment si Poutine joue avec les États-Unis…
On devrait en savoir plus à la suite de la rencontre des émissaires d’Istanbul le 2 juin, si elle a lieu.