Depuis le début juin, le front ukrainien connaît un regain d’activités. Parfois, les forces ukrainiennes progressent de quelques kilomètres puis les Russes reprennent les portions de terrain perdu. Mais tous les combats se déroulent toujours dans la zone grise devant les principales lignes de défense russes. D’excellents analystes comme le général (2s) Kempf ou le colonel (er) Goya (et d’autres) décrivent très précisément les mouvements des deux parties.

Pour résumer, il y aurait quatre principaux axes d’attaque (c/f carte ci-après) :

– depuis Orikhiv (qui semble être une zone de concentration de troupes ukrainiennes importante) vers Tokmak au sud

– du centre vers Velyka Novosilka au sud ;

– toujours du centre vers Marinka en direction de Donesk à l’est ;

– vers Bakhmut au nord.

Les troupes ukrainiennes ont capturé les villages de Blagodatnoye et Neskuchnoe, dans le sud-est de l’oblast de Donetsk ainsi que Makarivka dans le centre-nord de l’oblast de Zaporizhzhia. Pour preuve, les forces ukrainiennes ont publié des vidéos sur Twitter que CNN a ensuit géolocalisées (c/f image ci-dessous).

Précédemment, le village de Lobkove avait été capturé par les forces ukrainiennes, mais elles avaient du abandonner les positions conquises en raison des  importants bombardements russes.

À Robotino, les forces russes s’étaient repliées vers leur deuxième ligne de positions avancées plus près de la ville, puis elles ont repris les positions perdues avant que les Ukrainiens ne reviennent à la charge une deuxième fois. Les affrontements perdurent dans la zone grise…

Mais les Ukrainiens n’ont toujours pas atteint la localité de Robotino et ils mènent une bataille difficile en terrain découvert à travers les champs de mines russes et pourraient devoir se replier une deuxième fois sur leurs positions d’origine.

Les forces ukrainiennes ne semblent pas avoir déminé avant l’attaque, en particulier avec des tirs d’artillerie. Des véhicules démineurs progressent devant les colonnes blindées mais ces dernières constituent alors des cibles de choix pour les tirs directs et les bombardements russes.

D’une certaine manière, cela ressemble aux colonnes blindées russes qui ont subi des pertes catastrophiques provoquées par les armes anti-char ukrainiennes au début de la guerre. Cette histoire semble de répéter pour les Ukrainiens.

Pour mener à bien une offensive, la partie attaquante doit s’assurer de la supériorité aérienne et de l’artillerie afin de pouvoir protéger ses opérations de déminage et ses concentrations de troupes.

Et en même temps, elle doit détruire les structures de commandement, les centres de transmissions et logistiques des défenseurs.

Enfin, lorsque l’assaut est lancé afin d’assurer une percée, leur supériorité aérienne et d’artillerie peut être utilisée pour neutraliser autant que possible les premières lignes et ralentir les mouvements des réserves ennemies. Cela est crucial  si l’adversaire dispose d’importantes réserves et d’une défense en profondeur.

Sur le front de Zaporizhzhia, la situation est très défavorable à l’offensive ukrainienne car tous les avantages paraissent être du côté russe. En dehors d’une surprise stratégique comme lors de l’offensive de Kharkiv à l’automne 2022, cette option peut paraître téméraire.

Plus généralement, la « grande offensive ukrainienne a des chances d’aboutir si plusieurs conditions sont remplies.

1/ Les armes fournies par l’Occident doivent être très supérieures à celles des Russes.

2/ Les combattants formés à l’Ouest doivent être mieux instruits et entraînés que leurs homologues russes.

3/ Le moral russe doit être au plus bas.

Pour l’instant, rien ne semble venir corroborer ces hypothèses en dehors de la supériorité ukrainienne reconnue par Moscou dans les domaines du combat de nuit et de la guerre électronique grâce aux matériels modernes fournis par les Occidentaux.

De nombreux stratèges occidentaux avaient anticipé une forte résistance initiale des Russes. Mais ils s’imaginaient qu’après quelques jours de combats et des avancées d’environ 6-8 km, ils pourraient assister à un effondrement croissant du moral russe qui provoquerait une débandade permettant de réaliser les véritables percées stratégiques.

Or, en une dizaine de jours d’affrontements, les combats se déroulent toujours dans la zone grise et la défense russe semble tenir. Dans le même temps, les forces ukrainiennes subissent de lourdes pertes en soldats et en véhicules.

Toutefois, l’offensive ukrainienne est loin d’être terminée et son principal corps d’attaque fort de quelques 600 chars et autant de véhicules de combat de l’infanterie serait en attente autour d’Orikhiv.

Mais l’avenir de l’offensive ukrainienne peut être compromis si les avant-gardes sont neutralisées avant d’atteindre les principales lignes de défense russes.

En effet, l’Ukraine devra alors engager très tôt ses forces principales pour franchir quelques lignes de défense russes. Elle manquera alors de forces suffisantes pour exploiter tout succès et sera obligée de s’arrêter voire, au pire, de se retirer sur ses positions initiales.

Pour résumer, le résultat actuel de l’offensive ukrainienne semble être des gains territoriaux mineurs mais pour un coût important. Il faut attendre la suite pour commencer à se faire une idée plus précise de la situation…

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Texte

Alain Rodier