Comme d’habitude, il convient de se méfier des informations fournies par les Russes, les Occidentaux et les Ukrainiens car toutes les parties tentent de présenter leurs positions à leur avantage. Certains appellent cela le « brouillard de la guerre ». En fait, c’est de la désinformation et la grande contre-offensive annoncée par Kiev n’échappe évidement pas à ce phénomène.

Le 5 juin, des responsables ukrainiens ont déclaré à CNN que des reconnaissances permettant à l’Ukraine de tester les vulnérabilités des positions russes, se déroulaient depuis près de deux semaines.

Un haut responsable de l’OTAN a signalé une « augmentation substantielle des combats » depuis le début juin ce qui signifierait  que la contre-offensive a probablement commencé.

Dans une série de tweets, l’Institut d’étude de la guerre (ISW) américain a confirmé le 8 juin : « la contre-offensive ukrainienne a commencé. L’activité dans toute l’Ukraine est cohérente avec une variété d’indicateurs indiquant que des opérations de contre-offensive ukrainiennes sont en cours sur tout le théâtre », qu’il avait « observé une augmentation générale de l’activité militaire sur toute la ligne de front, qui ne faisait pas entièrement partie de l’effort de contre-offensive ukrainien ». Il a précisé que la contre-offensive « ne se déroulera probablement pas comme une seule grande opération […] elle consistera probablement en de nombreuses manœuvres à de nombreux endroits, de taille et d’intensité variables étalées sur plusieurs semaines ».

Les différents observateurs en sources ouvertes rappellent que la ligne de front fiat plus de de mille kilomètres de Kherson sur la mer Noire à la frontière entre l’Ukraine et la Russie. Le 9 juin, ils disaient que les troupes ukrainiennes – soutenues par des chars, de l’artillerie et des drones – tentent d’avancer au sud de la ville d’Orikhiv (à 60 kilomètres au sud-est de Zaporizhzhia) pour la deuxième nuit consécutive.

Dans cette zone, l’armée russe a diffusée une vidéo d’une colonne de blindés ukrainiens pris à partie par l’artillerie. Au moins un Leopard 2 aurait été atteint.

Par cette manœuvre, il est possible que Kiev tente de retrouver l’accès à la mer d’Azov, divisant les forces d’occupation russes dans la région en deux groupements détachés. Cela affaiblirait non seulement leurs capacités de combat, mais éliminerait également un pont terrestre vers la Crimée – annexée par la Russie en 2014.

Une autre poussée aurait lieu en direction de Bakhmut.

Le ministère russe de la Défense a affirmé de son côté le 8 juin que l’offensive ukrainienne près de Bakhmut avait été « déjouée » : « les forces armées ukrainiennes, n’ayant pas réussi à atteindre les objectifs offensifs et subi des pertes importantes dans la direction sud de Donetsk, ont tenté de briser la défense des troupes russes dans la direction de Donetsk près d’Artyomovsk (russe pour Bakhmut)  […] L’attaque du groupe blindé ennemi utilisant du matériel de fabrication occidentale a été déjouée. L’ennemi a été détruit ».

Pour CNN qui cite deux « hauts responsables » américains, ces derniers jours les forces ukrainiennes ont subi des pertes en équipements lourds et en soldats alors qu’elles rencontraient une résistance plus importante que prévue des forces russes lors de leur première tentative de percer les lignes adverses dans l’est du pays.

Un responsable américain aurait décrit les pertes – qui incluent les véhicules blindés de transport de troupes MRAP fournis par les États-Unis – comme « importantes ».

Mais selon la même source, ces pertes ne devraient pas avoir d’impact sur la contre-offensive ukrainienne.

Selon d’autres observateurs, sur tous les fronts, les forces russes ont opposé une «résistance acharnée» depuis leurs positions retranchées dans la profondeur. Les champs de mines auraient fait des « ravages ».

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait d’ailleurs  reconnu que la contre-offensive serait difficile pour l’Ukraine, déclarant au Wall Street Journal qu’« un grand nombre de soldats mourront » alors que les forces terrestres de Kiev avanceraient.

Les responsables américains et occidentaux se préparaient à cette contre-offensive depuis des mois s’efforçant de renforcer les forces ukrainiennes avant son lancement.

En début de semaine, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Hanna Maliar, a déclaré qu’une offensive « avait lieu dans plusieurs directions […] Il ne s’agit pas seulement de Bakhmut. L’offensive se déroule dans plusieurs directions […] Nous sommes satisfaits de chaque mètre gagné. Aujourd’hui est une journée couronnée de succès pour nos forces ».

La rupture du barrage de Nova Kakhovka

La rupture du barrage de Nova Kakhovka sur le Dniepr a inondé la région en aval.

Les deux parties ont blâmé l’autre.

Les services de renseignement militaires ukrainiens ont déclaré que « des terroristes russes ont effectué une explosion interne » de la centrale hydroélectrique de Kakhovka aux premières heures de la matinée du 6 juin ».

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a quant à lui déclaré que la destruction du barrage avait été « planifiée et exécutée sur ordre reçu de Kiev » pour « priver la Crimée d’eau ».

l y a aussi la possibilité que l’ouvrage qui date des années 1950, qui avait été fragilisé par des bombardements en 2022 et surtout, qui était très mal entretenu par la Russie (en particulier par manque de pièces de maintenance détournées grâce à la corruption endémique en Russie) depuis qu’elle occupait la zone, ait cédé accidentellement à la pression des eaux.

Dans tous les cas, le « crime ne profite » à personne.

Les Ukrainiens ne semblaient avoir aucun intérêt stratégique à franchir le Dniepr en aval du barrage le terrain étant peu favorable aux mouvements de forces blindées-mécanisées. La prise du pont sur le barrage était bien trop risquée.

Ce sont surtout les premières lignes de défenses russes qui ont été submergées obligeant les troupes à se retirer à une quinzaine de kilomètres plus à l’Est.

Tous les yeux sont donc actuellement tournés vers la « grande offensive » ukrainienne. Il se murmure qu’elle pourrait en réalité être retardée aux calendes grecques et que c’est surtout un coup politico-médiatique pour que l’Occident continue à aider massivement Kiev…

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Texte

Alain Rodier