Selon le site « The Warzone », une photo est apparue à la mi-novembre 2024 sur X montrant deux obusiers nord-coréens transportés en Russie, ce qui suggère que Pyongyang fournit à Moscou ce type de pièce d'artillerie à grande portée.

La photo en question qui aurait apparemment été publiée initialement sur l’application russe de Telegram montre au moins deux exemplaires d’obusiers de 170 mm M1989 Koksan transportés sur un wagon à plateau.

 

Site Army recognition

Des analystes du renseignement open source ont ensuite géolocalisé ce véhicule à Krasnoïarsk dans le centre de la Russie.

Il est à noter que les châssis chenillés ont des roues peintes en blanc comme lors des défilés des matériels militaires nord-coréens.

Le système d’artillerie automoteur nord-coréen Koksan a été déployé pour la première fois à la fin des années 1970, sous le nom de M1978. La désignation occidentale complète indique qu’il a été repéré pour la première fois par les agences de renseignement en 1978 dans la ville de Koksan.

Le M1978 original est basé sur un chassis de char de type 59 équipé d’un canon d’artillerie de calibre 170 mm, monté dans une superstructure ouverte plutôt que dans une tourelle protégée.

Photo Agence KCNA

En réalité, la pièce d’artillerie de 170 mm qui a été livrée dans les années 1950 à la Corée du Nord serait d’origine soviétique. Elle servait à la défense côtière. Quand cette dernière a commencé à être modernisée par des missiles sol-mer, le tube a été adapté sur un châssis de char pour en faire un obusier mobile.

La version M1989, comme on le voit sur la photo de Krasnoïarsk en en-tête de cet article, utilise le même canon mais monté sur un châssis plus moderne.

La version M1989 dispose également d’un stockage embarqué pour 12 obus. Le principal avantage du M1978/M1989 est sa longue portée, le canon de 170 mm étant estimé capable de tirer un obus standard à une distance d’environ 40 km, ou un obus assisté par roquette à une distance de 60 km.

Pendant longtemps, l’arme a été considérée comme la pièce d’artillerie conventionnelle à la plus longue portée en service en Corée du Nord.

Les inconvénients incluent l’impossibilité de transporter les servants et l’absence de toute protection blindée une fois le canon en position de tir. Des tirs de contre-batterie risquent d’être dévastateurs.

Le canon américain de  203mm M110 automouvant qui date d’à peu près de la même époque avait des caractéristiques relativement équivalentes.

Photo : US Army

De plus, la cadence de tir du M1978/M1989 n’est que deux coups toutes les cinq minutes ce qui est complètement dépassé. Le M110 pouvait tirer de deux à quatre obus par minute.

Pour la Russie, il y a aussi le problème que le M1989 utilise des munitions de 170 mm, un calibre qu’elle ne possède pas dans ses propres stocks et qui est relativement rare. Cependant, la Corée du Nord dispose de nombreuses munitions qu’elle pourrait potentiellement fournir. Tout est de savoir si les dates de péremption n’ont pas été largement dépassées. De nombreuses autres munitions fournies à la Russie par la Corée du Nord auraient eu des incidents pour cette raison.

Il convient également de noter que le M1978/M1989 a été exportée en Iran et a été largement utilisée pendant la guerre Iran-Irak certains exemplaires ayant été capturés et utilisés par l’Irak.

Le soutien de Pyongyang à la guerre de Moscou en Ukraine a déjà entraîné la fourniture d’une gamme variée d’armes, notamment des millions de munitions d’artillerie. Une évaluation récente du Service national de renseignement sud-coréen (NIS) basée sur des renseignements fournis par la Direction du renseignement de la défense ukrainienne (GUR), a répertorié les armes nord-coréennes récupérées sur le champ de bataille, notamment des « obus de 122 mm et 152 mm, des missiles antichars Bulsae-4, des missiles balistiques à courte portée tels que le KN-23 et des roquettes antichars RPG ». Le NIS précise : « compte tenu de la taille des conteneurs chargés sur les cargos voyageant entre la Corée du Nord et la Russie, il semble qu’un total de plus de huit millions d’obus de 122 mm et 152 mm aient été fournis à la Russie jusqu’à présent ».

Plus récemment, la Russie aurait également reçu des fusils-mitrailleurs de type 73.

Quant à la présence d’unités de combat nord-coréennes aux côtés de forces russes, la question se pose : est-ce une réalité ou s’agit-il d’une opération de désinformation de grande ampleur ? Ce qui est certain, c’est que Moscou maintient volontairement une grande ambigüité sur le sujet. Cela fait penser au roman « le chien de Baskerville » de Sir Arthur Conan Doyle : la « bête » existe-elle vraiment ou est-ce un fantasme ? Dans tous les cas, on la voir partout et nulle part mais elle engendre l’effroi. Le chiffre de 12.000 a été avancé et maintenant il est question de 100.000 hommes (par rotations).

Photo Agence KCNA

Tout ce qui précède (plus les derniers bombardements russe sur des infrastructures énergétiques ukrainiennes) explique vraisemblablement pourquoi le président américain Joe Biden a autorisé ce week-end l’utilisation par l’Ukraine de missiles à longue portée fournis par les États-Unis pour désormais cibler des objectifs à l’intérieur de la Russie.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky faisait pression sur l’Administration américaine depuis des mois pour qu’elle autorise Kiev à frapper des cibles militaires à l’intérieur de la Russie avec des missiles ATACMS fournis par les États-Unis (charge utile de 226 kilos pouvant être tirée à un peu plus de 300 kilomètres).

Photo : US Army

Certains analystes estiment que ces armes déjà en service en Ukraine pourraient être employées pour renforcer la défense du saillant de Koursk conquis par Kiev cet été. Cela pourrait servir de « monnaie d’échange » lors de futures négociations…

Pour sa part, le président élu Donald Trump mais qui n’entrera en fonction que le 20 janvier a laissé entendre qu’il pourrait pousser l’Ukraine à céder en partie les territoires déjà conquis par la Russie pour mettre fin au conflit. On ne sait pas encore quelle va être sa réaction à la décision de son prédécesseur.

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Texte

ALAIN RODIER