Armand Rajabpour-Miyandoab, français d’origine iranienne a attaqué à l'aide d'un marteau et d'un couteau plusieurs passants le 2 décembre à Paris avant d’être interpelé par la police dans le XVIe arrondissement près du pont de Bir-Hakeim, vers 22 heures. Une personne a été tuée, et deux autres blessées. L'assaillant aurait hurlé « Allah akhbar » lors de l'attaque.

Dans sa vidéo d’allégeance de près de deux minutes, l’auteur présumé de cette action terroriste déclare : « on n’a pas oublié » mais aucune mention de la Palestine ou de Gaza n’est faite. Il se déclare comme un « soutien du califat de l’État islamique » et voue allégeance au calife Abou Hafs. Il affirme agir « pour venger les musulmans » et salue les jihadistes de l’EI dans toutes ses zones d’activité le citant une par une.

Le choix du lieu de son action aux pieds de la tour Eiffel est symbolique et certainement voulu. D’ailleurs, à l’étranger on s’inquiète de plus en plus de l’insécurité générale en France et des conséquences que cela pourrait avoir sur les Jeux Olympiques.

L’auteur de l’attaque

Armand Rajabpour-Miyandoab est né en 1997 en France de parents iraniens qui avait fuit le régime des mollahs. Il résidait à Puteaux.

Son prénom « Iman » a été changé par ses parents en « Armand » en 2003  alors qu’il n’avait que six ans.

Radicalisé au salafisme-jihadisme via le net en 2015 (l’année de deux attentats menés en France, l’un par Al-Qaida, l’autre par Daech) , il avait été interpelle par la DGSI le 29 juillet 2016 soupçonné vouloir commettre une action violente à l’aide d’une arme blanche à la Défense.

Condamné à cinq ans de prison – dont un avec sursis – pour association de malfaiteurs terroristes, il en était sorti en 2020 après quatre ans de détention.

Il avait été placé sous contrôle judiciaire et relevait du « dispositif Micas », une sorte de contrôle judiciaire visant à prévenir des actes de terrorisme.

Atteint de troubles psychiatriques, il avait suivi un traitement médical tout au long de sa détention et après sa sortie. Son cas correspondrait à celui d’une « personnalité pathologique de type schizoïde » qui n’altère pas sa responsabilité pénale personnelle.

En accord avec le corps médical, il aurait arrêté le traitement médicamenteux en 2022.

Fiché S, il était suivi à la DGSI en raison de sa dangerosité constatée en prison et son état de santé mental.

Selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, au moment de son interpellation par des policiers du 7e arrondissement, l’homme aurait déclaré qu’il ne supportait pas que des musulmans soient tués dans le monde, « en Afghanistan comme en Palestine », et que « la France est complice d’Israël ».

Selon des sources journalistiques, l’actualité récente en Israël pourrait l’avoir fait « décompenser ».

Des connexions terroristes

Lorsqu’il a été arrêté en 2016, Armand Rajabpour-Miyandoab était étudiant en biologie après avoir obtenu un baccalauréat scientifique. Il se serait converti et radicalisé en 2015 alors qu’il était au contact via le net avec Maximilien Thibaut.

Il avait rencontré ce dernier par l’intermédiaire d’un site web spécialisé dans les photos de graffitis, son hobby.

Maximilien Thibaut a été condamné en juillet 2015 à trois ans de prison dont deux avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, après avoir été interpelle en avril 2012 dans l’enquête sur le groupuscule islamiste Forsane Alizza.

Il a ensuite rejoint la zone irako-syrienne avec son épouse et leurs enfants. L’homme aurait été tué par l’armée irakienne.

Armand Rajabpour-Miyandoab, est soupçonné avoir tenté de rejoindre son ami en zone irako-syrienne.

Parmi ses contacts de l’époque figurent Larossi Abballa, le terroriste de Magnanville (Yvelines) qui a tué un couple de policiers en 2016 avant d’être abattu par la police mais également Adel Kermiche, l’un des auteurs de l’assassinat du père Hamel dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016.

Les enquêtes n’ont néanmoins pas fait apparaître d’implication d’Armand Rajabpour-Miyandoab dans ces deux attentats.

Ce dernier a affirmé aux enquêteurs de la DGSI en 2016 qu’il s’était auto-déradicalisé, aussi vite qu’il s’était radicalisé. Pourtant, sur les réseaux sociaux, le jeune homme vise les « kouffars » (mécréant) et menace la France sur Twitter. Il déclarait à propos de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016 : « j’ai encore des pensées noires, je reconnais que l’attentat de Nice ne m’a pas déplu et je trouve que ce qui arrive est normal, vu l’implication de la France dans le conflit syrien ».

Enfin, il connaissait Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, professeur tué le 16 octobre 2020 aux abords de son collège de Conflans-Sainte-Honorine.

Après le meurtre du prêtre, il s’était présenté de-lui-même à la police pour avouer qu’il avait eu des contacts avec l’assassin mais qu’il réprouvait totalement son action. Il avait alors été mis hors de cause.

L’idéologie salafiste-jihadiste motive les terroristes

Pour l’Islam, le monde se sépare  entre le Dar al-Islam ou « domaine de la soumission à Dieu » et Dar al-Harb, le « domaine de la guerre ».

Les pays où les musulmans sont majoritaires font partie du Dar al-Islam et les autres au Dar al-Harb.

Mais le monde musulman reste profondément divisé.

Pour les salafistes-jihadistes d’Al-Qaida et de Daech (qui à l’origine n’est qu’une branche dévoyée d’Al-Qaida en Irak), il convient de renverser tous les gouvernants des pays du Dar al-Islam car ils les considèrent comme des apostats (des traitres à l’islam).

Mais l’Afghanistan avec les talibans au pouvoir pose problème au sein même de la mouvance salafiste-jihadiste. Si Al-Qaida est officieusement du côté des talibans à Kaboul, Daech a déclenché le jihad contre eux…

Plus généralement, Al-Qaida et Daech, malgré leur même idéologie politico-religieuse s’affrontent sur tous les terrains où ils sont présents.

Par contre, ces deux mouvements sont radicalement opposés aux chiites donc au pouvoir en place à Téhéran.

Les dirigeants des pays musulmans s’opposent également directement aux salafistes-jihadistes car ils connaissent leur volonté de les renverser. Ils jouent leur survie personnelle.

Par contre, il semble qu’une partie croissante de ce que l’on nomme improprement la « rue arabe » (les Arabes ne sont pas majoritaires dans le monde musulman) est séduite par l’idéologie salafiste-jihadiste.

La « cause palestinienne » représentée par le Hamas, le Jihad islamique palestinien (JIP) et d’autres groupuscules est pour l’instant un peu à part. Si leur idéologie est le jihadisme visant à la disparition de l’État hébreu, il s’accompagne d’un « nationalisme » que rejettent les salafistes-jihadistes dont le but est l’établissement d’un « califat mondial ». De plus, les mouvements palestiniens ne sont pas hostiles à l’Iran chiite qui leur apporte aide et assistance dans la lutte contre l’ennemi commun : Israël.

Le cas d’Armand Rajabpour-Miyandoab est complexe. Issu d’une famille iranienne non pratiquante qui avait fuit Téhéran, il s’était radicalisé au salafisme-jihadisme en 2015 sans doute sous l’influence de Maximilien Thibaut.

Ce qui semble assuré, c’est qu’ensuite il a habilement caché son jeu appliquant l’art de la dissimulation (la taqîya) pour faire croire à sa sortie de prison qu’il n’était plus radicalisé.

L’enquête de flagrance qui a été ouverte pour « assassinat et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation de crimes d’atteinte aux personnes » va tenter de déterminer s’il a agi seul comme cela semble être probable pour l’instant, ou sous influence extérieure. Si c’est le cas, il faudra voir si elle était « nationale », son action pouvant alors être qualifiée d’« endogène », ou venait de l’étranger ce qui serait encore plus inquiétant.

Selon l’AFP, quelques 5.200 personnes sont connues pour radicalisation en France. 1.600 personnes sont particulièrement surveillées par la DGSI. 20% de ces 5.200 personnes seraient atteintes de troubles psychiatriques.

Pour le ministre de l’Intérieur, la France est « durablement sous le coup de la menace islamiste radicale ». Le lendemain de l’attaque, il a adressé un télégramme aux préfets leur demandant une « extrême vigilance » lors de Hanouka, la fête juive des lumières qui va durer du 7 au 15 décembre. Ensuite, il y aura les fêtes de Noël et de fin d’année puis les JO en 2024…

L’attaque est survenue moins de deux mois après celle qui avait vu l’assassinat du professeur de philosophie Dominique Bernard le 13 octobre 2023 au sein du groupe scolaire Gambetta-Carnot à Arras (il y avait eu trois blessés). L’assaillant d’origine ingouche, Mohammed Mogouchkov, âgé de 20 ans et son frère cadet âgé de 16 ans, avaient été arrêtés.

Le plan Vigipirate a alors été relevé au niveau maximal : « urgence attentat ».

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Texte

Alain Rodier