Le 26 novembre, Maryana Volodymyrivna Bezuhla, une députée du parti populaire ukrainien (née en 1988) présidente du sous-comité de la défense et du renseignement, s’en est pris vertement dans un écrit au commandant en chef des forces militaires ukrainiennes, le général Valeri Zaloujny.

Ainsi en novembre 2023, elle a affirmé : « Oui, le commandant en chef des forces armées ukrainiennes n’a pas été en mesure de fournir un plan pour 2024. Ni grand ni petit, ni asymétrique ni symétrique. L’armée a simplement dit qu’elle devait recruter au moins 20.000 citoyens par mois ».

Selon elle, « ce problème s’est accentué au cours de l’été, tant au gouvernement qu’au Parlement lors de la planification du budget 2024 ».

Elle a ajouté : « ces discussions n’étaient pas publiques, mais la tension est montée et maintenant la situation est telle que si les dirigeants militaires ne peuvent présenter aucune idée pour 2024 et que toutes leurs propositions de mobilisation se résument au fait qu’il faut plus de recrues sans la moindre proposition de changements au système des Forces armées ukrainiennes, alors ces dirigeants doivent partir ».

Au moment ou les autorités politiques et militaires ukrainiennes traversent une période de flottement, cette sortie très médiatisée est venue rajouter à l’ambiance délétère qui est de mise pour l’instant  à Kiev. À noter qu’un député russe a rajouté son grain de sel en suggérant de négocier directement avec le général Valeri Zaloujny…

En effet, de nombreux incidents bizarres se déroulent depuis quelques semaines en Ukraine (1).

Le dernier en date est l’empoisonnement il y a une semaine de Marianna Boudanova, l’épouse du Kyrylo Boudanov, le chef du renseignement militaire ukrainien à l’aide de « métaux lourds, notamment mercure et arsenic ». D’autres collaborateurs du responsable des services de renseignement (qui selon les autorités aurait déjà été ciblé à de nombreuses reprises par les Russes) auraient aussi été intoxiqués. La piste de l’empoisonnement de nourriture est investiguée.

Les déclarations de Bezuhla ont entraîné une levée de boucliers au sein du monde politique ukrainien.

Ainsi, la députée « Solidarité européenne », Iryna Friz, a annoncé qu’elle demandait à ce que Mariana Bezuhla soit démise de son poste de responsable du sous-comité sur la surveillance et le contrôle civils démocratiques au sein du Parlement (Verkhovna Rada).

Elle a souligné que les politiciens devraient « contrer non seulement l’ennemi extérieur, mais aussi la déstabilisation interne » et cesser de discréditer l’armée.

Encore plus radicale, Liudmyla Buimister, députée de la majorité présidentielle a déposé une plainte auprès du Bureau du Procureur général pour qu’il lance des poursuites pénales pour « trahison » et « espionnage » contre  Mariana Bezuhla.

Cette dernière est réputée pour ne pas être une « tendre ». Ainsi, le 5 mai 2022, elle avait soumis un projet de loi au parlement qui devait permettre dans une situation de combat aux commandants militaires d’exécuter leurs subordonnés s’ils refusaient de suivre leurs ordres.

La loi martiale stipulait déjà que les chefs militaires pouvaient utiliser des armes contre les « récalcitrants » mais « sans conduire à la mort d’un militaire ». Le projet de loi de Bezuhla devait supprimer cette phrase mais il a été si controversé qu’il a fini par être retiré le 24 mai 2022.

 

1. Voir : « Troubles dans le haut commandement ukrainien » du 8 novembre 2023.

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Texte

Alain Rodier