Après les victoires militaires époustouflantes remportées par l’armée ukrainienne sur son ennemi russe depuis un mois, les autorités des zones séparatistes ou sous occupation en Ukraine vont lancer des « référendums » d’annexion par la Russie du 23 au 27 septembre. Ces scrutins se dérouleront dans les régions Donetsk et de Lougansk (le Donbass), ainsi que dans les zones occupées de Kherson et de Zaporojie au sud.

Ces « simulacres » électoraux vont permettre d’intégrer des provinces dont toute l’étendue n’est pas ou plus sous contrôle russe à la Russie.
Cela va complètement changer la donne stratégique puisque Moscou va considérer que toute attaque contre ces régions constituera une « agression directe » contre son propre territoire.
À noter que cela permettra également d’y déployer des conscrits qui, constitutionnellement, ne peuvent être engagés en dehors de la « Mère Patrie » et donc pas en Ukraine. Mais ces régions auront alors rejoint la Russie…

Mais même avant le début des processus électoraux qui vont lui donner les mains libres sur le plan de la Constitution russe, Poutine a déclaré le 21 septembre : « J’estime nécessaire de soutenir la proposition [du ministère de la Défense] de mobilisation partielle des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi […] et qui ont une expérience pertinente ; Afin de tenter de calmer le mécontentement populaire que cette mesure va faire surgir, il précise : « nous ne parlons que de mobilisation partielle ».
Pour mémoire, la mobilisation générale n’est théoriquement possible en Russie que si un « état de guerre ou de menace imminente » est déclaré ce qui n’est pas le cas actuellement.

Cet ordre est effectif dès le 21 septembre, le décret correspondant ayant été publié le même jour sur le site officiel du Kremlin.

Selon un article du « Grand Continent » qui cite des « sources proches du Kremlin », ce processus de mobilisation devrait être pris en charge par les gouverneurs des régions russes selon un algorithme qui déterminerait les personnes appelées à se rendre dans les commissariats militaires (voenkomaty). Cette mobilisation serait aussi un moyen pour Moscou, un moyen de pallier le manque de personnel dans les administrations militaro-civiles des régions occupées. Les personnes concernées ne devraient être que les réservistes, les citoyens ayant une profession militaire ou une expérience du combat, auxquels le régime garantirait toutes les formes de protection sociale et de soutien financier dont bénéficient actuellement les combattants enrôlés sous contrat. La mobilisation ne devrait concerner « que » 300 000 réservistes sur les 25 millions de personnes potentiellement mobilisables (chiffre totalement exagéré). À souligner que les étudiants en cours de scolarité ne sont pas concernés.
Cette mobilisation a provoqué des rassemblements hostiles dans de nombreuses villes comme Irkutsk, Jakutsk et Tomsk. La (rare) presse d’opposition a dressé la liste des pays dans lesquels les citoyens russes bénéficiant d’un passeport peuvent fuir rapidement. Certains jeunes Russes tentent actuellement de quitter le pays pour échapper à la mobilisation mais leur nombre n’est pas connu même si ce phénomène a tendance à être exagéré par les médias occidentaux. Pour fuir la Russie, il faut non seulement en avoir les moyens mais aussi, pouvoir s’installer dans le temps dans un pays d’accueil. Ce n’est possible que pour une petite frange de privilégiés.

Il est aussi prématuré de faire des statistiques sur les « pro » et les « anti-guerre » en Russie. La chose certaine, c’est que la partie de la population qui ne se sentait pas concernée par l’« opération militaire spéciale » car conduite par des professionnels, est maintenant devant la réalité de la guerre.
Face aux manifestations, il est à craindre de voir s’enclencher la spirale répressive qui est chose habituelle en Russie.

Sur un plan strictement opérationnel, cette mobilisation ne devrait pas avoir de résultats immédiats sur le terrain. Il est vraisemblable que les mobilisés une fois incorporés et équipés rejoindront peu à peu, après une période de remise à niveau obligatoire, par petits groupes les unités en place sur le terrain pour combler les manques dus aux pertes subies. Le problème logistique que cela va occasionner est très difficile à régler. La seule chose dont on soit certain, c’est que cela va permettre à la guerre de durer, ce qui n’est pas vraiment une nouveauté.

Les menaces du président Poutine

Poutine a déclaré que l’Occident avait « dépassé toutes les limites dans sa politique agressive » et de vouloir « affaiblir, diviser et, en fin de compte, détruire notre pays [la Russie] ».
Selon lui, l’Occident souhaite « supprimer les centres de développement souverains et indépendants » dans le monde pour se renforcer (on sent là un appel du pied aux dirigeants chinois qui se retrouvent globalement dans la même position mais pour l’instant, ils appellent à un cessez-le-feu car ils sont surtout concernés par le congrès du PCC qui doit se tenir en octobre. De toutes façons, ce sont eux qui ont les cartes maîtresses dans les relations avec la Russie qui est considérablement affaiblie.

Poutine a rajouté : « un chantage nucléaire est aussi utilisé […] J’aimerais rappeler à ceux qui font ce genre de déclarations que notre pays aussi possède divers moyens de destruction, dont certains sont plus modernes que ceux des pays de l’OTAN.
Il semble pourtant que les pays de l’OTAN n’ont pas émis de telles menaces. Cela paraît rejoindre les accusations répétées de « régime nazi » attribuées à Kiev.

La suite est encore plus inquiétante : « Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple. Je dis bien tous les moyens ».
À savoir que « protéger la Russie et notre peuple » dépasse largement la guerre en Ukraine. i.
D’ailleurs, le ministre de la Défense Choïgou a précisé que la Russie ne combattait « pas tant l’Ukraine que l’Occident ».

En ce qui concerne le théâtre de guerre ukrainien, Poutine a affirmé que « les objectifs de l’opération militaire ont été et restent inchangés ». Mais la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir aux frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou – donc les provinces qui vont être annexées – sont attaqués.

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Texte

Alain Rodier

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