Selon la Russie, le croiseur lance missile Moskva projet 1164 (1) qui est le navire amiral de la Flotte de la Mer Noire a été gravement endommagé dans la nuit du 12 au 13 avril par un incendie qui aurait provoqué l’explosion de munitions. L’incendie est toujours la pire crainte des marins surtout quand un navire est lourdement approvisionné en munitions. Alors que l’ensemble de l’équipage aurait été évacué ce qui laisse entendre qu’il n’était plus en mesure de combattre le feu en raison de l’effet des explosions en chaîne qu’il provoquait, une tentative de remorquage aurait été tenté. Mais la mauvaise mer et le gîte important du navire ont provoqué son naufrage.

Ce type de navire peut en particulier être armé de seize missiles anti-navires P-1.000 Vulcan avec une tête d’une tonne d’explosif et du carburant inflammable. Si un seul d’entre eux est touché, c’est la catastrophe et équivaut à se tirer une balle dans la tête. Les autres munitions dangereuses sont surtout les 64 missiles sol-air SF-300F.

Les revendications ukrainiennes.

Le gouverneur d’Odessa puis Kiev avaient annoncé – bien avant le communiqué de Moscou – que deux missiles de croisière de défense côtière avaient atteint le navire russe provoquant la catastrophe. Il a même été précisé que le navire ennemi avait été localisé par un drone d’origine turque Bayraktar TB-2 affecté à la défense côtière.
Ces missiles qui auraient touché le croiseur russe seraient des Neptune P-360 entrés en service en mars 2021. Il s’agit d’une version améliorée du Kh-35 soviétique (développé à partir de 1983). D’un poids de 810 kilos, il emporte une charge militaire de 150 kilos à une distance maximale de 280 kilomètres. Il est théoriquement efficace contre les navires de 5.000 tonnes. Le Moskva faisait 12 490 tonnes en déplacement.

De nombreuses questions restent en suspend.

Était-ce vraiment un accident ce qui est toujours possible. Il est bien connu que les armées russes et son industrie d’armement sont gangrenées par la corruption. De nombreux scandales sont connus : vols de matériels pour les revendre au marché noir, appels d’offres truqués, entretien des personnels et des matériels insuffisants car les moyens sont nécessaires sont détournés nécessaires, etc. À noter que ces malveillances criminelles ont été un des éléments des dysfonctionnements de l’armée russe lors de l’invasion de l’Ukraine, notamment portant sur la chaîne logistique et les télécommunications.
Ce navire était opérationnel depuis 1983 avec une interruption de dix ans et ses infrastructures – comme dans d’autres marines(2) – ne devaient plus tenir que grâce aux multiples couches de peinture passées régulièrement.

Était-ce un tir de missiles ukrainiens mis en oeuvre par une batterie côtière mobile qui comprend un véhicule de commandement RCP-360, un lanceur mobile quadruple USPU-360, un véhicule de rechargement TZM-360 plus un camion cargo ? Certes, ils n’avaient pas la capacité technique de couler un navire de cette taille (l’impact a lieu au dessus de la ligne de flottaison) quand il n’est pas approvisionné de munitions. S’il y a eu des explosions en chaîne, cela a multiplié les effets destructeurs des missiles. Ensuite, la mer démontée aurait fait le reste.

Était-ce une action lancée par une autre nation est une question que l’on peut se poser même si cela semble hautement improbable. Certains appareils de l’OTAN qui survolent régulièrement la mer Noire peuvent emporter des missiles anti-navires. Mais le risque de déclenchement de la guerre générale serait alors atteint sauf s’il est impossible d’identifier l’origine de la frappe (c’était de nuit et par mauvais temps ; retrouver des débris permettant d’identifier la munition est toujours possible mais prendrait… des années).

Néanmoins, dans le deuxième cas (missiles ukrainiens) et même si la version du repérage par un drone TB-2 avancée par Kiev est plausible mais pas certaine – toujours en raison des conditions météo et de la nuit), il est vraisemblable que des moyens de détection de l’OTAN aient été utilisés pour localiser très précisément la cible. Les coordonnées peuvent avoir été envoyés aux Ukrainiens qui se seraient chargés des tirs(3) sachant que le guidage terminal est assuré par le radar du missile. Depuis longtemps, l’OTAN fournit des renseignements militaires à Kiev donc, sur le plan politique, cela ne devrait pas changer grand-chose.

Sur le plan tactique, ce naufrage affaiblit notablement la Flotte de la mer Noire. Non seulement, le Moskva servait de PC mobile, mais il pouvait aussi assurer une partie de la protection anti-aérienne d’une opération destinée à s’emparer d’Odessa. De plus, le 24 mars, deux navires de débarquement russes de classe Alligator auraient été détruits dans le port de Berdiansk et deux de classe Ropucha endommagés. Ces coups répétés laissent à penser que l’éventualité d’une offensive sur Odessa est de plus en plus faible à court ou moyen terme.
Ce qui est certain, c’est que le président Poutine doit être une fois de plus furieux. Après les services de renseignement qui ont fait l’objet d’une première purge de 150 fonctionnaires et militaires suite aux échecs de l’offensive sur l’Ukraine, le commandement de la marine va devoir rendre des comptes.

1. 510 hommes d’équipage – 485 dont 66 officiers au moment des incendies -.
2. La blague traditionnelle dans la marine française conseille aux nouveaux embarquants : « on salut tout ce qui bouge, on peint tout ce qui est immobile ».
3. Généralement, un tir en salve pour saturer les défenses adverses est mis en œuvre. Une batterie de défense côtière ukrainienne aurait pu procéder au lancement de quatre missiles dans un laps de temps très court.

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Texte

Alain Rodier

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