Depuis l’arrivée de l’AKP (Parti de la justice et du développement - islamo-conservateur -) au pouvoir en 2002, les relations entre Israël et la Turquie, excellentes jusque là, s’étaient progressivement dégradées. Surtout, le premier-ministre Recep Tayyip Erdoğan (devenu depuis président) avait fait de la cause palestinienne son cheval de bataille pour tenter de jouer un rôle de leader dans le monde musulman.

La catastrophe était survenue lors de l’assaut le 31 mai 2010 par les forces israélienne du navire « humanitaire » Mavi-Marmara qui devait briser le blocus maintenu autour de Gaza qui avait fait dix tués turcs et 27 blessés parmi les militants et dix blessés au sein des commandos israéliens.
En 2016, Israël a versé 20 millions de dollars à la Turquie à titre d’indemnités et présenté ses excuses tout en s’engageant à alléger le blocus de Gaza. En contrepartie, la Turquie a abandonné les poursuites contre des ex-chefs militaires israéliens et normalisé ses relations diplomatiques avec Israël.

Pour la première fois depuis 2010, les 26 et 27 octobre, un ministre de la défense israélien, Benny Gantz s’est rendu en visite officielle en Turquie. Il a été reçu par son homologue Hulusi Akar mais également par le président Erdoğan. En dehors des discours convenus du démarrage d’une « nouvelle ère », Israël voit dans la Turquie un acteur incontournable dans toute sa zone d’intérêts et même au-delà.
La pierre d’achoppement reste la Palestine et la Turquie avait retiré son ambassadeur en Israël et avait demandé à l’État hébreu de faire de même en 2018 après des manifestations sanglantes qui avaient fait suite au transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Des ambassadeurs ont de nouveau été accrédités au début octobre 2022 !

Un membre de la délégation israélienne a déclaré : « nous avons toujours des approches différentes sur le problème palestinien. Israël est concerné par ses besoins sécuritaires dans toute la région et en Palestine. Mais, en même temps, nous comprenons les besoins des Palestiniens en aide humanitaire et économique ».
De son côté, Gantz a souligné que la Turquie et Israël ont un énorme potentiel en matière de coopération sécuritaire et de défense mais il a laissé entendre qu’aucun projet spécifique n’était en cours pensant que cela ferait l’objet de futures discutions.
Pour mémoire, Israël a beaucoup aidé l’industrie avionique militaire turque dans les années 1990-2000 en lui fournissant en particulier la technologie pour fabriquer des drones (à l’époque pour surveiller les frontières avec la Syrie, l’Irak et l’Iran). Chose curieuse, les opérateurs de drones militaires turcs et israéliens se retrouvent actuellement côte à côte en Azerbaïdjan dans le conflit qui oppose ce pays à l’Arménie. Les deux Etats sont aussi au contact en Méditerranée orientale, en Syrie et plus discrètement au Liban et au Kurdistan irakien. Il faut aussi reconnaître que les États israélien et turc considèrent l’Iran comme un « ennemi » pour le premier et comme un « rival » pour le second. Cela ne peut que faciliter la communication.

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Alain Rodier

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