Le 30 avril dernier, la secrétaire adjointe de la Défense des États-Unis Kathleen Hicks assurait que le retrait des troupes américaines d’Afghanistan ne se terminerait pas comme celui du Vietnam avec la chute de Saïgon en 1975. L’armée sud-vietnamienne avait au moins tenu deux mois, de mars à avril 1975, face à l’invasion nord-vietnamienne. Après le départ de l’Armée rouge, les forces afghanes ont résisté quand même trois années, de mars 1989 à avril 1992, face aux moudjahidines.

L’absence de résistance de la part des forces afghanes a stupéfié les diplomates, alors que les services de renseignement américains estimaient encore début août que Kaboul pourrait tenir au moins trois mois. Comment expliquer qu’en une dizaine de jours l’armée afghane, alignant 300 000 hommes « sur le papier » (en réalité, moins de 180 000 combattants) et 50 000 forces spéciales (en fait, des soldats mieux formés et mieux équipés), se soit effondrée face à 55 000 à 85 000 talibans ne possédant aucun armement lourd ? Il y a plus de deux décennies, il leur avait fallu presque deux années, de 1994 à 1996, pour s’emparer d’une partie du pays. Certes, ils avaient profité alors de ce que l’Afghanistan était totalement exsangue et en proie aux différents chefs de guerre moudjahidines qui s’entredéchiraient.

En fait, les effectifs des forces armées afghanes ont été gonflés artificiellement (on parlait d’une quarantaine de « bataillons fantômes »). D’ailleurs, le gouvernement afghan refusait, ces dernières années, de publier le chiffre des pertes et des désertions. Et dès les premiers jours de l’offensive des talibans, les lignes de ravitaillement étant trop distendues et le support aérien manquant, les soldats afghans se sont vite retrouvés à court de ravitaillement et surtout de munitions. Seule solution : se rendre ou fuir. De nombreux soldats ont pris la fuite sans combattre et sont rentrés chez eux. Autre élément décisif : le retrait très rapide, en moins de deux mois, des forces américaines, alors que le Pentagone assurait que le soutien en matériel serait prolongé sur 18 mois. Cette débâcle est le résultat d’une absence d’union entre les chefs de guerre régionaux et le gouvernement, lequel n’a rien trouvé de mieux que de destituer les grands chefs de l’armée, contribuant ainsi à déstabiliser encore plus les militaires.

La vérité, c’est que les jeux étaient faits début août. Car tant le gouvernement que les chefs de guerre et les autorités locales ont négocié secrètement leur reddition avec les talibans, moyennant des sauf-conduits pour s’enfuir. D’ailleurs, personne n’était dupe, et certainement pas Washington. Dès le 10 août, le président Joe Biden déclarait : « Un an de plus, ou cinq ans de plus, de présence militaire américaine ne ferait aucune différence si l’armée afghane ne peut pas ou ne veut pas tenir son propre pays. »

Bonne lecture
Eric Micheletti

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