Il serait impliqué dans des actes de terrorisme, notamment des vols de bétail, des enlèvements contre rançon, des prises d’otages et des attaques contre de hauts responsables du gouvernement. Il est accusé de diffuser une « idéologie néfaste » au sein des communautés locales et d’encourager les habitants à ignorer les autorités.
Apparu il y a quelques années dans certains villages des États de Sokoto et de Kebbi, les membres de Lakurawa avaient promis de lutter contre le banditisme et d’aider à protéger les habitants des vols de bétail mais les choses ont dégénéré lorsqu’ils ont commencé à demander à vérifier les téléphones des gens et à maltraiter ceux qui contenaient de la musique.
À l’origine, les membres de Lakurawa étaient des bergers qui portaient des fusils pour se protéger. Ils ont formé un groupe armé organisé après que les dirigeants locaux des communautés rurales de Gudu et Tangaza, dans l’État de Sokoto les aient invités à aider à lutter contre les bandits armés qui attaquaient alors les communautés pour de l’argent et du bétail, et qui avaient provoqué de nombreux enlèvements.
Les communautés isolées du pays sont souvent sans gouvernance en raison des insuffisances des autorités locales et étatiques, ce qui permet à la criminalité de prospérer.
Les membres de Lakurawa ont réussi à déloger les bandits entre 2016 et 2017 et ont été payés pour leur travail. Cependant, les membres du groupe se sont rapidement retournés contre les communautés et se sont brouillés avec les dirigeants locaux.
Ils ont attaqué des villages au Nigeria et même au Niger. Ils contrôleraient de nombreux villages où ils prélèvent des taxes sur le bétail se livrant à un véritable racket.
Pa contre, pur attirer de nouveaux adeptes et obtenir un soutien local, le Lakurawa distribuerait de l’argent, des outils agricoles, des engrais, des semences et des pompes à eau aux habitants démunis.
Mais les villageois qui ne coopèrent pas sont menacés, attaqués et parfois assassinés. Ainsi, lors d’une de leurs attaques survenue le 9 novembre 2024, un raid contre la communauté de Mera dans l’État de Kebbi a fait 15 morts.
Les responsables nigérians affirment que les membres de Lakurawa sont affiliés aux groupes salafistes-jihadistes maliens mais se sont installés depuis des années au sein des communautés vivant le long de la frontière entre le Nigeria et le Niger, épousant des femmes locales et recrutant des jeunes.
Selon le groupe de réflexion Nigerian Institute of International Affairs, la plupart des combattants de Lakurawa auraient entre 18 et 50 ans et parleraient le fulfulde, le haoussa et l’arabe. Le fulfulde est principalement parlé par le groupe peul dont les membres sont répartis dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Dans les documents judiciaires, le procureur général et ministre de la Justice du Nigeria, Lateef Fagbemi, a reconnu que le Lakurawa représentait une menace sérieuse pour la sécurité nationale.
L’armée nigériane a déclaré avoir identifié certains des dirigeants du groupe : Abu Khadijah, Abdulrahaman (Idi), Dadi Gumba, Muhammed Abu, Usman Shehu, Abu Yusuf, Musa Walia, Ibrahim Suyaka, Ba Sulhu et Idris Taklakse.
Les relations tendues entre le Nigeria et le Niger, résultant du coup d’État au Niger en juillet 2023, ont affecté la coopération militaire et laissé au Lakurawa plus de possibilité d’étendre, son influence.
Cette nouvelle insécurité vient s’ajouter à celle qui perdure depuis des années dans la région du nord-est qui constitue un des plus importants foyers de violence les plus importants du pays. Ces dernières années, cette région a été le théâtre d’attaques armées, d’enlèvements et d’actes de banditisme. L’armée nigériane est également aux prises avec une longue guerre contre le groupe armé Boko Haram dans le nord-est depuis plus d’une décennie.
Fin 2024, le Nigeria a lancé des opérations contre le groupe. L’armée a mené des frappes aériennes sur des cibles soupçonnées d’être des membres de Lakurawa dans les États du nord concernés, et des attaques terrestres contre les camps du groupe.
L’armée nigériane a reconnu en décembre avoir tué par erreur dix civils après qu’une frappe aérienne sur le dépôt de munitions du groupe dans les villages de Gidan Bisa et Gidan Runtuwa, dans l’État de Sokoto, a provoqué des explosions secondaires. Ces villages étaient très fréquentés par le groupe, a déclaré un porte-parole de l’armée.
L’armée nigérienne a pris le pouvoir en juillet 2023, mais le Nigeria a adopté une ligne dure face à ce coup d’état demandant le retour d’un régime civil et la libération de l’ancien président Mohamed Bazoum.
Avant le coup d’état au Niger, les deux pays menaient des opérations conjointes de patrouilles le long de la frontière. Cela avait permis de disperser le groupe en 2020.
Cependant, après le coup d’État, les opérations conjointes ont été interrompues. Les autorités nigérianes affirment que c’est à peu près à cette époque que les activistes islamistes se sont regroupés et ont recommencé à attaquer les communautés profitant du vide sécuritaire. Il semble que les patrouilles conjointes aux frontières ont repris.
La version avancée par les autorités nigériennes
En décembre 2024, le chef militaire, le général Abdourahamane Tchiani, a imputé dans une interview accordée à des journalistes locaux l’émergence du groupe Lakurawa au Nigeria et à la France qui le parraineraient pour attaquer le Niger.
Le Niger comme le Mali et le Burkina Faso, s’est brouillé avec la France suite au coup d’État de 2023. Depuis, le président Emmanuel Macron s’est rapproché du dirigeant nigérian, Bola Ahmed Tinubu, ce qui a conduit les anciens alliés à accuser Abuja de collusion avec Paris.
Le gouvernement nigérian a nié ces allégations, affirmant qu’elles relevaient « du domaine de l’imagination ».
À noter que la coopération antiterroriste officielle entre Paris et Abuja s’est considérablement accrue à partir de 2016…
Rappel : les groupes salafistes-jihadistes au Sahel
Au Sahel, les organisations terroristes islamiques les plus importantes sont le JNIM (Jamaat Nasr Islam al Muslimin,Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et la Province Islamique au Grand Sahara (ISGS) et plus à l’est la Province État Islamique en Afrique de l’Ouesr (ISWAP) particulièrement active au Nigeria.