Depuis des semaines, Kiev avait annoncé que ses forces allaient lancer une grande offensive majeure dans le sud avec pour objectif la libération de la ville de Kherson, la plus importante localité envahie par les Russes depuis le début du conflit le 24 février.

Fort logiquement, Moscou avait dégarni ses autres positions pour venir renforcer ses forces sur place. À la surprise générale, deux offensives ont été lancées dans le nord et dans l’est ne rencontrant que peu de résistance opposée par des forces disparates de la Garde nationale russe et des milices du Donbass.

Il est vraisemblable que ce sont les alliés de l’OTAN, et surtout les Américains, qui ont fourni aux Ukrainiens des points de situation précis sur les forces russes dans les régions visées. Comme depuis le début du conflit, le renseignement russe, lui, n’a rien vu venir alors que des brigades blindées-mécanisées ukrainiennes se mettaient en ordre de bataille !

Profitant de la désorganisation générale qui s’en est ensuivie, les offensives ont été exploitées rapidement. Ainsi, selon Kiev, les forces ukrainiennes auraient repris 3000 km2 de terrain à l’armée russe, cette dernière ayant perdu le contrôle d’une vingtaine de localités dans la région de Kharkiv, et même Loupiansk et Izyum, cette dernière ville étant un carrefour ferroviaire stratégique essentiel à l’approvisionnement des forces russes dans le Donbass.

Il semble que l’armée russe recule sans combattre, abandonnant derrière elle matériels et munitions comme dans le secteur d’Izium qu’elle utilisait jusqu’alors comme base logistique pour ses opérations dans l’est de l’Ukraine.

L’état-major russe a dit avoir donné l’ordre à ses troupes de se redéployer dans la région de Donetsk : « dans le but d’atteindre les objectifs affichés de l’opération militaire spéciale de libération du Donbass, il a été décidé de regrouper les forces russes stationnées dans les districts de Balakliia et Izium ».
L’offensive du Sud si attendue a ensuite été déclenchée. Mais globalement, la progression n’a été que de quelques kilomètres.

Les pertes russes seraient importantes, de nombreux militaires s’étant rendus. Le 8 septembre, le lieutenant général Andrei (général de division) Sychevoi commandant le secteur ouest en Ukraine est fait prisonnier dans le secteur de Balakleïa (oblast de Kharkiv). C’est la première fois qu’un officier de ce rang est fait prisonnier depuis la Seconde Guerre mondiale (une dizaines de généraux ont trouvé la mort en Syrie dont au moins deux lieutenant généraux).

L’aviation russe est étonnement discrète ce qui permet à son homologue ukrainienne d’être plus offensive. Ce fait peut être analysé en raison de la défense sol-air ukrainienne renforcée de nombreux armements occidentaux.

Le désarroi a été complet chez les commentateurs russes qui voyaient une victoire rapide. Les plus radicaux ont même rappelé que lors de la Grande guerre patriotique, Staline avait fait fusiller les « défaitistes ». D’autres ont réclamé l’engagement d’armes nucléaire tactiques sur le champ de bataille…
Même Ramzan Kadyrov, le plus fidèle allié de Poutine émet des doutes quant à la conduite des opérations auxquelles ses troupes participent.

Il est probable que les forces ukrainiennes – qui ont montré des savoir-faire bien supérieurs à ceux du début de la guerre, vraisemblablement le résultat des entraînements prodigués par l’OTAN – vont tenter de consolider les positions conquises de manière à ne pas se faire surprendre par de possibles contre-attaques russes. Pour l’instant, ces derniers ont répliqué en bombardant des centrales électriques privant Kharkiv et une partie du nord-est de l’Ukraine d’électricité…

Il convient toutefois de rester très modeste dans le domaine des pronostics. Tous les analystes se sont fait surprendre ces derniers mois car les lois de la guerre ne relèvent pas d’une science exacte et surtout, d’une logique cartésienne. Les réactions du président Vladimir Poutine … et éventuellement de son entourage … sont attendues avec anxiété.

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Texte

Alain Rodier

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