Si l’on a une idée de quelle pourrait être la politique étrangère sous une Administration Trump(1), il est utile de savoir quelle est la vision dans ce domaine de la candidate à l’investiture démocrate, la vice-présidente Kamala Harris, qui a bénéficié du désistement en sa faveur de Joe Biden.

En effet, elle devrait obtenir sa désignation probablement à la Convention nationale démocrate en août – bien qu’il y ait de fortes « réticences » en interne au Parti démocrate qui restent pour l’instant discrètes -. Nul doute que l’équipe Trump va sortir des « affaires » comme cela est de coutume dans la vie politique.

Globalement, en cas l’élection au siège suprême, il ne faut pas attendre de surprise majeure car elle va sans doute suivre les traces du président Biden et les responsables du Département d’État (Affaires étrangères) devraient rester en place.

La guerre d’Israël à Gaza

En tant que vice-présidente, elle s’est engagée à maintes reprises à soutenir la sécurité et le droit à l’autodéfense d’Israël tout en exprimant une certaine compassion pour les civils palestiniens à Gaza.

En décembre 2023, elle a déclaré lors d’une réunion d’information que l’État hébreu avait le droit de se défendre : « et nous [en parlant du président Biden et d’elle] resterons inébranlables dans cette conviction […] nous soutenons les objectifs militaires légitimes d’Israël pour éliminer la menace du Hamas. »

Mais elle avait aussi déclaré lors à la même occasion: « alors qu’il poursuit ses objectifs militaires à Gaza, nous pensons qu’il doit faire davantage pour protéger les civils innocents. »

Le 4 mars, elle a été plus directe appelant à une trêve immédiate à Gaza, ajoutant qu’Israël devait améliorer le flux de l’aide humanitaire vers l’enclave.

Le 14 avril, Harris a réagi un jour après l’attaque de Téhéran contre le sol israélien en réplique au bombardement de locaux diplomatiques iraniens à Damas en assénant su X: « notre soutien à la sécurité d’Israël est total. »

Mais elle n’assistera pas à la séance conjointe du Sénat et du Congrès du 24 juillet au cours de laquelle le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu doit prononcer un discours. C’est une rupture par rapport à la tradition diplomatique qui veut que les dirigeants alliés soient accueillis par la numéro deux américaine qui est aussi présidente du Sénat. Arrivé le 22 juillet aux États-Unis, le Premier ministre israélien effectue sa première visite à l’étranger depuis le début de la guerre menée par Israël à Gaza le 7 octobre 2023 alors qu’il fait l’objet d’une demande de mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale (non reconnue par Washington) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza. Cette manifestation provoque la controverse parmi les élus Démocrates, une partie d’entre eux ayant décidé de boycotter le discours comme cela avait été le cas lors de sa prise de parole au Capitole en 2015 à laquelle près de soixante élus avaient refusé d’assister. Un assistant de Kamala Harris a toutefois nuancé que son absence de mercredi ne devait pas être interprétée comme un changement dans son engagement en faveur de la sécurité d’Israël, mais qu’il s’agissait simplement d’une question d’emploi du temps. Reste que l’absence significative de Kamala Harris pourrait être vue comme une stratégie pour reconquérir les électeurs démocrates déçus de celui qu’ils appellent « Genocide Joe » en référence à son soutien inébranlable à l’État hébreu dans la guerre à Gaza.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine ?

Conformément à la position de Biden, Harris soutient fermement la résistance de l’Ukraine face à l’invasion russe. Tout comme lui, elle est une partisane engagée de l’OTAN.

En juin, elle a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy lors du sommet sur la paix en Ukraine en Suisse et a déclaré : « l’agression de la Russie n’est pas seulement une attaque contre la vie et la liberté du peuple ukrainien mais aussi une attaque contre la sécurité alimentaire mondiale et l’approvisionnement énergétique. »

Lors du sommet, Harris a également annoncé que les États-Unis verseraient 1,5 milliard de dollars par l’intermédiaire de l’Agence américaine pour le développement international et du département d’État des États-Unis, afin de renforcer le secteur énergétique de l’Ukraine.

Lors de la conférence de Munich sur la sécurité de février, elle a condamné l’invasion russe et s’est engagée à respecter l’article 5 de l’OTAN en vertu duquel une attaque contre un membre quelconque de l’Alliance exige que tous les autres membres soutiennent le pays attaqué.

La Chine

Harris devrait rester cohérente avec la politique de Biden à l’égard de la Chine – se concentrant sur la réduction de l’influence chinoise, en particulier en Asie.

En septembre, elle a assisté à un sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) à Jakarta, la capitale indonésienne. Au cours du sommet, elle a accusé la Chine d’imposer ses revendications territoriales dans la mer de Chine méridionale contestée à des voisins plus petits.

Lors du débat pour la vice-présidence en 2020, elle a critiqué les droits de douane décrétés par l’ancien président Donald Trump sur les importations chinoises, accusant le Républicain de perdre une guerre commerciale avec la Chine et, par conséquent, de détruire des centaines de milliers d’emplois – bien que certains analystes pensent que les emplois ont été perdus à cause du COVID-19 pas du fait de la politique de Trump.- D’ailleurs, ces tarifs sont pour la plupart restés en vigueur pendant l’administration Biden.

Harris a également soutenu Taiwan, et devrait continuer si elle devient présidente. En septembre 2022, elle s’est engagée à « nous continuerons d’appuyer la légitime défense de Taiwan, conformément à notre politique de longue date. »

L’Inde

En ce qui concerne l’Inde, ses origines interviennent vraisemblablement dans sa pensée. Née à Oakland en Californie de parents immigrés – une mère d’origine indienne et un père d’origine jamaïcaine -, qui ont divorcé alors qu’elle avait cinq ans, elle a été élevée par sa mère hindoue, Shyamala Gopalan Harris, chercheuse sur le cancer et militante des droits civiques.

Or, la position de Kamala Harris sur l’Inde a connu des changements ces cinq dernières années.

En 2019, le Premier ministre indien, Narendra Modi, a révoqué l’article 370, mettant fin au statut semi-autonome du Cachemire administré par l’Inde. Harris a condamné cette décision alors qu’elle était une simple sénatrice californienne.

Cependant, lorsque Biden est entré en fonctions, l’approche d’Harris à l’égard de l’Inde a évolué. En 2021, elle a tenu une réunion publique avec Modi et a salué le rôle de l’Inde dans la production de vaccins contre la COVID-19.

De plus, les États-Unis et l’Inde partagent leurs préoccupations communes à l’égard de la Chine, faisant de l’Inde un partenaire stratégique pour les États-Unis en Asie.

En 2023, Harris a accueilli Modi lors d’un déjeuner d’État où elle a remercié le Premier ministre indien pour son « rôle de leadership pour aider l’Inde à devenir une puissance mondiale au XXIe siècle », louant sa direction du sommet du Groupe des Vingt l’année dernière.

L’Europe

Selon l’expression de l’ancienne sous-secrétaire d’État chargée de l’Europe, Victoria Noland, la phrase « fuck the UE » (2014) pourrait être d’actualité.

Cela dit, il ne faut rien attendre de la prochaine Administration – quelle qu’elle soit – qui sera en place à Washington au début 2025. La Maison-Blanche défend – fort normalement – les intérêts des États-Unis et elle ne fait pas de cadeau à ses « vassaux. »

Selon le secrétaire d’État américain Antony Blinken, la politique étrangère est le « point fort » de Kamala Harris et « qu’elle était une voix très forte, très efficace et profondément respectée pour notre pays dans le monde entier. »

En tous cas elle est bien entré en campagne en déclarant qu’en tant qu’ancienne procureure, elle : « voyait bien le genre de gars qu’est Donald Trump » comparant le candidat républicain déjà condamné au pénal à un « prédateur » et un « escroc. »

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Texte

Alain Rodier