L’État islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque meurtrière du 22 mars à Moscou (1) en publiant des images explicites montrant des hommes armés en train de mener ce qui a été la pire attaque terroriste menée par la Russie depuis le massacre de Beslan (1er septembre 2004. 334 tués.)

Les autorités russes ont accusé quatre hommes originaires du Tadjikistan d’être à l’origine de cette attaque. Les suspects ont été placés en détention provisoire jusqu’au 22 mai après avoir comparu le 24 mars devant le tribunal de Moscou.

Les responsables américains ont lié l’attaque à l’Etat Islamique –Khorasan (EI-K ou ISIS-K), une filiale de Daech couvrant l’Asie centrale.

Depuis novembre, les États-Unis avaient de nombreux renseignements selon lesquels l’EI-K était déterminé à lancer une attaque en Russie, avertissements transmis à Moscou.

L’EI-K  a été créé en 2015 en Afghanistan. Depuis, cette wilaya (province) de l’« Émirat » couvre l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran.

Cinq ans après la chute du califat autoproclamé de l’État islamique en Irak au Levant (EIIL), le groupe n’a plus d’« État » à cheval sur la Syrie et l’Irak – administrativement parlant -, mais non seulement il est toujours présent clandestinement dans ces pays où il mène une guérilla à bas bruit, mais il a conservé ses – et même développé – ses « provinces » extérieures réparties dans le monde entier, notamment en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud-Est.

Le lien entre ISIS-K et son groupe parent apparent n’est pas clair. Les affiliés partagent l’idéologie salafiste-jihadiste et les mêmes tactiques, mais la profondeur de leurs relations – notamment la chaîne de commandement et de contrôle – n’a jamais été pleinement établie.

La prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans en août 2021 et le retrait des troupes américaines du pays ont propulsé ISIS-K sous les projecteurs du monde entier – surtout après que le groupe a orchestré un attentat à la bombe meurtrier à l’extérieur de l’aéroport de Kaboul qui a tué 13 militaires américains et 170 Afghans.

Les Nations Unies ont estimé en 2021 que l’EI-K comptait quelques 2.200 activistes combattants basés dans les provinces afghanes de Kunar et de Nangarhar.

Comme son organisation mère, l’IS-K vise à créer un « califat mondial et transnational » régi par la charia.

Bien qu’ayant la même idéologie salafiste-jihadiste qu’Al-Qaida dont il est issu, l’EI entretient une haine envers les talibans car il ne reconnaît pas sa prééminence religieuse, ce qu’admet Al-Qaida, ce qui permet à cette organisation terroriste d’être quasi-officiellement aux côtés des talibans en Afghanistan.) De plus, les talibans ont une vision politique limitée à l’Afghanistan (et à une partie du Pakistan) alors que les ambitions de l’EI sont mondialistes.

Ainsi, les récentes attaques de l’EI-K visaient en grande partie les talibans et d’autres cibles symboliques mais aussi les minorités musulmanes chiites d’Afghanistan, en particulier l’ethnie Hazara. En effet, les premières cibles à abattre pour Daech sont les « apostats » chiites. Voir le double attentat de Kerman le 3 janvier 2024 (100 morts).

La haine du groupe à l’égard de l’Occident figure également en bonne place dans son agenda – tout comme son inimitié envers la Russie.

En effet, l’État islamique entretient une animosité de longue date contre la Russie. Selon Daniel Byman, expert de l’Université de Georgetown : « La Russie est en tête ou presque en tête de liste de l’EI depuis de nombreuses années ». Il souligné le rôle crucial de Moscou dans la guerre civile syrienne, lorsqu’elle est intervenue en soutien au gouvernement syrien et contre l’EI. Pour lui, I’EI-K reproche les talibans d’être « trop proches de la Russie ». En 2022, l’IS-K a revendiqué la responsabilité d’un attentat suicide près de l’ambassade de Russie à Kaboul qui a tué dix personnes.

Par ailleurs, la propagande de l’EI cible depuis longtemps la Russie pour ses tactiques brutales dans les différentes guerres de Tchétchénie et sa politique de la terre brûlée dans le Caucase, affectant les musulmans d’Europe de l’Est et d’Eurasie.

Selon l’agence de presse RIA Novosti, la Russie a déjoué plusieurs incidents liés à l’EI el février 2024.

Selon Reuters, les médias d’État russes ont rapporté le 7 mars que le FSB avait empêché une attaque de l’EI-K contre une synagogue à Moscou. Six membres de l’EI-K ont été tués dans l’affrontement.

La majorité des attaques de l’EI-K ont eu lieu en Afghanistan et au Pakistan – l’explosion de l’aéroport de Kaboul en est un exemple frappant.

D’autres comprennent une attaque en mai 2020 contre une maternité de Kaboul (24 victimes) suivie d’une action terroriste contre l’université de Kaboul en novembre 2020 ( 22 victimes).

Université de Kaboul, novembre 2020

L’EI-K est aussi soupçonné avoir été à l’origine d’un attentat à la voiture piégée devant des de Kaboul en mai 2021 qui a tué au moins 85 personnes.

Le groupe a été particulièrement actif  en 2018 – lorsqu’un kamikaze de l’EI-K a tué 128 personnes lors d’un rassemblement électoral à Mastung, au Pakistan.

L’IS-K continue ses opérations de harcèlement Afghanistan. C’est le groupe terroriste le plus actif du pays, responsable de 73 morts en 2023.

En mars 2023, le chef du Commandement central américain a déclaré devant les sénateurs que l’EIK était de plus en plus enhardi et que l’Europe ou l’Asie étaient plus susceptibles d’être la cible d’attentats terroristes en provenance d’Afghanistan que les États-Unis.

Dans un rapport d’évaluation de la menace de 2023 publié par les agences de renseignement américaines, le Bureau du Directeur du renseignement national a déclaré que l’EI-K « conserve presque certainement l’intention de mener des opérations en Occident et poursuivra ses efforts pour attaquer en dehors de l’Afghanistan. »

Au début 2024, le Conseil de sécurité des Nations unies a averti que l’EI-K planifiait des « complots opérationnels » en Europe. Ainsi, sept personnes liées au groupe ont été arrêtées en Allemagne en 2023 alors qu’elles planifiaient des « attaques terroristes à fort impact ».

Il est inutile de rappeler que ce sont des activistes de l’EI qui ont conduit les attentats de Paris et Saint-Denis en novembre 2015.

En mai 2017, le groupe a revendiqué la responsabilité d’un attentat-suicide à la bombe lors d’un concert d’Ariana Grande à Manchester Arena, en Angleterre, qui a tué 22 personnes.

L’EI a également « inspiré » les terroristes aux États-Unis, y compris le tireur qui a tué 49 personnes dans la boîte de nuit Pulse d’Orlando, en Floride, en 2016, dans ce qui était alors l’attaque terroriste la plus meurtrière aux États-Unis depuis le 11 septembre.

La hantise que se posent les autorités est : où vont-ils frapper dans les mois à venir ?

 

1. Voir : « PRÉCISIONS SUR LES SUITES DE L’ATTENTAT DE MOSCOU » du 27 mars 2024.

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