Alors que n'avait pas encore été adopté fin 1946 le modèle officiel de l'insigne du « brevet militaire de parachutiste » (familièrement appelé « plaque à vélo ») qui s'imposera jusqu'à aujourd'hui, les premiers parachutistes militaires français ont porté une grande variété d'insignes de brevet d'origine française ou étrangère et de fabrication artisanale ou industrielle, locale ou métropolitaine.

Après l’établissement du registre des titulaires du brevet militaire de parachutiste (BMP), la régularisation des listes des brevetés avant 1947, puis l’attribution d’un insigne et d’un diplôme de brevet unique pour tous les parachutistes, s’ouvrira un autre chapitre de l’histoire du « brevet para » qui mettra fin à l’époque de moindre standardisation qu’explore l’ouvrage récemment publié par Histoire & Collections1. Les paras d’alors ont également arboré d’autres insignes à forte symbolique parachutiste, c’est-à-dire montrant un parachute, signe le plus ostensible d’une appartenance ou d’une fonction liée au parachutisme.

Expérimentations, aventures et combats

Deux à trois générations de parachutistes français, c’est-à-dire plus de 700 000 hommes et aussi quelques milliers de femmes ont aujourd’hui obtenu un brevet de parachutiste militaire. La terminologie en usage dans les Troupes aéroportées et chez les collectionneurs désigne par « brevet » ce qui est en réalité l’insigne de brevet, brodé ou métallique,
et par « papier » le diplôme de brevet lui-même.
En 1946, l’histoire du parachutisme militaire français compte déjà dix bonnes années d’expérimentations, d’aventures et de combats, dont au moins six ans de guerre en Europe et d’opérations extérieures en Afrique et en Extrême-Orient durant lesquelles les parachutistes français arborèrent des insignes de brevet ou des insignes tenant lieu de brevet, quand ce n’était pas simplement des insignes représentant un parachute et qui pouvaient évoquer le brevet de parachutiste mais n’en étaient pas un !

Jusqu’en 1947, nombre des quelque 6 000 parachutistes français déjà brevetés ont également porté, à défaut ou à côté de l’insigne de brevet français, des insignes de brevet étrangers, parce que des instructeurs parachutistes appartenant à des armées étrangères leur avaient dispensé une formation parachutiste dans des centres et écoles en terre française ou étrangère. Le lecteur non averti découvrira peut-être dans ce livre des épisodes et des aspects inattendus de cette saga. Le connaisseur de l’histoire du parachutisme militaire y trouvera également matière à satisfaire sa curiosité, susciter son envie ou ressusciter ses souvenirs et réveiller sa nostalgie.

Pour montrer avec une certaine logique et un minimum d’ordre chronologique les centaines d’exemplaires rassemblés pour cette étude, les auteurs ont dû consulter collectionneurs et spécialistes de cette période, inventorier les pièces présentées par les musées, explorer les zones d’ombre touchant des points essentiels : par exemple, les critères manquent pour distinguer certains insignes de brevet en cannetille fabriqués avant-guerre de ceux portés à la CIA N°1 ou au 1er RCP. Ou encore : peut-on déceler une fabrication égyptienne antérieure au « brevet para FFL » brodé en fil de coton ? Que faut-il entendre par fabrications « Lillywhites » de l’insigne en tissu du brevet para FFL et comment les distinguer des fabrications françaises postérieures en cannetille ?

Le parachutiste fantassin combattant

Les projets de textes concernant la création des compagnies d’infanterie de l’air avaient prévu dès l’origine la réalisation d’un insigne spécifique.
La première disposition visant à introduire un insigne parachutiste (un insigne de fonction ou de spécialité, mais pas encore un insigne de brevet) figure dans le procès-verbal de la réunion de la commission Guerre-Air du 22 novembre 1935 concernant la mise sur pied et l’emploi de cinq détachements de parachutistes. La même disposition concernant l’insigne est reprise par la note de l’état-major du ministère de la Guerre N°36263-P/EMA ¦ Secret ¦] du 28 novembre 1935 concernant la création d’unités de parachutistes. Cette note expose le rôle du parachute et la mission de fantassin combattant du parachutiste. Le dessin officiel de cet insigne en tissu fut publié au Bulletin officiel du 29 septembre 1936. Pour les sous-officiers, concernant les marques distinctives des spécialités, il est désormais également question d’insigne et de certificat, et non plus de brevet. L’insigne est adopté pour le certificat de moniteur parachutiste de l’armée de l’Air puis, un peu plus tard, pour les fantassins de l’Air en tant qu’insigne de spécialité du personnel combattant et enfin comme insigne de brevet des parachutistes dûment brevetés. Cet emblème jamais modifié sera porté aussi bien par les fantassins de l’Air des 601e et 602e CIA que par ceux de la CIA N°1, du 1er BCP et du 1er RCP, mais aussi par les parachutistes SAS des 2e et 3e RCP en sus de l’insigne de brevet en tissu avec croix de Lorraine des parachutistes de la France libre. Il inspirera directement le dessin de la « plaque à vélo ».

L’insigne de brevet en tissu a fait l’objet au milieu des années 1940 de maintes reproductions ou créations artisanales. Il fut arboré en diverses circonstances, sur l’uniforme, pour une photo en studio et peut-être également sur une tenue civile. S’agissant des exemplaires non rattachés à un nom et sans passé connu, il est désormais impossible de déterminer quand et où ils ont été confectionnés ni s’ils ont été effectivement portés. La suspicion subsistera forcément et, pour la plupart de ceux qu’on découvre sur les photos d’époque, nul ne pourrait prétendre qu’il les aurait déclarés authentiques ou de bon aloi. Les preuves sont pourtant là dans quelques cas. Malheureusement, la photo s’est le plus souvent conservée sans l’insigne ou l’insigne sans le témoignage par l’image, ce qui jette le trouble sur tous ces artéfacts dissemblables et impossibles à dater.

Les insignes officiels et insignes fantaisie

Certains insignes comme ceux des brevets polonais ou américain, également décernés à des parachutistes français pendant la guerre, posent en apparence un nombre plus limité de questions relatives à leur identification ou à leur authenticité. La chose se complique cependant si on entend par authenticité au sens strict les insignes effectivement fabriqués et portés à une époque donnée (par exemple les années de guerre ou les seules années d’existence de l’unité), à l’exclusion des fabrications tardives ou locales malaisément datables et des insignes dits « de vétérance ». Sauf dans le cas du brevet parachutiste britannique, l’insigne accompagne généralement un diplôme ou un certificat de brevet, le plus souvent numéroté. Ces documents et leurs variantes sont soigneusement répertoriés et étudiés à l’appui des insignes correspondants.

Le livre présente également nombre d’autres insignes portés par les premiers parachutistes français en lieu et place de l’insigne de brevet : « petit GQ », « Bouchon de champagne », « Light Bulb », etc. Il en explique l’origine, la signification, de même que les raisons du port conjoint de ces insignes, comme dans le cas des « Ailes SAS ». Il évoque les modèles d’insignes et de diplômes spécifiques aux services spéciaux, les projets non aboutis comme celui d’un brevet de parachutiste opérationnel et bien d’autres insignes du début de la guerre d’Indochine propres à des formations particulières : compagnie parachutiste du CLI, commandos Conus et Ponchardier, etc.

À côté de fabrications artisanales, le livre recense encore des insignes personnalisés, quelques modèles non identifiés trouvés en possession de parachutistes français, tel le « parachute au chevron ». À l’appui de photos d’époque, il montre le port classique ou atypique des insignes officiels et le port pourtant prohibé d’insignes fantaisie. Il fait aussi une place aux insignes de réseaux impliqués dans la réception des parachutages (BOA, SAP, etc.). Certains insignes d’unités à vocation parachutiste comme le Bataillon de choc et le Groupement des Commandos de France trouvent également place dans cet ensemble.

Les hommes et leurs destins

En effectuant ces recherches qui ont parfois conduit à exhumer des archives officielles et privées quelques dossiers personnels, les auteurs ont certes voulu montrer des insignes ou mettre en lumière des faits peu connus, mais aussi évoquer brièvement les hommes qui ont porté ces insignes, le destin de parachutistes demeurés pour la plupart anonymes. Il reste beaucoup à faire pour savoir qui était Eugène Meyer ayant navigué du 1er BCP, voire de la CIA N°1, aux SAS, qu’on retrouve plus tard au GCMA et dont existe encore au moins un carnet de saut. Qui se souvient de Karol Standarski, né en France de parents polonais, engagé au 1er RCP, passé à la 1re Brigade parachutiste polonaise indépendante et mort en Hollande en septembre 1944 ?
Que dire du commandant André Le Maître, lieutenant à la 602e CIA, parachutiste à la CIA N°1,
puis au 1er RCP, tué en Extrême-Orient dans les rangs
du Bataillon de Corée le 1er février 1951 ? Sans parler de bien d’autres parachutistes tombés en Europe et en Indochine durant les années dont traite ce livre : destins croisés, itinéraires compliqués de patriotes ou de spadassins.

Ouvrage insignes et brevets

Par cet ouvrage, les auteurs font la synthèse d’années de collecte d’insignes, de photos, de documents, de souvenirs et témoignages sur les parachutistes militaires français des années 1936-1946. Nombre de connaisseurs ou descendants des pionniers du parachutisme militaire ont contribué à sa réalisation par la mise à disposition de leur collection et le partage de leur savoir.