Le Président ukrainien Volodymyr Zelensky demande constamment à l’étranger plus d’armes (si possible plus modernes) et d’avantage de munitions.

Même s’il n’a pas obtenu satisfaction sur de nombreux points, en particulier pour les missiles sol-sol longue portée et surtout pour les chasseurs F-16, il est confronté à un problème encore plus grave sur le plan national qui représente un risque majeur : le manque de ressources humaines.

En effet, la guerre approche de la fin de sa deuxième année et l’armée ukrainienne a besoin de plus de main-d’œuvre pour soutenir une guerre sanglante d’usure contre la Russie, un pays qui est trois à quatre fois plus peuplé – cela dépend des statistiques – que l’Ukraine (Ukraine, 43 millions d’habitants mais il n’en resterait aujourd’hui que 23 millions dans le pays ; Russie, 143 millions d’habitants).

Le chef d’état major ukrainien, le général Valeri Zaluzhny, a reconnu dans un rapport rendu public (cette publication aurait rendu furieux le président Zelinsky) que le recrutement et l’entraînement des troupes devenait un problème sérieux : « la nature prolongée de la guerre, les possibilités limitées de rotation des soldats sur la ligne de contact, les lacunes de la législation qui semblent permettre d’échapper juridiquement à la conscription, réduisent considérablement la motivation des citoyens à servir dans l’armée ».

Le général Zanulsky est le mieux placé pour savoir que  l’Ukraine a besoin de plus de personnes sous l’uniforme, et qu’elle en a besoin maintenant.

En effet, les troupes de première ligne qui ont montré une vaillance qui a suscité l’admiration de tous, sont aujourd’hui pour la plupart exténuées. Elles devraient être relevées même dans la période défensive qu’elles connaissent après l’échec de la contre offensive débutée en juin. De plus, si au printemps prochain Kiev envisage de repartir à l’assaut pour bouter l’ennemi russe hors de son territoire, il lui faudra de nouvelles forces fraîches.

De toutes façons, Moscou après les nombreuses erreurs de 2022-début 2023, paraît avoir réorganisé son dispositif et sa stratégie tout en regarnissant ses unités en  hommes et en matériels. À partir du moment où le rapport de forces sera jugé suffisant, le risque d’une grande offensive russe n’est pas à exclure, même peut-être dès cet hiver. Il faudra à Kiev les hommes nécessaires pour casser l’effort russe.

L’armée ukrainienne approvisionne ses rangs en faisant appel à des volontaires mais dispose aussi d’un système de conscription qui permet à l’État de faire appel aux citoyens en âge de servir dans l’armée.

Tous ceux qui voulaient servir volontairement se sont engagés depuis le début de la guerre. Le salaire mensuel peut aller – selon la spécialité et le rang – de l’équivalant de 550 dollars jusqu’à 2.750 dollars.

Après l’invasion russe de 2022, Kiev a proclamé la loi martiale en vertu de laquelle tous les hommes âgés de 18 à 60 ans ont été considérés comme susceptibles d’être appelés sous les drapeaux sauf s’ils bénéficiaient d’une dispense (santé, études, etc.). La loi martiale a introduit des restrictions de déplacements draconiennes. Les hommes âgés de 18 à 60 ans sont généralement empêchés de quitter le pays bien qu’il existe là aussi un large éventail d’exemptions possibles allant des parents célibataires ayant de jeunes enfants jusqu’aux aux athlètes professionnels.

Le porte-parole du Service du contrôle des frontières, Andriy Demchenko, a déclaré le 9 novembre qu’au cours des dix derniers mois, 43 000 citoyens ukrainiens s’était vus refuser le droit de quitter le pays. Mais il y en a qui réussissent encore à passer (1).

Selon Eurostat, 650.000 Ukrainiens de sexe masculin en âge de servir vivent actuellement dans l’Union européenne dont 190.000 en Allemagne. Si certains sont arrivés en tant que réfugiés, d’autres sont entrés avec des faux papiers. Leur nombre réel pourrait être plus élevé.

En 2023, les règles d’enregistrement militaire ont permis d’inclure les femmes mais si la guerre se poursuit comme maintenant, il n’y aura plus aucun moyen d’éviter la conscription obligatoire.

Comme c’est le cas dans de nombreux conflits, il y a une différence, pour ne pas dire une animosité, entre le « front » et l’« arrière ». Les civils sont devenus très « détendus ». Jusqu’à ce qu’il y ait une alerte aérienne sur leur ville, les gens ont tendance à oublier que leur pays est en guerre. Alors, pourquoi aller la faire ?

Les volontaires se font de moins en moins nombreux et ceux qui le peuvent, tentent d’échapper à leur convocation ou tentent de fuir à l’étranger. Pour mémoire, le président Zelinsky a licencié tous les chefs des bureaux de recrutement en raison de doutes sur leur probité.

La raison souvent invoquée pour échapper à l’enrôlement est la suivante : un civil qui travaille est plus utile dans son emploi qui nourrit le PIB de l’Ukraine que sur le front.

Bien que ne nombre de victimes relève du secret d’État (en Ukraine comme en Russie), toutes les familles ukrainiennes sont impactées ayant perdu un proche ou des connaissances dans cette guerre qui semble sans fin.

Même si la haine de l’agresseur russe est toujours, l’enthousiasme des hommes en âge de servir – et de leurs familles – commence à sérieusement s’éroder.

Quant aux volontaires étrangers, c’est une autre histoire car ils peuvent facilement résilier un contrat contrairement aux Ukrainiens. Les raisons pour venir s’engager dans la Légion internationale sont multiples et variées : l’idéologie, l’appât du gain, la soif d’aventure, parfois les trois mélangés. Mais constatant l’horreur du front et les risques d’être tués ou estropiés, beaucoup renoncent rapidement. Tout le monde ne s’appelle pas Malraux, Hemingway ou Bob Denard…

À un moment ou à un autre, il faudra que cette guerre s’arrête, peut-être « faute de combattants ».

 

1. Voir : « Déserteurs en Ukraine » du 13 juin 2023

Publié le

Texte

Alain Rodier