Toutefois, il faut raison garder, le vieux continent a encore des années de retard par rapport au continent américain – et plus particulièrement latino-américain -. Mais il est très intéressant d’étudier ce qui s’y passe car les mêmes phénomènes criminels arriveront en Europe quelques années plus tard.
Une nouvelle activité est actuellement en expansion : les trafics liés à l’eau douce.
Selon le site Insight Crime, pour y faire face, les autorités de l’État mexicain du Michoacán utilisent désormais la technologie satellitaire pour lutter contre les vols d’eau. Elles ont ainsi mis en lumière la menace croissante que représente le crime organisé qui exploite cette ressource naturelle de plus en plus rare et précieuse.

Le gouverneur du Michoacán, Alfredo Ramírez Bedolla, a annoncé fin avril que le système de surveillance environnemental de l’État, déjà utilisé pour surveiller la déforestation qui est endémique en Amérique latine, ciblerait désormais quelques 35.000 réservoirs d’irrigation privés afin de s’assurer qu’ils ne sont pas remplis illégalement pendant la saison sèche.
Il a précisé que ce système satellitaire issu de la NASA et de l’Union européenne, permettrait aux autorités de « s’attaquer aux crimes environnementaux à une échelle sans précédent dans l’histoire de l’État. »
Les nouvelles technologies de surveillance devraient apporter un éclairage complémentaire sur la dynamique criminelle, car le vol d’eau dans les lacs et les canalisations devient un problème de plus en plus important au Michoacán.
L’eau est fréquemment pompée illégalement du lac Patzcuaro, l’un des plus grands plans d’eau intérieurs du Mexique.

La police y a été déployée en avril après que les vols et la sécheresse aient réduit sa superficie de 42 %, faisant chuter le niveau de l’eau à son plus bas niveau historique (c/f photo ci-avant.) Dans un cas, la police a démantelé un système de pompage d’eau qui avait volé plus de 100.000 litres en seulement huit heures. Des dizaines de mètres de canalisations siphonnaient l’eau vers une plantation d’avocats voisine.

Le Michoacán est loin d’être un cas isolé. Selon certains experts jusqu’à 15 % de l’eau du Mexique serait détournée de sa destination finale.

La pénurie d’eau est un problème croissant au Mexique, en particulier dans les États arides du nord. Selon l’Observatoire de la sécheresse du Mexique, les régions de Sinaloa, Sonora, Chihuahua et Coahuila connaissent actuellement une « sécheresse exceptionnelle .»

Par ailleurs, les États-Unis ont refusé en mars de céder l’eau du fleuve Colorado au Mexique, en réponse à l’incapacité de ce pays à respecter ses obligations en matière de partage des eaux. C’est la première fois que les États-Unis refusent cette cession dans le cadre de l’accord de partenariat signé le 3 février 1944. Le 28 avril, le Mexique a déclaré qu’il assumerait ses responsabilités en matière de partage de l’eau venant du bassin du Rio Grande.

Comme d’autres ressources vitales, notamment le pétrole et le bois, l’eau est désormais exploitée par des groupes criminels dans de nombreuses régions du Mexique.
La capacité limitée du gouvernement à contrôler les sources et la distribution d’eau, ainsi que la probabilité d’une nouvelle sécheresse, font craindre que les détournements d’eau vont probablement s’intensifier.
Ainsi, un rapport de la Commission nationale de l’eau du Mexique (CONAGUA) a recensé 5.000 robinets de canalisations d’eau dans le nord du pays, soit près de trois fois plus qu’il y a cinq ans.
En mars 2024, les autorités de Mexico ont proposé un projet de loi visant à augmenter les amendes pour les robinets de canalisations d’eau illégaux qui siphonnent généralement l’eau vers des camions-citernes qui la transportent pour la vendre ailleurs en période de pénurie.

En plus des détournements, des groupes criminels contrôlent également la distribution de l’eau. Ainsi, los Chapitos du cartel de Sinaloa imposeraient un système de taxes illégales aux distributeurs d’eau commerciaux et organiseraient la redistribution selon leurs conditions financières bien plus élevées.
Le contrôle criminel de la distribution de l’eau permet également aux groupes de racketter les agriculteurs. Selon un récent rapport du media « El Imparcial », le cartel de Sinaloa et les Mazatlecos du cartel Beltran Leyva utilisent la menace pour contrôler les modules d’irrigation qui gèrent la distribution de l’eau dans les champs agricoles. S’ils ne sont pas payés, ces groupes coupent l’accès à l’eau, bloquent les routes et brûlent les machines agricoles.
Le « huachicoleo » (ou vol de pétrole) s’est développé au Mexique pendant les périodes de hausse des prix de l’essence, ce qui suggère que la possibilité de faire des marges bénéficiaires plus élevées ait entraîné une augmentation des vols.
Or le prix de l’eau a augmenté de près de 5 % dans l’État de Sinaloa en 2024…

Il y a longtemps que le crime organisé a fait la preuve de son adaptabilité face à de nouvelles situations. Les problèmes écologiques sont exploités depuis des dizaines d’années avec le retraitement des déchets, les énergies renouvelables qui nécessitent l’achat de nouveaux terrains pour établir des champs d’éoliennes, etc. Partout où il y a de l’argent à faire facilement, le crime organisé est présent en profitant de sa capacité à corrompre grâce à ses richesses déjà engrangées. Et quand il le faut, il sait user de sa violence systémique bénéficiant de l’initiative : les forces de l’ordre et la justice n’interviennent qu’après et obligatoirement trop tard…
La quantité d’eau douce sur terre, provenant à la fois de sources de surface et souterraines, est limitée, et la sécheresse, des températures élevées conduisant à une augmentation des taux d’évaporation, et la croissance exponentielle de la population mondiale ont tous contribué à sa raréfaction croissante. On estime qu’environ 85 % de la population mondiale vit dans les régions les plus sèches du monde. Il y a là de juteux bénéfices à faire pour ceux qui ne s’interdisent rien.
