À la mi juin, l’Arménie a reconnu l’existence d’un « État palestinien. » À noter qu’elle a rejoint les 146 pays sur les 193 que compte l’ONU dans cette démarche. Tous les pays qui l’entourent l’ont déjà fait dont la Russie, la Turquie (qui a présenté ses sincères « félicitations » pour cette démarche), l’Azerbaïdjan et bien sûr l’Iran, grand allié d’Erevan depuis 1991…

Quand l’on regarde de plus près, il est aisé de constater que les seuls pays à ne pas avoir reconnu l’État palestinien sont ceux d’Amérique du Nord, le Japon, le Myanmar et une partie de l’Europe occidentale (qui devrait peu à peu basculer.)

Le Premier-ministre arménien Nikol Pachinian qui est un homme politique d’expérience doit faire face aux manifestations pour avoir conclu un accord de cessez-le-feu avec l’Azerbaïdjan pour mettre fin aux combats au Haut-Karabagh. De plus, il a cédé quatre villages aux Azéris…

Il est donc qualifié par son opposition de véritable « traître ».

Cette reconnaissance de l’État de Palestine est, à se yeux, pas destinée à sanctionner l’action d’Israël dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie – ce qui est le cadet de ses soucis – mais pour l’aide militaire apportée par l’État hébreu à l’Azerbaïdjan. Pour sa propagande, Bakou n’aurait pas été capable de récupérer le Haut-Karabagh sans l’aide des Israéliens.

Il est totalement exact qu’Israël soutient l’Azerbaïdjan militairement et dans le domaine du renseignement. Cela n’est pas particulièrement dirigé contre Erevan – encore que les relations de ce pays avec l’Iran ne sont pas particulièrement appréciées à Tel-Aviv – mais surtout contre l’ennemi prioritaire : l’Iran.

L’Azerbaïdjan représente une plateforme logistique et en renseignement irremplaçable face à Téhéran.

Parallèlement, l’Arménie a décidé de quitter l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire dirigée par la Russie. Pour Nikol Pachinian, l’OTSC ne protège pas les intérêts arméniens.

Malgré cette décision, l’Arménie – prudente – ne remet pas en cause la base militaire russe à Gyumri. Bakou continue aussi à conserver des liens étroits avec Moscou via l’Union économique eurasiatique.

Ce petit pays d’environ 2,8 millions d’habitants (à comparer aux 10 millions d’Azéris) qui ne produit presque rien est dépendant de l’étranger et particulièrement de sa diaspora. Il entretient des relations troubles avec le Hezbollah libanais (principal soutien de la communauté arménienne au Liban), avec les séparatistes kurdes de toutes obédiences et bien sûr avec Téhéran. Son grand problème est qu’il est géographiquement totalement enclavé, ses seuls accès fiables sur l’extérieur étant la Russie, la Géorgie (pays avec lequel un accord de « partenariat stratégique » a été signe le 26 janvier 2024) et l’Iran… Le gouvernement arménien confronté en permanence à ces réalités géopolitiques et à une opinion publique volatile est obligé de faire preuve de pragmatisme.

 

1. Voir édito d’Éric Micheletti : « 24 heures de combats ont changé la donne » du 19 octobre 2023.

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Texte

Alain Rodier