L’élection présidentielle russe (du 15 au 17 mars) a été accompagnée d’un certain nombre d’actions de coups de main et de bombardements lancés depuis l’Ukraine sur le territoire russe avec pour objectif la perturber, au moins sur un plan psychologique. Faire douter la population que Vladimir Poutine « tient » bien le pays. Cela ne semble avoir influé en rien les résultats puisqu’il a été réélu avec plus de 87% des suffrages.

Plusieurs unités de Russes combattants pour l’Ukraine ont ainsi lancé des raids sur la frontière dans les oblasts Russes de Koursk et Belgorod.

Trois unités d’opposants russe au régime de Poutine ont été engagées dans cette affaire :

– le « corps des volontaires russes » (RDK),

– la « Légion liberté de la Russie »,

– le « bataillon Sibérie » (qui appartient à la légion internationale ukrainienne.).

Le mouvement armé d’opposition armé le plus connu – l’Armée nationale républicaine, NRA – n’aurait pas été impliqué dans cette « offensive. »

Toutes ces formations ont adopté comme symbole le drapeau blanc-bleu-blanc mais chacune ont gardé un signe distinctif.

Dès le 11 mars, les forces russes avaient publié des vidéos montrant des frappes préventives contre des équipements militaires Ukrainiens repérés le long de la frontière dans les oblasts de Soumy et Kharkiv.

Pour mémoire, la Russie et l’Ukraine ont une très longue frontière commune en dehors des zones séparatistes du Donbass. Si le front actif se situe au niveau de ces régions et au nord de la Crimée, la frontière commune est une sorte de « front gelé » qui est parfois l’objet d’échanges de tirs ou d’incursions terrestres, la dernière ayant eu lieu en juin 2023 en même temps que le déclenchement de l’« offensive de printemps » qui a fini par échouer à l’automne de la même année.

Le 12 mars, la « Légion liberté de la Russie » a annoncé le début d’une attaque sur le territoire russe.

L’offensive s’est matérialisée en plusieurs points le long de la frontière avec en particulier uns harcèlement contre le poste frontière russe de l’autoroute Kharkiv-Belgorod.

La seconde attaque a été lancée depuis le village de Rizhivka en Ukraine en direction de celui de Tetkino qui aurait été conquis.

L’armée ukrainienne aurait préparé l’infiltration des troupes dissidentes russes par des appuis-feux d’artillerie tirés depuis l’Ukraine.

Le village de Spodariushino a fait l’objet de deux attaques, l’une directement sur le bourg, l’autre un peu au sud. Des engins blindés ont été engagés dans cette action.

Cependant, plusieurs vidéos semblant venir du même secteur montrent des blindés abandonnés et détruits.

Les forces russes auraient utilisé intensivement des drones de reconnaissance et des Lancet pour contrer ces attaques.

Le pont de Velyka Pyssarivka situé à proximité de la frontière russe été détruit par une frappe Russe pour empêcher tout ravitaillement d’importance vers le village de Tetkino.

Depuis des mois, les Russes ont sécurisé leur territoire à une vingtaine de kilomètres en arrière de la frontière si bien que certains villages – dont Tetkino – sont laissés sans protection dans une « zone grise » située entre la frontière et la ligne de défense.

L’état-major ukrainien a pris soin d’affirmer que les forces engagées avaient agi de leur propre chef sans en informer Kiev. C’est évidement faux  car il faut au moins l’accord tacite de l’armée ukrainienne pour manœuvrer à proximité de la frontière. Toutefois, cela permet de renforcer le mythe d’une opération « menée par des Russes pour renverser Vladimir Poutine. » Il est connu que ces quelques dizaines de combattants n’ont pas les moyens d’aller bien loin et n’ont pas cherché à franchir la ligne de défense russe.

Les medias nationaux russes ont d’ailleurs présenté cette affaire comme « une tentative ratée des Ukrainiens » en donnant des bilans qui semblent irréalistes (234 assaillants tués.)

Parallèlement, à cette offensive terrestre, Kiev a annoncé le lancement d’importantes vagues de bombardements contre la région et la ville de Belgorod.

Les autorités Russes déplorent la mort de plusieurs civils dans cette localité qui est régulièrement touchée.

De l’autre côté, plusieurs villes et villages ukrainiens ont été frappés en représailles dont Soumy causant la mort de plusieurs morts et surtout, la ville d’Odessa a été impactée par des missiles russes faisant des dizaines de victimes.

Pour Kiev, il convient de replacer ces raids dans une stratégie plus globale de harcèlement à l’œuvre depuis ces dernières semaines : attaques contre les navires russes en mer Noire fin février,  envoi de drones kamikazes contre la raffinerie du géant pétrolier russe Lukoil à Klintsy (oblast de Briansk), etc.

Cela fait autant d’opérations de diversion censées démontrer la capacité de nuisance de l’Ukraine même en phase défensive sur la ligne de front.

D’autre part, il est clair que la frontière russo-ukrainienne peut constituer un second front à partir duquel une offensive russe pourrait être lancée  vers Soumy, Kharkiv ou même Kiev. Mais il semble que les moyens humains et matériels ne sont pas actuellement réunis pour une telle hypothèse.

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Texte

Alain Rodier