L'histoire des sous-marins et des semi-submersibles des narcotrafiquants est aussi audacieuse que les cartels de la drogue eux-mêmes.

Au début des années 1990, les trafiquants ont commencé à expérimenter des bateaux peu profilés pour échapper aux patrouilles des garde-côtes. À cette époque, ce sont les côtes ouest des États-Unis qui étaient la destination car les autorités américaines surveillaient de plus en plus étroitement la frontière terrestre mexicaine et l’espace aérien. Les premiers engins étaient rudimentaires et de nombreux accidents seraient survenus.

Au début des années 2000, les navires semi-submersibles étaient à l’avant-garde de la technologie de contrebande.

Ces bateaux étaient construits dans des chantiers navals de fortune cachés dans la jungle au cœur de la Colombie et de l’Equateur.

Photo : armée colombienne

En 2019, un semi submersible provenant du Brésil avait été saisi au large de la Galice en Espagne. C’était une première. Les trois membres d’équipage avaient dû abandonner le navire qui était en perdition avaient été arrêtés. Ils n’ont pas livré de confidences lors de leurs procès ayant bien trop peut pour leur sécurité et celle de leurs familles s’ils avaient été trop bavards…

Photo : Garde civile espagnole

De nos jours, ces embarcations sont à l’apogée de l’innovation criminelle. Selon les modèles, ils peuvent parcourir autour de 10.000 kilomètres avec un équipage de trois/quatre personnes. Certains modèles sont totalement submersibles.

Ces navires fantômes peuvent coûter plus d’un million de dollars, un prix raisonnable pour le bénéfice potentiel de 240.000 dollars par kilo (en Australie où les prix sont les plus élevés).

Le voyage est risqué, ces bateaux pouvant rencontrer de grands navires au milieu de l’océan et les conditions de vie à bord sont très éprouvantes.

Opération « Orion »

Photo : Marine colombienne

Dans le cadre d’une opération internationale baptisée « Orion », la marine colombienne a intercepté à la fin novembre un semi-submersible rempli de cocaïne dans l’océan Pacifique à 1.900 kilomètres au sud-ouest de l’île de Clipperton, un atoll corallien français inhabité du Pacifique. Ce navire en bois et en fibre de verre aurait quitté le port colombien de Tumaco dans le département de Nariño, parcourant des milliers de kilomètres avant d’être intercepté. Le bateau avait suffisamment de carburant pour naviguer jusqu’à l’Australie.

Photo : Marine colombienne

Le trafic de cocaïne d’Amérique du Sud vers l’Australie est particulièrement lucratif car le kilo de cocaïne peut rapporter jusqu’à 240.000 dollars dans ce pays, soit six fois le prix de vente aux États-Unis.

Les autorités ont déclaré qu’il était le troisième navire de ce type à être capturé dans cette partie du Pacifique. Ce sont des cartes saisies à bord de l’un d’entre eux qui ont attiré l’attention sur ce qui s’est révélé être une nouvelle route de trafic directe vers l’Australie.

Photo : Marine colombienne

Le chef d’état-major des opérations navales de la marine colombienne, le vice-amiral Orlando Enrique Grisales, a déclaré que les trois semi-submersibles étaient tous capables de naviguer depuis la Colombie vers l’Australie sans ravitaillement en mer.

Ces semi-submersibles ont été interceptés dans le cadre d’« Orion », une opération navale multinationale au cours de laquelle les forces de sécurité de dizaines de pays ont saisi un total de 225 tonnes de cocaïne en six semaines. « Il s’agit peut-être de la plus grande saisie de drogue en transit faite par la Colombie dans l’histoire », a déclaré le président colombien Gustavo Petro dans un billet sur X.

Au total, six embarcations de mêmes types bourrés de cocaïne ont été capturées. L’opération qui a engagé 62 pays différents a saisi au total plus de 1.400 tonnes de drogues diverses et variées entre le 1er octobre et le 14 novembre 2024.

Elle a également conduit à l’arrestation de plus de 400 personnes dans plusieurs pays et aurait également mis fin à des trafics d’armes et à l’arrestation de passeurs de migrants.

Le « marché » australien

Selon l’OCDE, les Australiens sont les plus grands consommateurs de cocaïne par habitant au monde suivis par la Grande-Bretagne. L’analyse des eaux usées effectuée par l’Australian Criminal Intelligence Commission a révélé une consommation record de cocaïne dans tout le pays.

Le marché australien de la méthamphétamine ou de la « glace » est aussi massif.

Récemment, les liens entre les cartels latino-américains avec des gangs de motards australiens omniprésents et des groupes criminels européens, se sont intensifiés pour approvisionner le continent à la suite de la répression du trafic de drogue en provenance d’Asie.

Photo : Police fédérale australienne

Cette nouvelle méthode vient compléter celles utilisant déjà le domaine maritime. Les envois les plus importants passent par les millions de containers qui sont chargés sur des navires de transport. Faute de temps, bien peu sont contrôlés à fond. Il y a ensuite les cargos et les navires de plaisance qui sillonnent les océans. Le problème pour les équipages est l’embarquement et le débarquement de la « marchandise ».

Photo : police fédérale australienne

Ainsi, début décembre, la police australienne a saisi 2,3 tonnes de drogue et arrêté 13 personnes lors de la fouille de deux bateaux de pêches suspects en difficulté au large des côtes du Queensland. Ils faisaient la navette entre un bateau-mère ancré dans les eaux internationales (donc non contrôlé) et la côte.

Globalement, les prises sont nombreuses mais ne découragent pas les gangs tant les bénéfices sont importants. Le prix élevé de la « dose » s’explique aussi par les « assurances » que prennent les distributeurs qui admettent qu’ils vont perdre un certain pourcentage de « matière première » lors des saisies policières.

Photo : Marine colombienne

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Texte

Alain Rodier