L'Éthiopie s'est saisi des principaux aéroports somaliens pour empêcher l'établissement d’un pont aérien amenant des forces égyptiennes dans le pays.

Les troupes éthiopiennes ont pris le contrôle des principaux aéroports de la région de Gedo en Somalie, y compris ceux de Lugh Ganane,  Dolow et Bardera pour tenter d’empêcher l’arrivées de militaires égyptiens qui devaient remplacer les forces éthiopiennes dans des dizaines de bases dans les États du Sud-Ouest : le Jubaland (sur la carte ci-après Lower et Middle Juba) et l’Hirshabelle (sur la carte Lower et Middle Shabelle).

La prise de contrôle de ces aéroports intervient alors que la tension monte entre les gouvernements de Mogadiscio et d’Addis-Abeba.

Le contrôle des aéroports par l’Éthiopie est important car ce sont les seuls points d’accès aux villes de la région de Gedo, les routes étant bloquées par le groupe salafiste-jihadiste des Shebabs.

L’intervention éthiopienne est considérée comme une mesure stratégique visant à perturber le déploiement prévu des troupes égyptiennes. À savoir qu’un accord de défense récent conclu entre la Somalie et l’Égypte implique le déploiement de 5.000 militaires égyptiens dans le cadre de la Mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine en Somalie (Aussom) qui prendra le relais à partir du 1er janvier 2025 de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis). De plus 5.000 autres militaires devraient aussi arriver en vertu d’un accord bilatéral séparé.

L’Éthiopie a mobilisé les États régionaux alliés pour s’opposer à ce déploiement, ce qui a conduit à des tensions accrues.

En même temps, le chef des Forces de défense nationale éthiopiennes (Endf), le maréchal Birhanu Jula, a réitéré que l’Éthiopie est prête à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté « contre toute violation de forces extérieures » qui pourraient la menacer, accusant la Somalie voisine de « complicité » avec des forces visant à « déstabiliser la région ». Jula a mis en garde Addis-Abeba contre des « ennemis historiques » (avec une référence claire à l’Égypte) qui visent à entraver le développement de l’Éthiopie, avec le soutien de «  mercenaires et traîtres internes ».

Le Premier-Ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président du Somaliland Muse Bihi Abdi.

La situation reflète une lutte géopolitique plus large en Somalie, qui a été exacerbée par l’accord du 1er janvier conclu entre l’Éthiopie et l’État autoproclamé du Somaliland. Cet accord qui porte sur la location 19 kilomètres de terrains le long de la mer Rouge près du port de Berbera pour y installer une base navale a indisposé le gouvernement somalien qui considère qu’il s’agit d’une violation de sa souveraineté.

Les responsables somaliens ont averti que les troupes éthiopiennes devaient se retirer de Somalie d’ici 2025.

Cependant, il n’est toujours pas certain que le gouvernement somalien puisse imposer sa volonté étant donnée la présence profondément enracinée des forces éthiopiennes dans des régions comme Gedo, Hiraan, Bay et Bakool.

Le différend en cours entre l’Éthiopie et l’Égypte au sujet d’un barrage hydroélectrique construit par l’Éthiopie sur le principal affluent du Nil vient encore compliquer la situation..

Ce méga-barrage hydroélectrique (1,8 kilomètre de long, 145 mètres de haut) est jugé vital par Addis Abeba, car il doit produire à terme plus de 5.000 mégawatts. Cela doublerait la production d’électricité de l’Éthiopie, à laquelle seule la moitié des 120 millions d’habitants du pays a actuellement accès.

Le Caire est vent debout contre ce projet qui régulerait le débit du Nil sans pouvoir intervenir directement.

L’Éthiopie et l’Égypte ont échappé jusqu’à aujourd’hui à l’ouverture d’hostilités directes. Mais, d’une manière inquiétante, les actions actuelles de l’armée éthiopienne en Somalie pourraient marquer le début d’une guerre par procuration entre le Caire et Addis-Abeba.

La réflexion du CeM français, le  général Thierry Burkhard devant les responsables du Medef du 27 août prend tout son sens : « Il faut se préparer à des temps assez durs, sinon très durs, pour l’Occident » prend tous son sens. Les zones de tensions se multiplient de par le monde alors que les puissances occidentales ne semblent plus être en position de maîtriser tant soit peu la situation.

En dehors des conflits entre États, beaucoup sont également menacés en leur sein par des problèmes intérieurs graves qui peuvent évoluer dramatiquement (crime organisé, insécurité, émeutes, insurrection, séparatisme, etc.).

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Texte

Alain Rodier