Si Donald Trump revient au pouvoir à la Maison-Blanche après les prochaines élections présidentielles aux États-Unis, quelle sera sa politique étrangère ? Son discours d’investiture du 18 juillet lors de la Convention républicaine est resté très général et suffisamment vague pour autoriser toutes les spéculations.

Par contre, en étudiant ce qu’a déclaré dans le passé son colistier désigné, James David Vance, il est possible d’entrevoir des pistes qui pourraient se transformer en réalités.

Pour mémoire, J.D. Vance né le 2 août 1984 a été élu sénateur de l’Ohio en 2022 avec le soutien de Trump auquel il s’était opposé précédemment (il avait voté pour Hillary Clinton en 2016, mais il avait changé d’opinion plus tard réalisant « avoir succombé aux mensonges et aux distorsions des médias ».)

Après une enfance difficile due au divorce de ses parents et son abandon à l’âge de six ans, ses études secondaires terminées, il s’est engagé dans l’US Marines Corps de 2003 et 2007 et à ce titre a participé à l’invasion de l’Irak. Sa période militaire lui a permis de financer des études supérieures l’amenant à être diplômé de l’université Yale en 2013.

Politiquement, il a toujours dénoncé « le mépris de classe à l’égard des ouvriers qui ont été abandonnés par les deux grands partis convertis au culte du libre-échange. »

Il a déclaré au Sénat avoir de sérieuses inquiétudes quant à la direction que prenaient les États-Unis sous l’Administration Biden.

Pour étayer son discours, il a repris des exemples historiques.

Pour lui, l’Histoire ne se résume pas à la Seconde Guerre mondiale et Vladimir Poutine n’est pas Adolf Hitler ajoutant : « cela ne veut pas dire que c’est un bon gars, mais il a beaucoup moins de capacités que le dirigeant allemand à la fin des années 1930. »

Mais l’Amérique n’est pas non plus celle de la fin des années 1930 ou du début des années 1940. Sa puissance industrielle est nettement moins importante qu’elle ne l’était il y a près de 100 ans.

Quant-à la Première Guerre mondiale, pour lui « les alliances, la politique et l’échec des hommes d’État ont entraîné deux blocs militaires rivaux dans un conflit catastrophique. »

Il s’interroge « comment un continent entier, comment l’ensemble des dirigeants d’un monde entier se sont laissés entraîner dans un conflit mondial ?

Pour lui, les États-Unis ont appris qu’en mettant sans cesse la Seconde Guerre mondiale en avant, ils pouvaient intimider les populations, les amener à ignorer leurs propres valeurs fondamentales et les conduire tout droit vers un conflit catastrophique.

Il s’arrête sur son expérience vécue. Au début des années 2000, il reconnaît avoir cru à la propagande de l’Administration de George W. Bush selon laquelle l’Irak devait être envahi pour chasser le dictateur Saddam Hussein. Mais il a pris conscience en allant servir en Irak qu’on lui avait menti, que les promesses des responsables de la politique étrangère des USA n’étaient qu’« une vaste plaisanterie. »

Il est très direct (ce qui lui est reproché par ses opposants politiques qui le qualifient de « guignol ») : « ce n’est pas que le peuple irakien était mauvais […] c’est que l’obsession du moralisme – la démocratie, c’est bien ; Saddam Hussein, c’est mal ; l’Amérique, c’est bien ; la tyrannie, c’est mal – n’est pas une façon de mener une politique étrangère […] qui a conduit leur pays au désastre. […] À l’époque, en 2003, il y avait une gauche anti-guerre. Aujourd’hui, personne n’est vraiment contre la guerre [en Ukraine]. Personne ne semble s’inquiéter des conséquences imprévisibles. »

En effet, selon lui, en Irak, il y a eu de nombreuses conséquences imprévues – dont l’une est que Washington « a donné » à l’Iran un allié régional.

Vingt ans plus tard, l’Irak est devenu une base pour attaquer les troupes US au Moyen-Orient. Cela a permis de renforcer l’un des régimes les plus dangereux de cette région du monde (celui des mollahs.)

Et maintenant, les USA financent Israël pour qu’il se défende contre les attaques provenant d’Iran…

À la question : existe-t-il une solution diplomatique à la guerre en Ukraine, il confirme d’abord qu’un accord de paix était sur la table fin 2022 et que « l’Administration Biden a poussé Zelensky à le mettre de côté pour lancer une contre-offensive désastreuse qui a tué des dizaines de milliers d’Ukrainiens, qui a épuisé une décennie entière de stocks de matériel militaire et qui a abouti à la situation actuelle qui est pire pour l’Ukraine qu’elle ne l’était il y a dix-huit mois. »

Pour lui, un plan de paix consisterait à pousser Kiev à abandonner la Crimée ainsi que le Donbass en échange de garanties de sécurité.

Il lie la situation en Ukraine à celle des États-Unis : « Ainsi, au moment même où nous aidons les Ukrainiens à sécuriser leur propre frontière, nous ne nous contentons pas d’ignorer notre propre frontière, nous finançons des ONG qui aggraveront la crise migratoire de Joe Biden. C’est complètement insensé. »

« Cette fièvre guerrière, cette incapacité à analyser ce qui se passe dans le monde pour prendre des décisions rationnelles est l’aspect le plus effrayant de tout ce débat. On voit des gens qui ont servi leur pays, qui ont défendu de bonnes politiques publiques — qu’ils soient d’accord ou non avec elles — pendant toute leur carrière, être traités d’agents d’un gouvernement étranger simplement parce qu’ils n’aiment pas ce que nous faisons en Ukraine. »

Mais il reconnait aussi que cette situation de guerre par procuration est bénéfique financièrement pour les États-Unis. Les dernières prévisions du Fonds monétaire international prévoient un taux de croissance de l’économie américaine deux fois supérieur aux pays du G7.

En ce qui concerne l’Europe occidentale, son avis est tranché :

« les partisans d’un financement sans fin de l’Ukraine ne cessent de répéter que si nous n’envoyons pas de ressources à l’Ukraine, Vladimir Poutine ira jusqu’à Berlin ou Paris. Tout d’abord, cela n’a aucun sens. Vladimir Poutine ne peut pas pousser jusque dans l’Ouest de l’Ukraine ; comment irait-il jusqu’à Paris ?

Deuxièmement, si Vladimir Poutine est une menace pour l’Allemagne et la France, s’il est une menace pour Berlin et Paris, alors ces deux pays devraient dépenser plus d’argent pour l’équipement militaire.

Vance aussi jeté un pavé dans la mare britannique portant un coup bas à la « relation spéciale » existant  entre les USA et le Royaume-Uni en s’interrogeant : « Quel est le premier pays véritablement islamiste à se doter de l’arme nucléaire ? Peut-être que c’est l’Iran […] Nous avons finalement décidé que c’était peut-être le Royaume-Uni depuis que les travaillistes ont pris le pouvoir. »

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Texte

Alain Rodier