Les informations continuent à affluer sur l’invasion de l’Ukraine par les armées russes qui a débuté le 24 février. Elles sont totalement contradictoires quand elles proviennent du camp russe ou ukrainien (et les pays qui soutiennent Kiev). Elles sont donc à prendre avec beaucoup de précautions.

Sur le terrain : Environ 80.000 à 100.000 militaires russes (sur les 180.000 déployés autour de l’Ukraine) renforcés symboliquement par un bataillon tchétchène poursuivent quatre offensives destinées à faire tomber le pouvoir politique à Kiev et à couper les forces ukrainiennes en deux pour ensuite les réduire. Des forces biélorusses auraient rejoint l’Ukraine par voie aérienne dans la nuit du 27 au 28 février.
Cela dit, la Russie n’a pas encore obtenu la suprématie aérienne totale et les défenses sol-air légères empêchent les vols à basse altitude. De leur côté, les forces ukrainiennes se cantonnent à la défense des agglomérations mais ne peuvent plus vraiment mener des mouvements tactiques d’importance. Les deux camps sont soumis à des problèmes logistiques importants, notamment dans le domaine des carburants..

L’offensive la plus marquante et significative est celle destinée à prendre le contrôle de la capitale Kiev. Pour ce faire, des forces blindées des 36è et 41è armées poussent respectivement vers l’ouest et le nord de la capitale. Les avant-gardes seraient dans les faubourgs de la ville. Mais la prise rapide de Kiev qui semblait prévue initialement n’a pas eu lieu. Les analystes pensent que, jusque-là, les forces russes n’ont pas recherché les affrontements directs et n’ont utilisé leur artillerie que modérément (comparé à la Seconde Guerre mondiale). Elles semblent vouloir éviter au maximum les pertes civiles (pour le côté psychologique) et les destructions d’immeubles qui constitueraient ensuite des positions de défense idéales pour les forces ukrainiennes.

L’aéroport logistique de Gostomel qui dessert Kiev est tombé dans les mains des unités d’assaut par air russes après des combats acharnés contre les forces spéciales ukrainiennes (qui étaient parvenues à reprendre temporairement le site le 25 février). Depuis, les appareils de transport russes débarquent troupes et approvisionnements.

La 20è armée viendrait en renfort par l’est empruntant l’autoroute 67.

Les forces régulières ukrainiennes (armée et police) sont peu à peu renforcées par des volontaires à qui des armes légères ont été distribuées mais leur efficacité tactique est sujette à caution. Par contre, ces volontaires constitueront peut-être l’embryon de la « résistance » à l’occupant qui sera sans doute la deuxième phase de la guerre.

La deuxième offensive est partie de Crimée, la 58e Armée (qui y est habituellement stationnée) appuyée par la 76e division d’assaut aérien ayant franchi l’isthme de Perekop puis s’étant emparée de la ville de Kherson sur le fleuve Dniepr. Elle se dirige vers Melitopol à l’est. Les objectifs seraient Marioupol et Zaporojie. Pour le moment, le port de Berdjansk situé à l’ouest de Marioupol est l’objet de combats.

Une troisième offensive lancée par la 1è armée de chars de la Garde stationnée habituellement à Koursk, a visé la ville de Kharkiv. Une fois la ville tombée (ce qui n’est pas le cas fin février), elle devrait poursuivre sa progression vers le Dniepr en direction de Krementchoug puis de Dniepropetrvsk. Le but de cette armée est de faire la jonction avec la 58è armée qui vient du sud et la 8è armée en provenance de l’est ayant contourné Lougansk par le nord
Ce mouvement de la 8è armée fait partie de la quatrième offensive lancée depuis les zones séparatistes du Donbass, les miliciens des deux « républiques » et la 49è armée fixant les unités ukrainiennes qui sont retranchées sur les anciennes lignes de contact.

Ce sont donc les 58è, 1è et 8è armées qui devraient faire leur jonction au niveau de la Dniepr et couper le pays en deux selon une ligne nord-sud. L’état-major russe pense ensuite pouvoir réduire l’armée ukrainienne.

La 35è armée se tient en réserve au sud-ouest de la Biélorussie prête à intervenir vers le sud pour couper l’Ukraine de la Pologne selon un axe Rivne-Ternopol par où transitent armements, approvisionnements et réfugiés.
Il semble que la 6è armée est pour le moment aussi gardée en réserve en Biélorussie.

Une force amphibie se tient aussi en réserve en mer Noire prête a appuyer de ses feux les forces à terre, voire d’effectuer des opérations de débarquement toute la côte sud de l’Ukraine constituant un objectif à conquérir.

Sans entrer dans le détail, les pays de l’OTAN ont décrété les sanctions économiques dures (jugées par certains comme « atomiques » pour l’économie russe) contre Moscou. De plus, l’Union européenne va envoyer armes et munitions aux forces ukrainiennes et ferme son espace aérien aux sociétés aériennes russes.
En réponse, le président Poutine a annoncé le 27 février que les forces de dissuasion russes (qui comportent l’option nucléaire, article à suivre) avaient été mises en alerte élevée. Heureusement, dans la coulisse, il semble que des négociations se profilent à Pripiat à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie mais, même en cas de succès(1), les fractures seront difficiles – voire impossibles – à réparer dans les prochaines années.

1. Pour le moment, les positions sont simples : la Russie exige la reddition des forces ukrainiennes et le départ du gouvernement. En l’état des choses actuelles, c’est totalement inacceptable par Kiev.

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Texte

Alain Rodier

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