Depuis le putsch du 1er février 2021, la junte militaire birmane vient de prolonger de six mois, et cela pour la sixième fois consécutive, l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire. Dans cette guerre civile à huis clos, l’insurrection antigouvernementale ainsi que les forces des différentes ethnies continuent de gagner du terrain sur l’ensemble des régions nord, est et sud-ouest coupant ainsi le pays en deux, la zone centrale et les grandes villes contrôlées par le gouvernement et le reste du Myanmar passé aux mains des milices ethniques et la rébellion qui se battent conjointement.

Une partie des politiques birmans ont choisi la clandestinité afin d’organiser la rébellion. D’abord politiquement, puis militairement, ils se sont alliés aux dizaines de guérillas ethniques actives dans les régions bordant entre autres l’Inde, la Chine, le Bangladesh et la Thaïlande.

L’armée birmane, ou Tatmadaw, qui contrôle moins de la moitié du pays et ne compte que cent mille hommes a tenté ces derniers mois de se renforcer en obligeant les hommes âgés de 18 à 35 ans et les femmes âgées de 18 à 27 ans à servir dans l’armée pendant au moins deux ans, ce qui a semé un vent de panique dans la population.

D’autant que la Tatmadaw doit affronter un problème de désertion croissante ; la rébellion assurant que quelque vingt mille soldats l’auraient ainsi rejointe. Aussi, pour tenter de recompléter ses rangs, l’armée a appelé les déserteurs à revenir, leur promettant d’être exonérés.

Depuis octobre 2023 et le déclenchement de l’« opération 1027 »1, les différentes offensives armées menées par la coalition de l’alliance anti-junte et des ethnies du nord, de l’ouest et du sud (on compte cent trente-cinq minorités ethniques) ont provoqué la chute de dizaines de villes, la reddition de centaines de soldats gouvernementaux et la capture d’un grand nombre de véhicules blindés, d’artillerie et d’armement, ce qui change totalement la face de la guerre en Birmanie. Ces offensives multiples se sont conclues, du moins provisoirement, par la capture de Lashio le 4 août, la plus grande ville de l’État Shan dans le nord du pays.

Ainsi, la moitié nord de cet État pourrait bientôt échapper totalement au contrôle de l’armée. On estime que plus de 80 % du pays serait contrôlé par les différentes factions et groupes armés anti-junte.

Selon les experts, sans les raids aériens continuels et l’aide de la Russie et de la Corée du Nord, l’armée birmane se serait déjà effondrée. La junte manque de devises étrangères et peine de plus en plus à importer des produits pétroliers indispensables au fonctionnement de ses véhicules, de ses avions de combat et de ses usines d’armement.

De plus, les reculs successifs de la junte au pouvoir provoquent peu à peu l’effritement de ses soutiens internationaux, principalement ceux de la Chine, l’Inde et la Thaïlande. La Chine semble prête à lâcher la junte et l’Inde, pourtant en concurrence avec Pékin dans cette région, est prête à faire de même. Quant à la Thaïlande, sa crainte est un éventuel déferlement de réfugiés birmans sur son territoire.

La junte militaire birmane se trouve aujourd’hui sous une pression sans précédent dans l’histoire du pays.

Bonne lecture
Eric Micheletti

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