En une semaine, l’Ukraine a ciblé deux installations radar d’alerte précoces russes sur les dix qu’elle possède. Les dégâts exacts ne sont pas connus mais ces actions paraissent inquiéter Washington.
En effet, le 2 juin 2020, le Président russe Vladimir Poutine avait signé un décret intitulé « Principes fondamentaux de la politique de l’État de la Fédération de Russie sur la dissuasion nucléaire ». Ce dernier comprend une section sur les conditions dans lesquelles la Russie pourrait utiliser des armes nucléaires. L’une de ces conditions est la suivante : « l’attaque de l’adversaire contre les sites gouvernementaux ou militaires critiques de la Fédération de Russie, dont la perturbation saperait les actions de rétorsion des forces nucléaires. »
Or le réseau de radars Voronezh-DM est considéré comme « critique » car c’est lui qui peut alerter Moscou du lancement d’une première frappe d’un ennemi potentiel. Et si ces capacités d’alerte précoces sont obscurcies, le processus d’un déclenchement d’un tir de riposte nucléaire pourrait être activé automatiquement même si la dernière décision sera toujours humaine.
Pour Kiev, ces deux frappes visaient des radars qui interviennent dans le conflit ukrainien. Si cela est vraisemblable pour le site d’Armavir situé à 450 kilomètres de la frontière ukrainienne, c’est beaucoup plus problématique pour le second d’Opck qui est distant de 1.500 kilomètres et qui ne couvre pas l’espace aérien ukrainien…
Les faits
Dans la nuit du 22 au 23 mai, Kiev a mené une attaque contre le radar d’alerte avancée à l’Armavir dans le territoire de Krasnodar dans le sud de la Russie. L’installation Armavir est un radar à réseau progressif du type Voronezh UHF (-DM), l’une de dix stations destinée à détecter une attaque de missiles stratégiques adverses.
Dix stations radar à réseau « Voronezh » sont situées autour des frontières de la Fédération de Russie. Les stations d’Armavir et d’Orsk sont en bleu. La légende sur cette carte, d’un billet au blog russe «ftershock», donne la portée du Voronej-DM à 6.000 km pour une altitude de 4.000 km ainsi que la capacité de suivre 500 cibles simultanément.
Le 26 mai, une frappe encore plus longue a eu lieu contre un radar Voronezh VHF (-M/-VP) stratégique à Orsk, près de la frontière russo-kazakh. Ce drone aurait parcouru 1.800 km. Le service d’information du gouvernement américain Radio Free Europe/Radio Liberty a diffusé des photos satellite montrant le site après la frappe.
Jusque là, l’attaque la plus lointaine de drone menée par Kiev avait visé une usine de traitement pétrolier dans la région russe de Bachkirie à une distance de 1.500 km.
Analyse de Moscou
Pour Moscou, il est évident que l’Ukraine n’agit pas de manière indépendante, mais avec l’appui de partenaires occidentaux qui fournissent des renseignements et une assistance technique… « L’attaque contre le système russe d’alerte avancée ne peut guère être interprétée par les dirigeants russes d’une autre manière que comme une tentative d’aveugler partiellement la Russie contre une attaque contre des missiles balistiques nucléaires sur son territoire.
Cela pourrait cacher une première frappe nucléaire contre la Russie, et pourrait forcer les dirigeants russes à prendre des mesures de contre-attaque, même en cas de vision imprécise de la situation. »
Les analystes stratégiques russes ont accordé beaucoup d’attention au développement par les planificateurs militaires américains d’une « frappe préemptive de désarmement » parfois appelée « décapitation préemptive » : cela signifie déclencher une guerre nucléaire sans que la Russie ne puisse lancer ses missiles en représailles.
De toute évidence, l’aveuglement des radars d’alerte avancé augmenterait ce risque.
L’attaque du complexe d’Orsk aurait pu affecter également la situation au Moyen-Orient où l’Iran est sous la menace d’une attaque conjointe de la part des États-Unis et d’Israël. Le radar d’Orsk couvre cette zone et tout mouvement aérien suspect vers l’Iran peut être transmis (ou pas) à Téhéran.
Cela montre une fois de plus que la guerre en Ukraine n’est qu’une partie du « grand jeu » mondial qui peut déboucher à tout moment à une situation catastrophique.
Les frappes sur Armavir et Orsk se situent au moment où de nombreux responsables de l’OTAN « donnent la permission » à Kiev de frapper le territoire russe à l’aide d’armes occidentales même si les États-Unis restent encore très restrictifs dans la manière dont devraient être employés les missiles ATACAMS à moyenne portée : pas plus d’une quarantaine de kilomètres – en gros la région de Belgorod – à l’intérieur du territoire russe et sur des unités militaires se préparant à attaquer la région de Kharkiv…
Il faut reconnaître que seul Washington fait état de craintes d’une riposte russe nucléaire. Moscou a toutefois pris la précaution d’affirmer dire que le territoire américain restait à l’abri mais pas les installations US à l’étranger. Quant aux « petits pays très peuplés de l’Europe »…
Le ministre polonais des Affaires étrangères Radek Sikorski, a appelé l’UE et l’OTAN à lutter plus attentivement contre la Russie et à ne pas s’inquiéter des armes nucléaires russes.
Pour faire le pendant, le Premier-ministre hongrois Viktor Orban a déclaré : « …qui d’autre que nous peut décider de verser le sang des Hongrois? […] (l’OTAN) au lieu de nous protéger, nous entraîne dans une conflagration mondiale. »
Les Britanniques, les meilleurs alliés des Américains, n’ont jamais mis de limitation à l’emploi des armes qu’ils livrent à Kiev.
Le film docteur Folamour serait-il prémonitoire ?
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