L’Inde a mis en service son deuxième sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), l’INS Arighat, marquant une avancée significative dans la capacité nucléaire stratégique du pays.

Le nouveau sous-marin, armé de missiles balistiques développés en Inde intègre des améliorations par rapport à son prédécesseur.

L’INS Arighat – qui signifie « tueur de l’ennemi » en hindi – est officiellement entré en service fin août dans la marine indienne sous le numéro « S3 ».

Il rejoint l’INS Arihant ( « vainqueur de ses ennemis ») « S2 » mis en service en août 2016 mais qui n’a effectué sa première patrouille opérationnelle qu’en 2018.

L’INS Arighat a été lancé en 2017 et a subi de nombreux essais à la mer. Il a été déclaré apte au service au début août 2024.

L’INS Arihant et l’Arighat mesureraient 111 mètres de long et auraient un déplacement d’environ 6.600 tonnes.

Les deux SNLE partagent le même système de propulsion : un réacteur à eau légère pressurisé développé localement générant 83 mégawatts d’énergie. Il fournirait une vitesse de 12 à 15 nœuds en surface et de 20 à 24 nœuds en immersion et permettrait aux SNLE de rester immergés pendant des mois.

Selon la rumeur, bien l’INS Arighat soit de la même taille, de la même longueur et du même déplacement que l’INS Arihant, il peut transporter plus de missiles MSBS (Mer-Sol Balistique Stratégique) K-15 « Sarigat »…

Il faut noter que les deux modèles de bateaux sont dotés de quatre tubes de lancement verticaux chacun pouvant normalement accueillir trois MSBS K-15 ou un seul K-4 plus imposant mais aux performances nettement améliorées, la portée étant considérablement accrue.

 

D’autre par, selon des déclarations semi-officielles : « le nouveau bateau est beaucoup plus performant, efficace et furtif ».

Pour le détail, le MSBS K-15 propulsé par un moteur à propergol solide à deux étages a une portée d’environ 750 kilomètres ce qui le classe dans la catégorie des missiles balistiques à courte portée (moins de 1.000 kilomètres).

Les cibles potentielles

Pakistan

Compte tenu de la portée du missile, le K-15, il pourrait cibler une grande partie du Pakistan – l’adversaire régional traditionnel de l’Inde, qui possède également des armes nucléaires – s’il était tiré depuis des eaux relativement sûres.

Dans un tel scénario, les cibles incluraient Karachi, la plus grande ville du Pakistan, ainsi que Lahore et Faisalabad. Cependant, Islamabad, la capitale pakistanaise, ou la ville de Rawalpindi ne pourraient probablement être atteintes par le K-15 que si le sous-marin naviguait beaucoup plus près des côtes pakistanaises, ce qui serait très risqué.

Chine

En ce qui concerne le ciblage de la Chine, le K-15 est encore plus limité. Les cibles critiques dans ce pays ne seraient menacées que si le missile était lancé depuis un SSBN opérant dans la mer de Chine méridionale, une zone que la RPC surveille attentivement.

 

Dans cette optique, le missile K-15 est généralement considéré comme un MSBS intérimaire, son rôle principal étant d’élargir l’expérience de la marine indienne dans l’utilisation de telles armes. Le MSBS  K-4, serait devenu opérationnel.

Il offre l’avantage d’une portée allant jusqu’à les 3.500 kilomètres.

Ces deux premiers SNLE indiens ont été décrits passé comme des « boomers de poche », étant considérablement plus petits que les autres SNLE.

Le prochain « boomer » de la marine indienne, l’INS Aridhaman, « S4 » sera plus grand que les deux premiers, avec un déplacement d’environ 7.720 tonnes et huit missiles balistiques K-4 et 24 K-15 comme armes principales.

Ces derniers développements indiquent que le pays donne désormais la priorité à sa dissuasion nucléaire basée en mer qui a été quelque peu négligée pendant de nombreuses années au profit d’armes nucléaires stratégiques basées à terre et lancées par voie aérienne.

Il s’agit notamment de la série de missiles balistiques Agni et de bombes nucléaires lisses larguées par des avions de combat tels que le Jaguar et le Su-30MKI. Ces deux dernières composantes commencent à être très « démodées ».

Une dissuasion nucléaire viable basée sur une composante sous-marine qui est traditionnellement la branche la plus résistante de la triade nucléaire stratégique correspond à la politique déclarée de l’Inde de « non-utilisation en premier » d’armes nucléaires.

Le fait de disposer d’une flotte de SNLE difficiles à détecter rend beaucoup plus difficile pour un agresseur éventuel de détruire les systèmes de lancement d’armes nucléaires d’Inde lors d’une première frappe, les sous-marins permettant de riposter – pas obligatoirement dans les jours qui suivent -. Mais pour le moment la marine indienne de peut pas maintenir une présence de dissuasion à la mer en permanence car pour cela, il faut au moins quatre SNLE.

L’adversaire principal de l’Inde : la Chine

La marine de l’Armée populaire de libération chinoise (PLAN) exploite actuellement six SNLE de classe Jin de type 094 qui peuvent être armés de 12 MSBS JL-3 ayant une portée allant jusqu’à 12.000 kilomètres, ou de 12 MSBS JL-2 dont la portée est estimée à environ 10.000 kilomètres.

 

De toute évidence, la flotte de sous-marins lance-missiles balistiques de la marine indienne est toujours dépassée par celle de la Chine, non seulement en termes de nombre et d’expérience opérationnelle, mais aussi en termes de portée de ses missiles et du nombre de cibles stratégiques qu’elle peut menacer.

Il faudra un certain temps avant que les capacités nucléaires sous-marines de l’Inde puissent être considérées comme suffisantes pour les défis sécuritaires du pays et ses aspirations de puissance mondiale.

Cela dit, cette analyse rappelle que les cinq puissances nucléaires officiellement reconnues (USA, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) sont bien loin d’être les seules. La possession de forces de frappes du Pakistan, de l’Inde, de la Corée du Nord et d’Israël sont bien connues. D’autres tentent d’atteindre ce seuil (Iran, peut-être l’Arabie saoudite, etc.). Le seul salut réside dans la lucidité des dirigeants qui ne souhaitent pas une apocalypse qui signerait leur fin et celle de leur peuple… Mais si Hitler avait eu l’arme atomique, aurait-il hésité à s’en servir ?

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Texte

Alain RODIER