Le gouvernement Abdulhamid Dbeibeh ou « gouvernement d'unité nationale » (GNU) a remplacé depuis le 15 mars 2021 deux autres gouvernements : le « reconnu par la communauté internationale » siégeant à Tripoli et celui de Tobrouk qui soutient le maréchal Khalifa Haftar.

Mais le GNU devait officiellement cesser ses fonctions lors de l’élection présidentielle qui aurait du se tenir le 24 décembre (suivie d’élections législatives un mois plus tard). Comme cela était attendu, l’élection présidentielle n’a pu avoir lieu pour des raisons politiques, matérielles et organisationnelles. La question est : qui peut gérer les affaires courantes en attendant une nouvelle date ?

Toutes ces élections sont repoussées sans que de nouvelles dates n’aient été avancées. La Chambre des représentants basée à Tobrouk (favorable à Haftar) s’oppose à ce qui peut être assimilé à un « Sénat » qui siège à Tripoli sur la suite des évènements. Elle s’est d’ailleurs mise en congé jusqu’au premier janvier. Le problème est donc de savoir qui peut se charger des affaires courantes ?

La Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis ont appelé, via leurs représentations diplomatiques, à ce que le GNU reste en place jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle.
Mal en a pris à l’ambassadrice britannique, Caroline Hurndall, qui a été déclarée persona non grata par le Comité des Affaires étrangères de la Chambre des représentants pour « ingérence dans des affaires intérieures libyennes » et « soutien à la corruption ». Les observateurs se demandent pourquoi Londres et visé et pas les autres capitales signataires d’un texte similaire…

Les candidats déclarés ou non (et admis ou non) à la magistrature suprême se pressent au portillon (73 candidatures présentées le 24 novembre 2021) : entre autres le chef de l’Administration à Tripoli et riche homme d’affaires Abdul Hamid Dbeibah, Saif al-Islam – le fils du dictateur assassiné – dont la candidature a été rejetée, le maréchal Haftar qui a mené le siège de Tripoli pendant seize mois jusqu’au cessez le feu de la fin 2020.

Il paraissait évident que des élections ne pouvaient se tenir(1) alors que le pays est séparé en deux factions Ouest-Est, celle de l’Ouest étant directement soutenue par la Turquie et le Qatar (et les Frères musulmans) et celle de l’Est, le fief d’Haftar, aidée par l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et la Russie. Le nombre de combattants étrangers présents sur zone dans les deux camps est estimé à 20.000…
Il convient de rajouter à cet imbroglio tous les chefs de guerre locaux qui gèrent leurs « territoires » sans tolérer la moindre ingérence extérieure et qui, parfois, contrôlent les installations pétrolières régissant les flux selon leur bon vouloir. Il convient enfin de se rappeler que la Libye sert également de base arrière pour de nombreux groupes jihadistes et criminels qui échangent les bons services : migrants, armes, véhicules, pétrole, etc.

Quoiqu’en dise la communauté internationale, la Libye n’est plus un pays gérable en tant que tel. Un début de solution pourrait être une partition prenant, dans un premier temps une forme fédérale pour rester acceptable pour toutes les puissances régionales. Sinon, il y a de fortes chances que la guerre civile ne reprenne au cours des prochains mois.

1. Il était communément admis que seuls un peu plus de deux millions de Libyens sur les sept que compte le pays, pourraient avoir la possibilité de voter. Quant à la régularité des dépouillements…

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Alain Rodier

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