Le 13 mars, une frappe aérienne menée par le Commandement central américain (CENTCOM) dans la province irakienne d'al-Anbar a éliminé Abdallah Makki Muslih al Rifai alias Abou Khadijah, haut dirigeant de l'État islamique (EI).

Un accompagnateur a aussi été tué par un missile explosif, vraisemblablement un AGM 114 Hellfire. Des forces américano-irakiennes sont venues aux résultats et ont découvert deux corps avec des gilets explosifs non activés et de nombreuses armes. Abou Khadijah a été formellement identifié grâce à son ADN.

Le président Donald Trump a annoncé que « le chef fugitif de l’EI en Irak a été tué. Il était traqué sans relâche par nos intrépides combattants, en coordination avec le gouvernement irakien et le gouvernement régional kurde. »

Le Premier ministre irakien Mohammed Shia al Soudani a publié une déclaration affirmant qu’al Rifai était « considéré comme l’un des terroristes les plus dangereux au monde » précisant que le chef de l’EI occupait plusieurs postes clés au sein de l’organisation.

Le Conseil de sécurité de la région du Kurdistan (CSRK) irakien a souligné que le neutralisation du responsable de l’EI est intervenue suite à « des années d’enquête » et s’est appuyée sur des informations recueillies par des sources sécuritaires du gouvernement régional du Kurdistan (GRK.)
Selon un responsable kurde : « les institutions affiliées au Conseil de sécurité de la région du Kurdistan ont joué un rôle influent dans la lutte contre la menace terroriste dans cette région et continueront de s’acquitter efficacement de cette tâche. »

Quelles étaient les fonctions d’al Rifai ?

La position d’al Rifai au sein du groupe État islamique n’est pas claire : certains services de renseignement considèrent qu’il était le dernier « calife » de l’EI alors que d’autres avancent qu’il était le responsable opérationnel des douze provinces du « califat » qui s’étendent de l’Asie (Philippines) à l’Afrique (Somalie, Nigeria, Mali, …) en passant par l’Irak, la Syrie, le Yémen, l’Arabie saoudite, l’Afghanistan, le Pakistan.

Pour le CENTCOM, al Rifai était le « chef des opérations mondiales » de l’EI. Il peut être considéré comme le commandant en second du groupe.
« Chef des opérations mondiales » est un autre terme désignant l’émir de la « Direction générale des provinces » (DGP), le responsable chargé d’assumer les opérations, la logistique et la planification de l’EI à l’échelle mondiale. Il gérait aussi une part importante des finances du groupe.

Mais alors, qui est le calife du groupe État Islamique ?

Il est normal que le chef suprême de l’EI dissimule son identité étant donné le sort tragique de ses cinq prédécesseurs en un peu plus de dix ans.
Dans le dernier rapport de l’équipe de surveillance des sanctions des Nations Unies (qui s’appuie sur les travaux du Comité des sanctions contre l’EIIL et Al-Qaida et du Comité 1988) publié le 13 février 2025, il est dit : « les États membres ont des points de vue divergents quant à l’identité du chef de l’EI « abou Hafs al-Hashimi al-Qourashi » en faisant référence au pseudo du calife de l’État islamique.

« Parmi les candidats potentiels [au poste de calife], Abdallah Makki Muslih Al-Rafai […] et Abdul Qadir Mumin [chef du bureau de l’EI à Karrar en Somalie] ont été identifiés, en raison de leurs postes clés au sein de la Direction générale des provinces et de la direction générale » du groupe. Mais l’État islamique a traditionnellement désigné ses califes parmi les Qourashi, tribu descendante du prophète Mahomet ce qui exclurait Abdul Qadir Mumin qui est somalien.
Le rapport de l’Équipe de surveillance note également que « les deux postes les plus importants [de l’État islamique] sont ceux de « calife » et de chef des « opérations mondiales » et les activistes susmentionnés « pourraient occuper l’un ou l’autre. »
Pour le moment, le groupe terroriste n’a pas publié de confirmation de la mort de son responsable. Peut-être que cela permettra d’en apprendre un peu plus sur ce cas.

La guerre contre les groupes salafistes-jihadistes se poursuit

L’exécution ciblée de Rifai est l’un des nombreux coups portés au groupe jihadiste ces dernières années. Le dernier calife de l’État islamique, Abou Ibrahim al Hashimi al Qourayshi, a été tué lors d’une frappe en Syrie en 2022.

En avril 2023, le CENTCOM avait également éliminé Abd al Hadi Mahmud Haji Ali, un haut dirigeant syrien de l’EI. D’autres membres clés de l’État islamique ont été tués au cours des deux dernières années par les forces américaines en Syrie et en Irak. Par exemple, Shahadhah Allawi Salih Ulaywi al Bajjari, l’un des chefs du groupe dans la région de Kirkouk, a été neutralisé en octobre 2024.

La frappe du 14 mars est la dernière opération en date du CENTCOM ciblant les menaces terroristes en Irak et en Syrie. Elle intervient une semaine après la visite du chef du CENTCOM, le général Michael Erik Kurilla, dans la région. Il s’était rendu en Syrie, mais pas en Irak. Des cellules de l’État islamique continuent d’opérer dans les deux pays.
Le 6 mars, les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis, ont capturé un chef de cellule de l’État islamique en Syrie.

Ces derniers mois, les États-Unis ont également mené plusieurs frappes aériennes contre des membres d’Hurras al-Din, la branche d’Al-Qaida en Syrie.

Le CENTCOM continue de qualifier l’État islamique de « menace pour la région et au-delà ».
Le ministre irakien des Affaires étrangères, Fouad Hussein, s’exprimant lors d’une conférence de presse en Jordanie, a déclaré que l’EI continue de représenter une menace croissante(1).

1. Voir : « Le groupe État Islamique toujours bien présent » du 22 janvier 2025.