Le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré le 11 mars qu’il allait autoriser des volontaires à aller se battre en Ukraine aux côtés des forces russes. Par cette annonce d’appel officielle aux « volontaires », Moscou veut répondre à la création de la « légion internationale » ukrainienne qui à terme devrait regrouper 22.000 combattants.

Le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a précisé que 16 000 combattants du Proche-Orient étaient prêts à aider les forces russes. Il serait exact qu’une campagne de recrutement ait débuté en Syrie dans les zones contrôlées par les forces légalistes. Des salaires de 200 à 300 dollars/mois seraient proposés pour des contrats de six mois en tant que « gardes de sécurité ». Mais selon des observateurs locaux, cette campagne n’en serait qu’à ses débuts et serait d’ordre symbolique.

Moscou a déjà fait appel dans le passé à des miliciens syriens pour aller combattre en Libye dans les rangs des forces du maréchal Khalifa Haftar et de la Société militaire privée (SMP), le « Groupe Wagner ». Toutefois, on se souviendra que ces mercenaires n’avaient pas brillé face aux forces légalistes libyennes appuyées par la Turquie et sa propre SMP, la société « Sedat ». Cette dernière avait également recruté des Syriens mais dans les rangs des rebelles.

Les « volontaires » pour l’Ukraine devraient être affectés sur le front du Donbass situé à l’est du pays. Ils rejoindraient les 13.000 « miliciens » russes et prorusses présents depuis la guerre du Donbass de 2014 et la proclamation des républiques autoproclamées de Luhansk et de Donetsk. Selon une enquête de la BBC, des mercenaires étrangers autres que russes serviraient déjà dans cette région dans une SMP baptisée « les Aigles ». Le logo « Groupe Wagner » est vraisemblablement trop défavorablement connu.

D’un autre côté, de nombreux vétérans – dont des Britanniques – auraient été contactés par la messagerie Telegram quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine pour les inviter à un « pic nic in Ukraine ». Le message indiquait que même ceux qui avaient « un passé criminel, des dettes, avaient été chassés de groupes mercenaires ou ne possédaient pas de passeport » étaient invités à répondre.
Généralement, le mercenaire de base travaillant pour la Russie est payé 2.100 dollars/mois mais cela peut changer selon les compétences de l’intéressé. Pour mémoire, le mercenariat est interdit par la loi russe et les SMP sont enregistrées dans des pays tiers, en Argentine pour Wagner.

De son côté, le président Volodymyr Zelensky a appelé les étrangers à rejoindre la « Légion internationale » pour défendre « l’Ukraine, l’Europe et le monde ». Par un décret du 28 février, il a autorisé les ressortissants étrangers souhaitant rejoindre la « Légion internationale » à entrer sans visa sur le territoire national. Tout citoyen non-ukrainien peut théoriquement rejoindre cette unité à l’exception des Russes.
Le 6 mars, le ministre des Affaires étrangères annonçait que 20 000 volontaires de 52 pays différents avaient déjà fait acte de candidature.
Un certain nombre seraient déjà sur zone puisque le bombardement du 13 mars du camp militaire de Yavoriv située à une quinzaine de kilomètres de la frontière polonaise (le « Centre international pour la préservation de la Paix et la Sécurité », International Center for Peacekeeping and Security – ICPS -) et du village de Staritchi voisin aurait tué 180 « mercenaires » selon Moscou(1).

Avant leur départ, il est demandé aux volontaires étrangers de signer un contrat pour « la durée de la guerre »(2) et à remettre certains documents (passeport, preuve d’expérience militaire ou policière…) à l’ambassade d’Ukraine de leur pays de résidence. La solde est de 230 dollars/mois. Les Attachés de défense ukrainiens sont chargés de superviser le recrutement des combattants étrangers, ainsi que d’organiser leur voyage vers l’Ukraine. Sauf en Grande-Bretagne, la légalité de la chose ne semble pas interpeller les responsables politiques des pays concernés… Sur place, ils recevraient un entraînement allant de quelques jours à trois semaines avant d’être envoyés au front.

Déjà depuis le déclenchement de la guerre entre le gouvernement ukrainien et les séparatistes prorusses du Donbass en 2014, des centaines de volontaires se sont enrôlés dans divers groupes paramilitaires loyalistes dont la « Légion géorgienne ». Cette unité, dont le nombre de soldats serait de quelques centaines est majoritairement composée de Géorgiens désirant combattre l’armée russe pour venger l’occupation des deux provinces (Abkhazie et Ossétie) depuis 1993.

L’expérience montre que ces volontaires internationalistes servent souvent de chair à canons et que leurs résultats sur le terrain sont, au mieux, médiocres. De plus, s’ils ne sont pas encadrés étroitement, ils peuvent se livrer à des exactions sur les populations dont ils n’ont, en fin de compte, rien à faire. L’« internationalisation par la base » de cette guerre de par et d’autre est très inquiétante. À noter qu’un combattant étranger servant dans une unité non reconnue par la communauté internationale (comme la Légion étrangère française ou la Légion espagnole – ou Legión Española-) ne bénéficie pas de la protection des Conventions de Genève (certes souvent ignorées).

Toutefois, ces « annonces » relèvent également de la propagande car, il est légitime de se demander quelle peut être l’efficacité tactique d’un combattant syrien en Ukraine alors qu’il ne parle pas russe, est totalement étranger à la région (ce qui était différent en Libye) et n’est pas particulièrement motivé.
Il en est de même pour les volontaires recrutés par Kiev sauf pour ceux issus d’Europe de l’Est et dont la motivation de base est de « casser du Russe »(3).

1. Voir : « Conflits : nouvelles brèves du 14 mars » du 14 mars 2022.
2. En clair, s’ils tentent de quitter l’Ukraine, ils seront considérés comme des déserteurs et la loi martiale qui a été décrété alourdit les peines.
3. La russophobie qui est en train de monter en Occident – dans les cercles officiels comme dans les populations – est aussi inquiétante : confiscations de biens « mal acquis », menaces directes ou indirectes contre des citoyens d’origine russe, pour des artistes, interdiction d’exercer leur métier, etc. Même si on n’en n’est pas au même niveau, elle rappelle néanmoins de dramatiques évènements survenus durant les « heures les plus noires du XXè siècle ».

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Texte

Alain Rodier

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