Après avoir mené deux reconnaissances offensives la semaine dernières et après avoir notablement intensifié ses bombardements sur la bande de Gaza le 27 octobre, Tsahal a lancé son opération générale contre le mouvement terroriste Hamas dans la nuit du 27 au 28 octobre.

Conférence de presse conjointe du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du ministre de la Défense Yoav Gallant et de Benny Gantz (opposition), ministre au sein du cabinet de guerre.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré lors d’une conférence de presse le 28 octobre soir : « la guerre dans la bande de Gaza sera longue et difficile et nous y sommes prêts » et que Tsahal « détruira l’ennemi sur terre et sous terre » en faisant référence au réseau de tunnels souterrains qui courent sous Gaza. Pour lui, est lancée « la deuxième étape de la guerre, dont l’objectif est clair: détruire les capacités militaires et la direction du Hamas; ramener les otages à la maison ».

Le chef d’état-major de Tsahal, le général Herzi Halevi a explicité les buts militaires de l’opération en déclarant : « … trois semaines se sont écoulées depuis le début de la guerre. Cette guerre a des étapes, et nous sommes entrés aujourd’hui dans une nouvelle phase […]

« Nos forces mènent actuellement des opérations terrestres dans la bande de Gaza… qui servent à atteindre tous les objectifs de la guerre : démanteler le Hamas, la sécurité aux frontières et les efforts les plus importants pour ramener tous les otages chez eux […] Les objectifs de la guerre exigent une entrée au sol. Il n’y a pas de réalisations sans risques, et il n’y a pas de victoire sans que les prix soient payés […] Le Hamas tient aujourd’hui des innocents – des bébés, des enfants, des femmes, des hommes et des personnes âgées – […] Nous ferons tout pour les récupérer »…

Selon un analyste militaire israélien : « Le Hamas dispose deux atouts : des réserves (munitions, carburants, vivres) qui lui permettront de tenir longtemps même assiégé, et il protège ses ressources les plus précieuses dans des tunnels partiellement à l’abri des munitions tirées à distance ». Toujours selon la même source : « Tsahal va chercher à détruire le système de pouvoir qui assure la domination du Hamas sur Gaza dans divers domaines (politique, économique et social). Ce potentiel a déjà été entamé par la campagne aérienne intense et par le blocus, qui ont débuté au lendemain de l’attaque (du 7 octobre) […] L’objectif final de Tsahal sera de détruire les capacités de commandement, de combat, d’entrainement, de logistique et de production du Hamas, du Jihad islamique, ainsi que celles d’autres groupes armés terroristes […] ce qui prendra plusieurs mois, au moins ».

L’intensification des bombardements a coïncidé avec une coupure des communications et internet isolant un peu plus Gaza (le réseau aurait été rétabli le 29 octobre).

Depuis le 9 octobre, Israël avait imposé un « siège total » de l’enclave palestinienne coupant les approvisionnements en eau, électricité et nourriture alors que le territoire où s’entassent 2,4 millions d’habitants était déjà soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis 2007. Quelques 127 camions d’aide humanitaire avaient pu entrer dans Gaza depuis l’Egypte à partir du le 21 octobre. Le problème est qu’une partie des chargements a été pillée par la population en colère.

Le 29 octobre, le président Joe Biden a appelé Benjamin Netanyahu «  soulignant la nécessité d’augmenter immédiatement et considérablement le flux d’aide humanitaire ».

L’armée israélienne a appelé les civils du nord de Gaza « à se déplacer temporairement au sud du Wadi Gaza, vers une zone plus sûre où ils pourront recevoir de l’eau, de la nourriture et des médicaments ». Pour mémoire, les Palestiniens de Gaza sont interdits d’entrée en Égypte et aucun autre pays n’a proposé de les accueillir…

Le Hamas qui s’est imposé au pouvoir à Gaza depuis 2007, affirme que plus de 8.000 Palestiniens ont péri sous les bombardements israéliens depuis le début des affrontements. Il a ajouté qu’un « grand nombre » sont encore décédés ce week-end lors de frappes aériennes sur deux camps de réfugiés dans le nord de Gaza.

Malgré l’offensive israélienne, les tirs de roquettes depuis Gaza se poursuivent. Le commandement israélien avait mis en garde les habitants des villes d’Ashdod et d’Ashkelon, dans le sud d’Israël, contre des tirs de missiles et de roquettes.

Cette opération avait été décidée après que des activistes du Hamas aient mené un raid le 7 octobre  contre les colonies juives entourant la bande de Gaza massacrant 1.400 personnes, majoritairement des civils. Plus de 230 otages auraient été ramenés à Gaza en prévision de négociations futures mais aussi pour servir de boucliers humains contre les frappes israéliennes qui allaient immanquablement suivre.

Selon les services de renseignement israéliens, ce raid avait été préparé longtemps à l’avance, peut-être depuis plus de deux ans.

Il semble que les autorités israéliennes s’étaient endormies derrière la sécurité assurée par les barrières physiques et technologiques qui entouraient l’enclave palestinienne. De plus, aucun signal d’alerte n’était venu briser la quiétude sécuritaire générale, les observateurs se concentrant surtout sur les manifestations monstres anti-Netanyahu.

Même l’ensemble des pays ayant des intérêts sur zone (Russie, Chine, États-Unis, Europe …) n’ont rien vu venir.

Enfin, les avertissements envoyés à la fin septembre depuis le Caire comme quoi il se passait quelque-chose d’inquiétant à Gaza ne sont pas remontés au plus haut niveau ou ils n’ont pas été pris au sérieux, ce qui est un classique en matière de renseignement.

Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, a déclaré le 28 octobre être prêt « à immédiatement conclure un échange pour faire libérer tous les prisonniers dans les prisons de l’ennemi sioniste contre tous les otages ».

Une « victoire » du parrain iranien du Hamas ?

La crise déclenchée par le raid du 7 octobre semble surtout être un « succès » pour le parrain iranien du Hamas qui voyait avec inquiétude une «  normalisation » se mettre en place au Proche et Moyen-Orient autour d’Israël. Il convenait de « casser » par tous les moyens cette évolution historique qui finirait par réunir des plus importants ennemis régionaux des mollahs au pouvoir Téhéran : Israël et l’Arabie saoudite.

Et c’est pour cette raison que les atrocités commises par les terroristes du Hamas – dûment filmées – étaient préméditées pour le laisser qu’un seul choix à Israël : la réaction violente.

La suite était prévue (et discrètement orchestrées) : aux yeux des populations musulmanes (et de nombre d’Occidentaux), l’« agresseur massacrant des civils » était le « sioniste ». Le piège était refermé…

Depuis, l’enchaînement inexorable des évènements pousse les dirigeants à faire des choix qui rompent avec l’ambiance plutôt pacifique des dernières années – du moins avec Israël -.

Le premier, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a qualifié Israël de « criminel de guerre » et accusé l’Occident d’être « le principal coupable des massacres à Gaza ». Les relations diplomatiques qui s’étaient progressivement réchauffées entre les deux pays sont désormais revenues au point mort (et pourraient être officiellement rompues dans un proche avenir). Exit la nouvelle entente Israël-Turquie… Pour mémoire, après avoir dirigé une manifestation « antisioniste » contre Israël le 28 octobre, Erdoğan présidé le lendemain la création de l’État laïque turc par Mustapha Kemal Atatürk sans noter la moindre contradiction…

De son côté, l’Arabie saoudite a dénoncé une violation « injustifiée » du droit international tout en tentant de rester un peu mesurée mais les efforts du prince Mohamed Ben Salmane (MBS) pour se rapprocher de l’État hébreu seront vraisemblablement remis à plus tard, en tous cas après la fin de la guerre qui vient de débuter.

Oman accuse Israël de « crimes de guerre ».

La Jordanie – qui a pourtant signé la paix avec Israël en 1994 – est en pointe du combat diplomatique. Il est vrai que la moitié de sa population est d’origine palestinienne.

L’université Al-Azhar du Caire a appelé les musulmans à aider les Palestiniens avec des armes et des fonds. Le grand imam Ahmed el-Tayeb a également déclaré que l’Occident, malgré ses armes et sa puissance, était faible et aurait peur d’affronter les musulmans dans un combat. Il a évoqué la Somalie et l’Afghanistan comme preuve que les musulmans peuvent gagner contre l’Occident.

La « cause palestinienne » est revenue en force en Occident et en particulier en Europe. Elle met les dirigeants dans une position très délicate car les risques de débordements insurrectionnels sont réels même si cette même « cause » n’est que le prétexte pour les révolutionnaires de tous poils de descendre dans la rue.

Un fait extrêmement grave, une haine entre communautés est en train de revenir à la surface. Elle peut être la source de la résurgence des pires abominations que les citoyens occidentaux ne connaissaient plus (il faut dire que l’étude de l’Histoire n’est plus à la mode depuis des années et que le public ne s’intéresse pas vraiment à ce qui se passe en dehors de son environnement proche).

À son habitude, le Qatar joue les « monsieur bons offices ». Même le conseiller à la sécurité nationale d’Israël a déclaré : « Je suis heureux de dire que le Qatar est en train de devenir un acteur essentiel dans la facilitation des solutions humanitaires ». Tout comme les négociateurs talibans s’étaient vus attribuer un bureau à Doha sur la suggestion de Washington, de même les responsables du Hamas avaient trouvé refuge au Qatar après avoir été chassés de Damas en 2012 alors que la Syrie était en proie à la guerre civile. Pour une fois, le Hamas n’avait pas respecté les consignes de Téhéran. Il en a payé le prix durant de longues années, les financements ne revenant progressivement qu’à partir de 2014/15…

Mais le fait que Téhéran soit parvenu à son objectif de déstabiliser le camp arabo-musulman (mais aucun pays ayant des relations diplomatique avec Israël ne les a encore coupé) laisse à penser qu’un embrasement régional n’est pas d’actualité immédiate. Il serait étonnant que l’Iran grille inutilement ses autres pions que sont le Hezbollah libanais, le régime de Bachar el-Assad, et les milices chiites irakiennes, syriennes, afghanes et pakistanaises présentes sur place.

D’ailleurs, à titre d’avertissement de dissuasion, les Israéliens redoublent les bombardements ponctuels d’objectifs militaires en Syrie et les Américains commencent à s’y associer directement.

Par contre, la deuxième menace existentielle pour Israël est due à la tension très vive qui se développe en Cisjordanie où plus de 100 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens depuis le 7 octobre.

Article à venir sur la situation sur le terrain (en ce moment trop confuse pour être détaillée).

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Texte

Alain Rodier