Khalid Saeed Batarfi alias Abou al-Miqaddad al-Kindi, l’émir du mouvement salafiste-jihadiste Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) aussi nommé Ansar al Charia a été annoncé mort dans une vidéo d’une quinzaine de minutes diffusée le 10 mars par la propagande de ce groupe terroriste surtout actif au Yémen.

Batarfi avait pris ses fonctions après la mort le 29 janvier 2020 de Qasim al-Raymi, tué par une frappe américaine.

La vidéo publiée par AQPA montre Al-Batarfi enveloppé dans un linceul de sépulture blanc et le drapeau noir et blanc du groupe jihadiste. Il est annoncé : « Allah a pris son âme pendant qu’il cherchait patiemment sa récompense et était ferme… et a mené le jihad pour Lui ».

Selon certains analystes, cette déclaration laisse à penser qu’il est décédé de mort naturelle à la différence de ses prédécesseurs neutralisés par les Américains. Il était connu pour avoir une maladie du foie.

L’annonce a également été faite à la veille du mois de jeûne du Ramadan, qui commençait le 11 mars au Yémen.

Son successeur élu par l’organe de direction du mouvement (Choura – conseil -) AQPA a été désigné en la personne du Yéménite Sa’d bin ‘Atif al-‘Awlaqi (Sa’ad bin Atef al-Awlaki) alias Abou Laith,

Sa’d bin ‘Atif est déjà connu en tant que cadre dirigeant d’AQPA figurant sur la liste des personnes recherchées par le Département d’État américain, la prime attachée à son nom est de six millions de dollars contre cinq pour son prédécesseur. Il devrait cette « prime » au fait qu’il a menacé directement de s’en prendre aux États-Unis et à leurs alliés.

Contrairement à Batarfi, il est plus connu comme chef militaire que comme érudit religieux. Dans le passé, il est aussi moins apparu dans les médias : en mai 2015 comme « émir » de la province de Chabwa ; en octobre 2019 dans une affaire de contre-espionnage et surtout en février 2023 lorsqu’il a exhorté les tribus sunnites des gouvernorats d’Abyan et de Chabwa à « résister à la demande des Émirats arabes unis et du Conseil de transition du Sud [région d’Aden] à se joindre à leur lutte contre AQPA ».

Il est un très ancien activiste d’AQPA et entretient des liens privilégiés dans la région riche en hydrocarbures de Chabwa, un important foyer de conflit.

Son implantation locale va être particulièrement importante alors que la concurrence pour le contrôle du sud et des ressources pétrolières et gazières du Yémen s’intensifie.

Un récent rapport de l’ONU sur Al-Qaida stipule que « bien qu’en déclin, AQPA reste le groupe terroriste le plus efficace au Yémen avec l’intention de mener des opérations dans la région et au-delà .»

Pour mémoire, AQPA a longtemps été considérée comme le groupe chargé de mener des opérations terroristes en Occident pour le compte de la « nébuleuse ».

Une des plus connues est la fusillade de la base militaire de Fort Hood perpétrée le 5 novembre 2009par le major Nidal Malik Hasan  (13 morts et 32 blessés.)

Nidal Malik Hasan a été destitué de tous ses droits militaires et attend son « martyre » dans le couloir de la mort de la prison militaire de Fort Leavenworth.

Le prêcheur Anwar al-Awlaqi (né le 22 avril 1971) aux États-Unis aurait été son « mentor » comme il a inspiré nombre de terroristes sur le territoire américain même (c/f image ci-après.)

Mais AQPA a aussi frappé en France.

Le 9 janvier 2015, l’organisation a revendiqué l’attentat contre le journal Charlie Hebdo commis deux jours avant (12 morts, 11 blessés.)

Saïd Kouachi, l’aîné des deux frères s’était rendu au Yémen en 2011 pour s’entraîner avec AQPA. Il avait alors attiré l’attention des services de renseignement américains.

Anwar al-Awlaqi l’a peut-être alors rencontré avant d’être neutralisé par les Américains le 30 septembre 2011.

L’organisation AQPA est confrontée à une situation complexe au Yémen. Elle doit se faire une place entre les forces gouvernementales soutenues par l’Arabie saoudite (la monarchie saoudienne est jugée comme « apostat »), les séparatistes sud-yéménites d’Aden épaulés par les Émirats Arabes Unis (les ÉAU sont également considérés comme des adversaires), les forces houthies qui défient l’Occident (mais trop proches des chiites abhorrés) et l’État Islamique (« le » concurrent mortel d’AQ.)

Complètement impliqué dans cette lutte au sein de la « Dar al-Islam » (« terre d’Islam ») que constitue le Yémen, il semble que le souci d’AQMI n’est pas pour l’instant d’exporter la révolution islamique au « Dar al-Harb » (« terre de la guerre » où les musulmans ne sont pas majoritaires, donc l’Occident.)

Sa’d bin ‘Atif

Publié le

Texte

Alain Rodier