Le massacre du 22 avril à Pahalgam - où au moins 26 touristes ont été assassinés à l’arme à feu par au moins quatre terroristes revêtus d’uniformes militaires - constitue l'attaque la plus meurtrière au Cachemire sous administration indienne depuis 2019.

Les victimes (uniquement des hommes non-musulmans, les terroristes ayant procédé à un « tri sélectif ») sont des civils qui étaient en vacances dans l’une des vallées les plus pittoresques de l’Inde.

Le Cachemire est revendiqué en totalité par l’Inde et le Pakistan, mais seulement administré en partie par chacun d’eux sans compter que la Chine occupe une zone orientale de cette région (voir carte ci-après, source Wikipédia.)

Un expert indien a déclaré : « le fait qu’une telle attaque ait eu lieu en pleine saison touristique dénote une grave défaillance, en particulier dans un territoire de l’Union où le gouvernement fédéral [Indien] contrôle directement l’ordre public. »

La police indienne a identifié trois des quatre auteurs présumés de l’attaque : deux seraient des citoyens pakistanais et le troisième un Cachemiri.

Selon New Delhi, les suspects cités qui s’étaient revendiqués du « Front de la résistance » seraient en fait membres du Lashkar-e-Taiba (LeT), mouvement salafiste-jihadiste créé dans les années 1990 qui prône l’établissement d’un califat mondial et exige dans un premier temps la conquête de la totalité du Cachemire indien. Responsable de centaines d’incidents au Cachemire indien, il a été impliqué dans plusieurs attentats de grande envergure en Inde notamment l’attaque contre le Parlement en 2001 et les attentats dévastateurs de Bombay en 2008 qui ont fait 163 morts.

Or le LeT bénéficie au Pakistan d’une grande mansuétude des autorités en échange de ne pas toucher aux intérêts du pays… Il est soupçonné entretenir des liens avec les services spéciaux pakistanais : l’Inter-Services Intelligence (ISI).

Mais dans cette dernière affaire, un communiqué du Comité de sécurité nationale pakistanais a démenti toute tentative de lier l’attaque de Pahalgam au Pakistan, affirmant qu’il n’y avait eu aucune enquête crédible ni preuve vérifiable. Toutefois, Islamabad se dit prêt à accepter toute enquête indépendante.

Au Cachemire indien, environ 1.500 personnes ont été arrêtées pour interrogatoire en lien avec l’attaque. Les écoles, les commerces et les entreprises ont progressivement rouvert leurs portes après avoir été fermées dans toute la région suite aux fusillades. La police offre une récompense de deux millions de roupies (23.000 $) à toute personne fournissant des informations sur les suspects.

Des précédents au Cachemire

Après l’attaque meurtrière d’Uri en septembre 2016 au cours de laquelle 19 soldats indiens avaient été tués, l’Inde avait lancé des « frappes chirurgicales » à travers la frontière connue sous le nom de « Ligne de Contrôle » (LdC) ciblant ce qu’elle a présenté comme des « rampes de lancement d’activistes au Cachemire sous administration pakistanaise. »

En 2019, après la mort d’au moins 40 paramilitaires à Pulwama, l’Inde avait bombardé un camp de militants présumés à Balakot – une première frappe de ce genre au cœur du Pakistan depuis 1971. Le Pakistan avait riposté par des raids aériens, entraînant un combat aérien et la brève capture d’un pilote indien.

Les deux camps avaient alors fait preuve de détermination mais avaient soigneusement évité le déclenchement d’une guerre ouverte.

En 2021, les deux pays se sont entendus sur un cessez-le-feu sur la LdC, qui a largement tenu, malgré plusieurs actions terroristes au Cachemire sous administration indienne.

Premières réactions indiennes et pakistanaises

L’un des risques les plus graves dans toute crise indo-pakistanaise est que les deux camps sont dotés de l’arme nucléaire (environ 170 têtes nucléaires de chaque côté.) Ce fait pèse lourdement sur chaque décision, façonnant non seulement la stratégie militaire, mais aussi les calculs politiques. « L’arme nucléaire représente à la fois un danger et une contrainte : elle oblige les décideurs des deux camps à agir avec prudence » affirment différents analystes.

Donc, peu après les faits, New Delhi a pris une série de mesures en représailles : la fermeture du principal poste frontière, la suspension d’un traité crucial de partage des eaux des affluents de l’Indus et l’expulsion de diplomates. Plus important encore, le ministre de la Défense Rajnath Singh a promis une « réponse forte », s’engageant à agir non seulement contre les auteurs, mais aussi contre les commanditaires des « actes odieux » commis sur le sol indien.

Le Pakistan a riposté en suspendant tous les visas délivrés aux ressortissants indiens dans le cadre d’un programme d’exemption avec effet immédiat et a expulsé certains diplomates de son voisin. Il a fermé son espace aérien aux vols indiens.

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a contacté plus d’une douzaine de dirigeants mondiaux. Selon plusieurs diplomates au courant des discussions, New Delhi semble plaider en faveur d’une action militaire contre son voisin et ennemi juré.

Au moment où le chaos règne sur la scène mondiale – les règles internationales étant violées, ou en passe d’être violées sur de nombreux théâtres -, New-Dehli ne pense pas avoir à se justifier sur les mesures que l’Inde envisage de prendre.

Les gouvernements iranien et saoudien se sont adressés aux deux parties et le ministre iranien des affaires étrangères s’est publiquement offert comme médiateur.

L’ONU et l’Union européenne ont appelé à la retenue et au dialogue.

Mais les grandes puissances, y compris les États-Unis, sont accaparées par d’autres crises, et les analystes disent que l’Inde interprète les expressions de soutien de nombreux pays pour sa quête de la justice comme un feu vert pour toutes les mesures répressives.

Les responsables de l’administration américaine ont exprimé leur ferme soutien à la lutte de l’Inde contre le terrorisme mais le président Trump est resté ambigu ne voulant pas froisser le Pakistan. À noter que trois mois après le début de son mandat, Trump n’a toujours pas nommé d’ambassadeur en Inde ce qui montre l’intérêt qu’il porte à ce pays.

Une note d’optimisme : Shiv Shankar Menon, ancien conseiller à la sécurité nationale en Inde a déclaré que le jeu entre les deux adversaires était peu susceptible de devenir incontrôlable : « je ne suis pas très inquiet parce qu’ils sont tous les deux sont assez satisfaits de l’état actuel d’ ‘hostilité maîtrisée’. »