Le président Vladimir Poutine a surpris les observateurs, pas tant par le déclenchement des opérations militaires qui avaient été annoncées depuis des semaines par Washington et Londres, mais par leur ampleur et la profondeur d’action des frappes aériennes qui couvrent presque tout l’Ukraine. La question qui se pose toujours est : quel est l’objectif politico-militaire de Poutine ?

Il semble que les prévisions les plus pessimistes se retrouvent sur le devant de la scène : la « création » d’un nouveau pays qui engloberait les territoires où les populations russophones sont majoritaires (c/f carte ci-dessous).

Dès le 24 soir, le Kremlin se déclarait prêt à négocier la « reddition » de Kiev en demandant que le pays devienne neutre et soit démilitarisé. Il était tout de même confirmé que les objectifs militaires avaient été fixés à l’avance et qu’ils devraient de toutes façons être atteints. Ce qui semble probable, c’est que Moscou veut faire tomber le pouvoir actuel ukrainien mais pour le remplacer pas quoi ?

Sur le plan des opérations militaires, il est très délicat de faire un point chaque camp se livrant à une guerre de l’information (et de la désinformation). Il convient donc de prendre toutes les déclarations officielles avec la plus grande circonspection. Ainsi , cette nuit un Su-27 s’est écrasé sur un immeuble de Kiev. Il a d’abord été déclaré que c’était un appareil russe abattu par le défense ukrainienne, il s’est avéré ensuite que c’était l’inverse… jusqu’au prochain démenti.

L’offensive russe a débuté dans la nuit du 23 février avec des frappes aériennes sur toute la profondeur un territoire ukrainien. Les défenses antiaériennes ukrainiennes, les bases aériennes, les sites de détection, les relais de transmissions ont été ciblés par deux vagues de missiles de croisière tirés en mode sol-sol et air-sol.

Ces frappes ont ensuite été accompagnées à l’aube du 24 par trois attaques terrestres destinées à fixer les forces ukrainiennes aux frontières puis par un assaut héliporté visant directement un des aéroports de la capitale Kiev.

Au sud, des forces russes venant de Crimée et des miliciens des forces des Républiques indépendantistes ont progressé vers Marioupol et la ville de Kherson avec comme objectif de capturer une zone tampon permettant de relier physiquement la Crimée au Donbass. Les rumeurs d’opérations amphibies qui ont circulé n’ont pas été confirmées mais pourraient se dérouler aujourd’hui.
À l’est, des unités blindées russes ont progressé pour s’emparer de la totalité des oblasts (provinces) ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk. Elle ont aussi visé la ville de Kharkov. Toutefois, les forces ukrainiennes ont réussi à résister à l’avancée de certaines colonnes limitant leur progression à quelques kilomètres.

Au nord, l’entrée des Russes sur le sol ukrainien a été effectuée via la Biélorussie dont des troupes n’auraient pas pris part à l’offensive. Sur cet axe, les colonnes blindées russes ont rencontré une importante résistance ukrainienne. Le site de la centrale de Tchernobyl a été investi par les Russes depuis lequel les unités blindées se dirigeraient maintenant vers la capitale. Personne ne pensait qu’elles passeraient par cette zone contaminée et rendue difficile pour la progression des chars en raison du terrain particulièrement meuble et encombré.

Le major général Igor Yevgenyevich Konashenkov, porte-parole du ministère russe de la défense, a déclarait en fin de matinée du 24 février : « à la suite des frappes des forces armées russes, 74 installations militaires de l’Ukraine ont été mises hors service, dont 11 aérodromes de l’armée de l’air(1), trois postes de commandement, une base des forces navales, ainsi que 18 stations radar de systèmes de missile sol-air russes S-300 et Buk-M1 ».

Il est vrai que des films pris sur le terrain montrent des hélicoptères russes de la 31e brigade d’assaut survolant la rivière Dniepr vers l’aérodrome de Hosmotel (qui a une piste de 3.500 mètres) qui est spécialisé dans le fret pour la capitale Kiev située à 25 kilomètres au sud-est. Les appareils volaient à basse altitude ce qui tend à démontrer que la défense sol-air ukrainienne a effectivement été neutralisée (au moins dans cette zone) même si un (peut-être deux) des hélicoptères Ka-52 aurait été atteint par un tir(2) d’un missile sol-air portable. Comme le laissait présager cette opération, cet aéroport est tombé aux mains des Russes. Mais les forces ukrainiennes – dont la 4è brigade opérationnelle de la Garde nationale – qui sont tout autour empêchent actuellement le poser de gros porteurs qui pourraient renforcer le contingent russe en hommes et munitions. Le contrôle de cet aéroport est vital pour la prise ultérieure de Kiev – si c’est bien le plan russe -.

Les ports ukrainiens semblent aussi constituer des objectifs prioritaires (dont celui d’Odessa) mais, Marioupol attaqué serait resté aux mains des Ukrainiens.

1. Les autorités ukrainiennes ont dit que les aéroports de Boryspil, Ozerny, Kulbakino, Chuhuiv, Kramatorsk et Chernoevka avaient été bombardés.
2. Comme d’habitude, il convient de rester prudent avec les bilans donnés par les différentes parties. Kiev annonce avoir abattu sept avions et six hélicoptères russes. Moscou reconnaît la perte d’un Su-25 en raison d’une erreur du pilote qui aurait été récupéré vivant. Les Ukrainiens parlent d’une trentaine de chars, 130 VBCI détruits et de 800 militaires russes tués. Ils admettent des pertes de leur côté qui se compteraient entre plus de 150…

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Texte

Alain Rodier

Photos

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