Pékin a officiellement démis Li Shangfu de ses fonctions de ministre de la défense après qu’il ne soit pas apparu en public depuis août 2023.

Aucune explication n’a été donnée quant à son éviction et aucun remplaçant n’a été désigné.

Son limogeage fait suite à la mise sur la touche de plusieurs hauts responsables politiques et militaires, dont celle de Qin Gang qui a été démis de ses fonctions de ministre des Affaires étrangères en juillet.

Qin et M. Li ont également été démis de leurs fonctions au Conseil d’État, le ministère du pays le 24 octobre.

Selon la chaîne de télévision publique CCTV, le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale a approuvé la destitution des deux responsables.

Le limogeage de Li laisse la Chine sans ministre de la Défense alors qu’elle se prépare à recevoir des responsables étrangers de la défense à Pékin cette semaine.

L’agence de presse Reuters avait rapporté le mois dernier qu’il faisait l’objet d’une enquête pour corruption présumée liée à l’achat et au développement d’équipements.

Li avait été aperçu pour la dernière fois en public le 29 août, lors d’un forum sur la sécurité à Pékin avec les pays africains.Il n’occupait son poste que depuis mars 2023.

Ingénieur aérospatial ayant débuté sa carrière dans un centre de lancement de fusées et de satellites, Li a connu une ascension fulgurante dans les rangs de l’élite militaire et politique chinoise.

En juillet, l’unité des achats de l’armée a publié un avis indiquant qu’elle cherchait à « nettoyer » son processus d’appel d’offres. Les membres de cette unité ont été invités à signaler les irrégularités remontant à octobre 2017, lorsque Li était à sa tête (il a été à sa tête jusqu’en 2022).

Interrogé le mois dernier par des journalistes sur le sort de deux autres anciens hauts responsables militaires qui n’avaient pas été récemment vus en public et s’ils faisaient l’objet d’une enquête, un porte-parole du ministère de la Défense a déclaré que l’armée avait une « tolérance zéro pour la corruption », sans nier la possibilité qu’ils aient fait l’objet d’une enquête. Il a ajouté : « Nous devons toujours alerter, enquêter sur chaque cas, punir chaque cas de corruption et gagner résolument la dure et longue bataille contre la corruption ».

En 2018, alors qu’il dirigeait la branche de développement d’équipements de l’armée, Li avait été sanctionné par Washington pour des achats chinois d’avions de combat et d’armes russes. Les sanctions étaient telles que le général Li avait refusé de rencontrer son homologue américain Lloyd Austin lors d’un sommet sur la défense à Singapour plus tôt en 2023.

Parallèlement, Qin Gang avait été officiellement démis de ses fonctions de ministre chinois des Affaires étrangères, sept mois seulement après son entrée en fonction en juillet 2023. Il était considéré comme un proche du président Xi Jinping.

Aucune raison n’a été donnée pour son renvoi mais le Wall Street Journal a écrit qu’il avait eu une liaison extraconjugale alors qu’il était ambassadeur aux États-Unis avec Fu Xiaotian, l’une des journalistes les plus en vue de la télévision chinoise, qui s’est aussi volatilisée.

Ces mesures posent question  sur les changements brusques de leadership en Chine à un moment où l’économie a du mal à se remettre des fermetures strictes liées à la pandémie et où ses relations avec les États-Unis se sont encore détériorées ces derniers mois.

Li et Qin étaient tous deux considérés comme triés sur le volet par le président Xi Jinping, ce qui rendait leur absence après moins d’un an de fonction particulièrement étonnante.

Les deux hommes faisaient partie des cinq « conseillers d’État » chinois, un poste dépassant celui d’un simple ministre ordinaire.

La disparition de hauts fonctionnaires ou d’autres personnalités éminentes en Chine, n’est toutefois pas un phénomène rare. Dans le passé, il y a déjà eu plusieurs cas similaires, les autorités révélant souvent après plusieurs mois que les personnes disparues étaient soupçonnées de « crimes ». Un phénomène qui a encore augmenté dans le cadre d’une campagne lancée par le président Xi contre la corruption publique.

 

L’un des cas les plus notables est celui du président d’Interpol de l’époque, Meng Hongwei , disparu en 2018 alors qu’il venait visiter son pays natal. Plus tard, on avait appris qu’il avait été arrêté car soupçonné d’avoir accepté des pots-de-vin. Il avait par la suite été condamné à 13,5 ans de prison.

Dans une autre affaire largement médiatisée en 2021, la joueuse de tennis Feng Shui – l’une des plus grandes stars du sport chinois – avait disparu après la publication d’un article dans lequel elle accusait le vice-Premier ministre chinois de l’avoir agressée sexuellement. Deux semaines plus tard, elle était réapparue, affirmant qu’elle allait bien et revenant sur ses accusations ».

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Texte

Alain Rodier