Le Secrétaire à la défense américain Lloyd Austin a déclaré lors d’un point presse le 15 mars que la Chine aura 1.500 têtes nucléaires en 2035. Cela serait en partie en raison de la coopération renforcée dans le domaine nucléaire entre Pékin et Moscou.
Selon un think tank britannique cité par l’agence de presse Bloomberg, rien qu’entre septembre et décembre 2022, la Russie a exporté une grande quantité d’uranium enrichi à la Chine. Il serait destiné à un surgénérateur en construction dans la région de Fujian qui devrait démarrer cette année. Or cette installation aurait un but militaire : fabriquer de nouvelles têtes nucléaires pour en équiper différents vecteurs.
Selon John Plumbs , le secrétaire d’État adjoint à la défense US chargé de suivre les domaines de l’espace et du nucléaire, « c’est très troublant de voir la Russie et la Chine coopérer dans ce domaine ». Pour lui, il ne fait aucun doute que cette coopération relève du domaine militaire.
Suite à ces soupçons, Washington invite les pays qui coopèrent avec la Chine dans le domaine nucléaire – même sur des projets civils – à prendre conscience des enjeux qui sont derrière.
Au Congrès, trois membres du Comité permanente du renseignement du Congrès, dont le président, le sénateur républicain de l’Ohio, Mike Turner, ont rédigé une lettre ouverte destinée à Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche dans laquelle il est écrit : « l’Administration doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour stopper que la coopération dangereuse entre Rosatom [entreprise publique russe spécialisée dans le secteur de l’énergie nucléaire] et la République Populaire de Chine aille plus loin que les projets civils ». Au moins, avec les Etats-Unis, personne ne peut dire qu’ils ne disent pas ce qu’ils ont l’intention de faire par « tous les moyens à leur disposition ».
Pour les analystes américains, il ne fait aucun doute que la Chine est en train de combler la différence en termes de nombre de têtes nucléaires qui la séparent des États-Unis même si les chiffres sont exagérés (c/f statistiques ci-dessous).
Mais le mouvement est là : Pékin veut accroitre sa force de dissuasion nucléaire.
La grande peur de Washington est que la Chine ne soit en mesure d’atteindre les États-Unis avec des armes nucléaires, ce qui compliquerait considérablement la volonté de vouloir peser lors d’un conflit en mer de Chine méridionale ou à Taïwan. C’est d’ailleurs déjà le cas (c/f carte ci-après).
L’Administration Biden craint que la Russie ne soutienne l’effort militaire nucléaire chinois en fournissant de l’uranium hautement enrichi.
Plus globalement et parlant de la coopération sino-russe et du conflit ukrainien, Antony Blinken, le Secrétaire d’État a déclaré devant une commission du Sénat le 22 mars : « le soutien diplomatique, politique, et dans une certaine mesure matériel [ de la Chine] à la Russie va bien sûr contre notre intérêt de voir cette guerre s’achever ».
Bien qu’il ne pense pas que Pékin livre des armements létaux, il souligne que les deux pays sont engagés dans un « partenariat sans limites ».
Le journaliste indépendant et spécialiste du domaine de la défense Laurent Lagneau (auteur De l’excellent site @zonemilitaire) soulignait déjà à la fin 2022 que l’imagerie satellitaire avait permis de découvrir que l’Armée populaire de libération [APL] était en train de construire deux bases susceptibles d’abriter plus d’une centaine de silos pour des missiles sol-sol balistiques tout en modernisant ses composantes océanique et aéroportée de ses forces stratégiques.
Il avait rapporté que l’amiral Sam Paparo, commandant de la flotte américaine du Pacifique, avait affirmé que la marine chinoise venait d’équiper ses six sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de type 094 armés de missiles balistiques mer-sol JL-3. Ces derniers d’une portée allant de 10.000 à 13.000 kilomètres peuvent accueillir une dizaine de têtes nucléaires mirvées.
De plus, un SNLE de type 096 serait en cours de développement. Il serait capable d’emporter jusqu’à 24 missiles.
Les États-Unis sont dès à présent à portée des armes nucléaires chinoises. Le fait d’être aussi à bonne distance de l’arsenal russe bien plus important en nombre ne semble pas beaucoup les déranger dans leur politique étrangère… Cela leur interdit juste d’intervenir directement en Ukraine. Mais ce ne sont peut-être pas les SNLE qui peuvent gêner les options américaines mais plutôt les sous-marins d’attaque 091 (un en service), 093 (six en service, deux en construction) et 095 (cinq en construction) qui pourraient contrer une action d’importance de l’US Navy. Avoir un porte-avion en feu à la une de la presse mondiale serait très embarrassant pour le pouvoir politique en place à la Maison-Blanche.
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