Baptisée « Chariots de Gidéon », en référence au récit biblique de la victoire de Gidéon sur les « cruels et farouches nomades madianites », l’opération destinée à nettoyer complètement la bande de Gaza a été lancée le 16 mai 2024.

Les objectifs déclarés du plan sont la destruction complète du Hamas et la libération des otages.

Cette opération repose sur une offensive militaire (flèches bleues sur le croquis) qui doit conduire à l’évacuation de l’ensemble de la population de la bande de Gaza (flèches noires sur le croquis) – un peu moins de deux millions de personnes – vers la zone de Rafah, située entre le corridor Philadelphie et l’axe de Morag (voir croquis ci-après).

Le regroupement de la population dans cette zone doit permettre à Tsahal de poursuivre deux objectifs : conquérir les territoires restants et les nettoyer des activistes et des infrastructures du Hamas sans être gêné par la présence de civils.

Le but secondaire est d’encourager l’émigration des Palestiniens de la bande de Gaza. Selon certains sondages non confirmés, environ la moitié des habitants de la bande de Gaza souhaiteraient partir, mais aucun pays musulman n’est disposé à les accueillir.

Le sort des otages est problématique car cette opération risque d’entraîner leur mort et la perte d’informations quant à la localisation des décédés.
En effet, les derniers otages encore vivant risquent d’être assassinés par le Hamas ou tués lors des bombardements.

La stratégie d’Israël à long terme dans la bande de Gaza est une occupation continue, une annexion ou le transfert de contrôle à une autorité palestinienne modérée.
Au niveau régional, cela renforcerait ses gains stratégiques face à l’« axe de résistance » mené par Téhéran et confirmerait l’image de détermination et de dissuasion de l’État hébreu.
Cependant, une telle action nécessite de nombreux mois d’opérations de nettoyage, suivis d’années d’opérations militaires limitées et continues, à un moment où la fatigue des forces israéliennes est déjà manifeste et où le débat public sur les objectifs et les coûts de la guerre s’intensifie – et devrait encore s’intensifier avec des pertes supplémentaires dues aux combats qui vont se prolonger -.
De plus, le président Trump ne fait pas preuve du même engagement envers les intérêts israéliens que ses prédécesseurs.
Son action au Proche et Moyen-Orient – en particulier concernant les accords et arrangements dans le Golfe – ne cadre pas avec les intérêts du gouvernement israélien.

Le volet « émigration volontaire » du plan risque d’être perçu comme un « nettoyage ethnique » au regard du droit international.

Enfin, la conquête de la bande de Gaza ne peut avoir lieu qu’au détriment de la gestion des risques militaires dans d’autres zones.
Ainsi, sur le front nord, il existe des risques sérieux de reprise des combats avec le Hezbollah au Liban.
La situation est loin d’être stabilisée en Syrie, le sud intéressant l’État hébreu.
La Cisjordanie présente un potentiel persistant d’escalade et la stabilité de la Jordanie reste très fragile.

Enfin, Tsahal est confronté à des pénuries d’effectifs même avec la dernière mobilisation décrétée (20.000 à 30.000 militaires.)

Sur le plan diplomatique

L’opération les « Chariots de Gidéon » risque d’entraîner une grave crise diplomatique régionale et internationale.
Le déplacement massif de civils et une occupation prolongée peuvent compromettre les accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie, geler la normalisation avec l’Arabie saoudite et même compromettre les accords d’Abraham.
L’afflux de Palestiniens dans le Sinaï provoqueraient une crise aiguë avec l’Égypte, renforceraient le sentiment anti-israélien de la rue arabe et favoriseraient les forces islamistes radicales aux dépens des régimes modérés et pro-occidentaux.

L’opportunité de former une coalition régionale avec des États arabes modérés contre Téhéran et ses alliés, ainsi que contre les Frères musulmans risque d’être perdue.

De plus, les critiques internationales croissantes à l’encontre d’Israël vont augmenter et peuvent conduire, pour la première fois, à des sanctions et à un isolement diplomatique de la part de pays qui se sont jusqu’ici abstenus de telles mesures.

État des opérations 19 mai

Israël a procédé à d’importants bombardements les 16 et 17 mai faisant plus de deux cents morts. Selon un communiqué du bureau presse du Hamas datant du 18 mai : « l’armée israélienne a tué plus de 200 Palestiniens et en a déplacé de force 300.000 du nord de la bande de Gaza vers Gaza-ville au cours des deux derniers jours. L’armée israélienne a également détruit, en totalité ou en partie, plus de 1.000 logements […] les drones israéliens se sont concentrés sur l’incendie de centaines de tentes destinées à abriter les personnes déplacées à Tel al-Zaatar, dans le camp de Jabalia, dans la ville de Beit Lahia et dans d’autres zones du nord… »
Concernant les conditions de vie dans la ville de Gaza, le bureau de presse souligne que « la ville manque de tentes ou d’abris suffisants, ce qui oblige des milliers de familles à descendre dans la rue, en particulier dans la rue al-Jalaa et dans le quartier d’al-Saftawi, dans un contexte d’absence totale de produits de première nécessité tels que la nourriture, l’eau et les médicaments, sous un siège strict et des bombardements continus. »

Toutefois, le bureau du Premier ministre israélien a déclaré le 18 mai : « Israël va autoriser l’entrée d’une quantité de base de nourriture destinée à la population, afin d’éviter le développement de la famine dans la bande de Gaza.»

De son côté, un haut responsable du Hamas s’exprimant sur CNN, a annoncé que le mouvement islamiste palestinien aurait accepté de libérer sept à neuf otages en échange d’un cessez-le-feu de 60 jours et de la libération de 300 prisonniers palestiniens. Mais, des sources officielles israéliennes ont démenti : « c’est de la propagande du Hamas. Le Hamas n’a rien accepté.» D’ailleurs, le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri, a formellement réfuté cette information sur Al-Jazeera.

Le 18 mai, le porte-parole de l’armée israélienne a prévenu sur des réseaux sociaux qu’Israël s’apprêtait à mener de «forts» bombardements dans le sud de Gaza : « à tous les habitants de la bande de Gaza se trouvant dans les zones de Al-Qarara, municipalité de Al-Salqah, au sud de Deir al-Balah, et dans les quartiers de Al-Jafarawi, Al-Sawar, Abu Hadeb et Al-Satr, ceci est un dernier avertissement avant l’attaque.» Il a précisé qu’une «frappe forte» serait menée contre les zones utilisées pour les tirs de roquettes lancés par le Hamas.

Au sol, les unités israéliennes engagées sont la 143è division « Fire Fox », la 36è « Rage », la 252è « Sinaï », la 98è « Fire », la 162è « Acier » (parachutiste) et la 460è brigade blindée de la 80è division « Edom ».

Depuis le début de l’intervention israélienne dans la bande de Gaza suite aux massacres d’octobre 2023, le bilan de morts palestiniens s’élèverait à 53.200 (source Hamas).