Le ministère azéri de la Défense déclare avoir lancé des opérations « antiterroristes » le 19 septembre dans le Haut-Karabakh qui, légalement, lui appartient mais qui est peuplé majoritairement d’Arméniens.

Toujours selon la même source, ces opérations seraient destinées à «désarmer et assurer le retrait des formations des forces armées arméniennes de nos territoires, [et] neutraliser leurs infrastructures militaires […]  seules des cibles militaires légitimes sont neutralisées par l’utilisation d’armes de haute précision mais cela n’exclut pas le risque de pertes collatérales ». Les civils sont invités à s’éloigner des installations militaires dans la zone.

Au soir du 19 septembre, les forces azéries se seraient emparées de plus de 60 postes militaires et détruit jusqu’à 20 véhicules et autres matériels.

Pour sa part, le médiateur des droits humains du Karabakh a déclaré que 29 personnes dont deux civils avaient été tuées.

Le prétexte initial avancé par Bakou pour le déclenchement des hostilités est l’explosion sur une mine d’un de leurs véhicules dans la région de Khojavand qui avait été reprise pendant la guerre de 2020. Onze Azéris dont des policiers auraient été tués dans l’explosion (photo ci-après).

Enfin, Bakou a accusé les forces arméniennes – basées sur territoire arménien –  de « bombardements systématiques » de ses positions militaires, ce que dément Erevan.

Dans un bref discours télévisé, le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a rejeté les allégations selon lesquelles son armée était impliquée et a accusé l’Azerbaïdjan d’avoir lancé une « opération terrestre visant au nettoyage ethnique des Arméniens du Karabakh ».

Les responsables de la défense de la région séparatiste ont déclaré que l’armée azérie avait « violé le cessez-le-feu sur toute la ligne de contact avec des frappes de missiles et d’artillerie ». D’autres représentants du Karabakh ont parlé d’une « offensive militaire à grande échelle ».

 

Historique

L’Azerbaïdjan et l’Arménie, sont entrés en guerre à deux reprises pour le Haut-Karabakh, d’abord au début des années 1990 après la chute de l’Union soviétique et de nouveau en 2020.

Lors de cette dernière, l’Azerbaïdjan a reconquis les territoires du Karabakh et de ses environs détenus par l’Arménie depuis 1994.

On estime à 120 000 le nombre d’Arméniens de souche habitant cette enclave montagneuse.

L’Azerbaïdjan a mis en place un blocus en décembre 2022 interdisant la seule route d’accès depuis l’Arménie : de couloir de Latchine.

Mais Bakou avait autorisé en début de semaine l’aide du Comité international de la Croix-Rouge au Karabakh à passer par deux routes, l’une via le couloir de Latchine depuis l’Arménie et l’autre par la route d’Aghdam en Azerbaïdjan (voir carte ci-après).

Objectif de Bakou

Le spécialiste de la région, Laurence Broers (attaché de recherches à la School of Oriental and African Studies de Londres et chercheur associé au Royal Institute for International Affairs) a déclaré le 19 septembre que la population arménienne du Karabakh avait été affaiblie par le blocus et que l’opération militaire de Azerbaïdjan avait été lancée « apparemment pour reprendre le Karabakh à population arménienne dans son intégralité ».

D’ailleurs, Hikmet Hajiyev, conseiller spécial du président azéri Ilham Aliyev, a appelé l’administration séparatiste arménienne à « se dissoudre ».

Enfin, l’agence de presse officielle azérie a cité les propos de l’administration présidentielle selon lesquels l’Azerbaïdjan poursuivrait l’opération « jusqu’à la fin » à moins que les « unités militaires arméniennes » ne se rendent en déposant leurs armes.

Le jeu compliqué de Moscou

Quelque 3.000 soldats de maintien de la paix russes ont été déployés pour surveiller le cessez-le-feu de 2020, mais l’attention de Moscou a été détournée par son invasion à grande échelle de l’Ukraine.

Le ministère russe des Affaires étrangères russe  a déclaré qu’il avait été averti de l’offensive azerbaïdjanaise quelques minutes à l’avance et a exhorté les deux pays à respecter le cessez-le-feu signé après la guerre de 2020.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que la Russie avait contacté les deux parties pour les exhorter à reprendre les négociations.

Moscou, qui mène sa propre guerre contre l’Ukraine voisine, cherche à préserver son influence face à l’activité accrue de la Turquie, qui soutient l’Azerbaïdjan.

D’ailleurs, le ministère turc des Affaires étrangères a défendu Bakou, affirmant que l’Azerbaïdjan avait été contraint de prendre des mesures sur son territoire souverain du Nargorno-Karabakh après que ses inquiétudes n’aient pas été apaisées à la suite du conflit de 2020 avec l’Arménie.

La rumeur court que Moscou serait enchanté que le Premier ministre arménien  Nikol Pashinyan considéré comme trop pro-occidental quitte le pouvoir à l’occasion de cette dernière crise.

Réactions en Arménie

Dans la capitale arménienne Erevan, des manifestants se sont rassemblés pour dénoncer la gestion de la crise du Karabakh par le Premier ministre Pashinyan et exiger sa démission…

Les manifestations ont eu lieu après qu’il ait dénoncé les appels à un « coup d’État » alors que l’Azerbaïdjan avait lancé son opération militaire.

Le Conseil de sécurité arménien a mis en garde contre « un réel danger de troubles massifs en République d’Arménie » à la suite des troubles.

Réactions internationales

Les États-Unis ont déclaré qu’ils poursuivaient une diplomatie de crise face à ce qu’ils considéraient comme une flambée particulièrement dangereuse.

L’Union européenne, la France et l’Allemagne ont condamné l’action militaire de l’Azerbaïdjan, appelant à la reprise des négociations sur l’avenir de la région.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté à un « arrêt immédiat des combats » au Nagorny Karabakh ».

D’ailleurs Paris réclame une réunion « d’urgence » du Conseil de sécurité pour prendre acte d’une offensive « illégale » et « injustifiable » menée par Bakou au Nagorny Karabakh.

 

 

1. Voir : « Azerbaidjan – Arménie – Kurdistan irakien, un problème international » du 7 septembre 2023.

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