En Irak et en Syrie, l'armée américaine est régulièrement ciblée par des frappes de drones et autres roquettes mis en œuvre par des milices favorables à Téhéran ou au Hezbollah libanais. Depuis le 7 octobre qui a vu le déclenchement de la Guerre entre Israël - directement soutenu par Washington -, ces attaques dépasseraient la centaine… Elles seraient le fait d’un mystérieux groupe baptisé « résistance islamique d’Irak » (RII).

En « légitime défense », un drone américain a pulvérisé le 4 janvier le véhicule d’un responsable irakien proche de Téhéran faisant deux morts (dont l’homme ciblé) et trois blessés.

Mushtaq Taleb al-Saidi alias Abou Taqwa était le chef adjoint des opérations à Bagdad des Unités de mobilisation populaire (UMP), un conglomérat de milices chiites fondée par le grand Ayatollah Ali al-Sistani la plus haute autorité religieuse chiite en Irak en 2014 pour s’opposer à l’avancée de Daech en Irak et soutenues par l’Iran.

Les UMP ont confirmé la mort de Saidi, qui était également commandant de la milice Harakat al-Nujaba proche des Iraniens, groupe réputé faire partie du RII.

Le chargé de presse du Pentagone, le major-général Pat Ryder, a déclaré que la cible était « activement impliquée dans la planification et la conduite d’attaques contre l’armée américaine dans la région ».

Le Premier ministre irakien, Mohammed Shia’ al-Sudani, a qualifié l’attaque d’ « injustifiée » et d’« escalade dangereuse et de violation de la souveraineté de l’Irak ».

Les États-Unis avaient déjà procédé à des frappes aériennes en Irak mais aussi en Syrie contre des formations soutenues par Téhéran.

La frappe de jeudi survient deux jours après qu’un drone ait tué à Beyrouth Saleh al-Arouri, le chef adjoint du Hamas (1). Le Liban et le Hamas avaient blâmé l’État hébreu pour cette opération Homo.

Le Premier ministre Mohammed Chia Al-Soudani a récemment déclaré que le gouvernement iraquien « s’apprêtait à mettre fin à la présence des forces de la coalition internationale » créée en 2014 pour lutter contre Daech.

Alors qu’il est devenu Premier ministre avec le soutien des factions et des milices alignées sur l’Iran, il a toutefois tenté de maintenir de bonnes relations avec Washington.

Mais après cette dernière frappe, Yahia Rasool, porte-parole militaire irakien a déclaré : « nous considérons cette action comme une escalade et une attaque dangereuses contre l’Irak, divergeant de l’esprit et du texte du mandat et de la mission pour lesquelles la coalition mondiale a été établie en Irak ».

Les relations complexes États-Unis – Iran

Depuis la révolution de 1979 qui a amené au pouvoir les mollahs, c’est une véritable guerre froide qui se joue entre Washington et Téhéran. Tout semble permis aux deux camps à l’exception (jusqu’à présent) d’une confrontation directe.

Les opérations se font donc par proxys interposés, l’Iran utilisant les services du Hezbollah libanais, de milices chiites irakiennes, syriennes, afghanes, pakistanaises, les mouvements palestiniens Hamas et Jihad islamique palestinien (JIP) ou encore les rebelles houthis du Yémen.

Washington réplique parfois en menant des opérations homo (comme la neutralisation en 2020 du major-général Qassem Soleimani commandant la force Al-Qods des pasdarans) où en répliquant à des actions de force comme cela se déroule actuellement en Syrie et en Irak sans oublier la mer Rouge où dix membres d’un commando houthi tentant de prendre d’assaut le navire civil Maersk Hangzhou ont été tués par des hélicoptères de l’US Navy le 31 décembre 2023 (2).

Mais parallèlement, le régime iranien a les mêmes ennemis que les Occidentaux : les salafistes-jihadistes et plus précisément Daech (le nébuleuse Al-Qaida qui partage la même idéologie politico-religieuse que Daech est moins agressive vis-à-vis des chiites).

C’est ainsi que le 3 janvier, deux kamikazes de Daech se sont fait exploser lors d’une manifestation commémorant la mort de Qassem Soleimani (3). Le bilan des morts (83) a été important même s’il a été revu à la baisse (103 annoncés initialement). Dans un communiqué, le groupe État Islamique a déclaré que les deux activistes ciblaient « des milliers de chiites qui pratiquaient des rituels chiites ». Qassem Soleimani était considéré par Daech comme leur adversaire principal en Irak et en Syrie car c’est lui qui avait coordonné la lutte des forces légalistes en leur apportant le soutien de Téhéran contre les avancées des salafistes-jihadistes.

Par ailleurs à la fin 2023, Daech a appelé au jihad contre les chrétiens et les juifs, notamment aux États-Unis et en Europe en « représailles » à la situation à Gaza. Ce discours dirigé contre « les juifs et les croisés » revient de manière régulière mais ses ennemis prioritaires de Daech restent les chiites et les dirigeants des pays musulmans considérés comme des apostats.

1. Voir : « Actions violentes au Liban et en Iran » du 4 janvier 2024.

2. Voir : « Escorte navale internationale en mer Rouge » du 2 janvier 2024.

3. Voir : « Actions violentes au Liban et en Iran » du 4 janvier 2024.

Publié le

Texte

Alain Rodier