Une affiche de recherche a été publiée par le ministère de la Justice américain offrant une récompense de 25 millions de dollars pour toute information menant à l’arrestation du Président vénézuélien Nicolás Maduro (la somme est passée de 15 à 25 millions de dollars) et de son numéro deux, Diosdado Cabello, ministre de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix… C’est le signe du durcissement de l’attitude de Washington et de ses alliés contre le régime en place à Caracas.

Les deux hommes font l’objet de mandats d’arrêt pour trafic de drogue mais l’affaire est également politique.

Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et le Canada ont imposé de nouvelles sanctions au Venezuela depuis l’investiture de Maduro le 10 janvier pour un nouveau mandat présidentiel de six ans car sa victoire aux élections de juillet 2024 – où il a remporté 52 % des voix – a été qualifiée de « manipulée ». L’opposition a produit des décomptes de machines à voter qui ont montré que l’opposant Edmundo González Urrutia avait en fait remporté une victoire écrasante.

María Corina Machado n’a pas été autorisée à se présenter aux élections de 2024. Aussi a-t’elle soutenue la candidature d’Edmundo González Urrutia. Photo : EFE.

Les pays qui ont annoncé des sanctions, ainsi que certains pays d’Amérique latine comme l’Argentine, le Pérou et le Paraguay, ont reconnu González Urutia comme le président légitime du Venezuela.

L’investiture de Maduro s’est faite de manière relativement discrète en présence uniquement des présidents cubain et nicaraguayen, ses plus proches alliés.

Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino López, avait déjà fait l’objet d’une telle mesure une récompense de 15 millions de dollars pesant sur sa tête. Elle soulignait aussi l’importance jouée par l’armée dans le soutien au régime de Maduro.

Dans le détail, Padrino López aurait facturé à des cartels des « frais de protection » pour permettre à des avions chargés de drogue de sortir en toute sécurité du Venezuela. Ces frais de protection dépasseraient souvent les 60.000 dollars.

Septembre 2024 : saisie de 2,63 tonnes de drogue en Guinée Bissau à bord d’un avion en provenance du Venezuela. Photo :  Maritime Analysis and Operations Centre (Narcotics)

Si la somme demandée n’était pas versée à l’avance, Padrino López faisait détruire l’avion non « approuvé » par l’armée vénézuélienne.

Depuis que Maduro a pris la présidence en 2013 après la mort du président Hugo Chávez, le Venezuela malgré ses richesses naturelles (pétrole, or, etc.) est au bord de la faillite et il s’appuie sur des rentes criminelles pour se maintenir au pouvoir. Ainsi, l’organisation « Transparency Venezuela » a présenté un indice des économies illicites pour 2023, estimant qu’au moins 15 % du PIB provenait d’activités criminelles. Pour gérer ces revenus, Maduro a mis en place un système de régulation, créant de fait un narco-État.

Les sanctions économiques et l’isolement international vont vraisemblablement augmenter et encore plus paralyser l’économie légale du Venezuela, Maduro va probablement s’appuyer encore plus sur des activités criminelles pour se maintenir au pouvoir.

Cela a des conséquences au niveau du crime transnational.

Tout va dépendre de la position de la nouvelle administration Trump aux États-Unis et des mesures qu’elle va adopter à l’égard du Venezuela. S’il poursuit la politique de ligne dure de son premier mandat, les sanctions sur le pétrole et l’or vénézuéliens forceront probablement Maduro à utiliser des alliés comme la Chine et la Russie pour acheter ces matières premières et des courtiers internationaux illégaux pour contourner les sanctions.

Ainsi, l’année dernière, Maduro a nommé Álex Saab, un citoyen vénézuélo-colombien d’origine libanaise autrefois emprisonné aux États-Unis pour blanchiment d’argent, au poste de ministre de l’Industrie. Il a la réputation d’être un opérateur chevronné des économies légale et illégale et il sait parfaitement déplacer discrètement des fonds.

Sous sa direction, Maduro cherchera à maximiser les bénéfices des ventes de pétrole et d’or, en utilisant toutes les manœuvres possibles pour contourner les sanctions. Il saura recycler l’argent sale issu de différents trafics dont celui de la drogue.

Les liens troubles avec l'Armée de libération nationale (ELN) de Colombie

Le premier président colombien issu de la gauche Gustavo Petro a annoncé le 17 janvier suspendre les négociations de paix réactivées en 2022 avec la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN), impliquée dans la mort de près de 40 personnes en deux jours. Il a déclaré sur X : « ce qu’a fait l’ELN […] ce sont des crimes de guerre. C’est pourquoi nous suspendons le dialogue avec ce groupe […] car l’ELN ne démontre aucune volonté de faire la paix ».

Selon des sources gouvernementales, les guérilleros de l’ELN ont affronté à la mi-janvier 2025 des dissidents de l’ancienne guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) dans la région du Catatumbo au nord-est de la Colombie puis le cartel du Clan del Golfo dans le département de Cordoba plus à l’ouest.

Plus de 52.000 hectares de coca sont cultivés dans le Catatumbo frontalier du Venezuela.

Comme d’habitude avec le crime organisé, ces affrontements sont dus à des conflits de territoires, surtout ceux proches de la frontière.

Or ,ce mouvement est présent dans au moins huit des 24 États du Venezuela avec la bénédiction des autorités.

Avec Maduro au pouvoir pour six ans supplémentaires, l’ELN n’a guère de motivation pour faire la paix en Colombie.

Et avec une production de cocaïne en hausse, le rôle d’intermédiaire du Venezuela dans le trafic de drogue devrait se consolider lors des prochaines années.

Les ventes d’or constituent un autre pilier de la survie économique du régime de Maduro.

Une grande partie de la production d’or du Venezuela est entre des mains illégales et l’introduction de cet or sur les marchés légaux est gérée par des réseaux criminels qui déplacent les lingots vers les pays voisins et plus loin jusqu’en Turquie.

Près de huit millions de Vénézuéliens ont déjà fui leur pays en quête d’opportunités. Beaucoup d’autres vont suivre. Des réseaux sophistiqués de trafic et de passeurs d’êtres humains ont émergé pour répondre à ce flux migratoire de Vénézuéliens, d’abord via l’Amérique du Sud et les Caraïbes, mais plus récemment vers les États-Unis.

La face criminelle la plus visible de ce phénomène a été la montée en puissance des anciens gangs de prison, notamment le « Tren de Aragua » devenu une menace pour la sécurité nationale en Colombie, au Chili et au Pérou. Ces gangs se livrent au racket, au trafic d’êtres humains et  à la violence.

Les perspectives sont donc sombres, le crime organisé latino-américain semblant toujours être en expansion et ayant gagné un État pour le soutenir.