Le 27 mars, la nouvelle comme quoi le général Jaroslaw Gromadziński commandant l’Eurocorps a été rappelé en Pologne avant d’être démis de ses fonctions a été rendue publique.

Cette décision a été annoncée par un communiqué du ministre de la défense nationale, M. Kosiniak-Kamysz, à la suite d’une enquête menée par le SKW, son service de contre-espionnage (SKW) au sujet de son « habilitation de sécurité personnelle. ».

Il a publié le communiqué suivant : « En ce qui concerne les nombreux commentaires et spéculations liés à la procédure d’audit engagée par la SKW concernant l’habilitation de sécurité personnelle qui m’a été faite, je voudrais déclarer que pendant 34 années de service militaire professionnel, j’ai toujours mis le bien de la Patrie au premier plan, souvent aux dépens de ma famille. Alors que je travaillais dans les postes d’état-major et de commandement, dans le pays et à l’étranger, ainsi que pour coopérer avec les alliés de l’OTAN, j’ai toujours porté l’uniforme d’un soldat polonais dans la dignité. Je voudrais vous assurer que je n’ai rien à me reprocher. Je pense que la procédure d’inspection lancée par le SKW se terminera positivement pour moi… »

L’Eurocorps

L’Eurocorps dont l’état-major est implanté à Strasbourg peut théoriquement mobiliser jusqu’à 60.000 militaires pour mener des missions d’assistance humanitaire, des engagements de « haute intensité » ou des opérations de maintien de la paix soit pour le compte de l’Union européenne ou pour celui de l’Otan.

Depuis 2022, les pays membres sont la France, l’Allemagne (membres fondateurs en 1992), le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne et la Pologne. À ce titre, un général polonais peut être amené à en prendre le commandement.

Le général Jaroslaw Gromadziński avait été désigné à ce poste en février 2023.

Il est connu pour avoir œuvré à la création de la 18ème division mécanisée polonaise dite la « division de fer. »

Avant de prendre son poste à la tête de l’Eurocorps, il était responsable de la formation des soldats ukrainiens au sein de l’équipe internationale d’assistance à l’Ukraine basée à Wiesbaden, en Allemagne.

Un cas précédent

Le général Piotr Bazeusz, l’actuel premier chef adjoint de l’état-major de l’armée polonaise a été nommé à sa place.

Un même phénomène s’est produit dans un passé récent. Le général Jaroslaw Kraszewski, qui, jusqu’en 2019, a été le chef du département des forces armées au sein du Bureau présidentiel de la sécurité nationale avait été l’objet d’une procédure similaire lancée par  le SKW en 2017 qui avait abouti à son interdiction d’accès à des informations classifiées.

Des collaborateurs du Président de la République de Pologne, Andrzej Duda, avaient interprété cette action de la part de la SKW comme un élément de vengeance politique dirigée par le Ministre de la défense de l’époque, Antoni Macierewicz.

Le général Jaroslaw Kraszewski a fait appel de cette décision devant le Premier ministre.

En mars 2018, au nom du chef du gouvernement, la ministre Mariusz Kami’ski, alors coordinatrice des services spéciaux, a annulé la décision du SKW ; Le général Kraszewski a de nouveau été habilité. À la suite de l’examen des éléments de preuve présentées, il avait été considéré qu’en dépit de la décision de première instance, il n’y avait pas de « doutes légitimes » à son égard. En 2019, le général Kraszewski a fait valoir ses droits à la retraite.

La Pologne ciblée par les espions russes

La Pologne en tant que principal pays de transit des armements occidentaux vers l’Ukraine est devenue un objectif prioritaire pour l’espionnage russe. Le service de contre-espionnage polonais, l’Agence de sécurité intérieure (ABW) a levé plusieurs affaires récemment.

Cette semaine, l’ABW a fait état d’une opération en cours visant un réseau d’espionnage russe menée en coordination avec des d’autres services européens. Le porte-parole des services spéciaux polonais, Jacek Dobrzynski a déclaré :  « l’ABW agit dans le cadre d’une enquête sur des activités d’espionnage menées au nom de la Russie contre des Etats et des institutions de l’Union européenne».

Des perquisitions ont eu lieu à Varsovie et à Tychy au sud de la Pologne.

La République tchèque a annoncé avoir mené en même temps une opération similaire. Selon l’ABW, l’objectif du réseau russe visait à « affaiblir la position de la Pologne sur la scène internationale, de discréditer l’Ukraine et l’image des institutions de l’Union européenne».

Toujours selon l’ABW, cette opération fait suite d’une mise accusation en janvier d’un citoyen polonais soupçonné d’espionnage pour le compte des services de renseignement russes : « l’homme infiltré parmi des parlementaires polonais et européens, a exécuté des missions commandées et financées par des collaborateurs des services de renseignement russes.» Il s’agissait d’activités de propagande, de désinformation et de provocation politique destinées à «bâtir des zones d’influence russes en Europe». L’identité du suspect n’a pas été révélée.

Pour l’instant, rien ne dit si ces deux affaires sont liées.

Dans le cas du général Gromadziński, de deux choses l’une : ou il s’agit d’un règlement de comptes en interne, les jalousies étant chose commune au sein des dirigeants politiques et militaires, ou c’est le début d’une affaire d’espionnage au plus haut niveau. L’avenir devrait répondre à cette question.

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Texte

Alain Rodier